Comme les années précédentes, l'enveloppe allouée au financement des établissements et services pour personnes âgées et handicapées devrait connaître une progression plus soutenue que celle de l'Ondam. L'Ondam médico-social devrait en effet s'établir à 18,2 milliards en 2016, en hausse de 1,9 %, contre 1,75 % pour l'Ondam. Ce constat traduit un effort louable mais mérite d'être nuancé. En premier lieu parce que, depuis l'exercice 2013, où la progression de l'Ondam médico-social avait été fixée à 4 %, celle-ci n'a cessé de connaître une décélération qui inquiète les acteurs de terrain, a fortiori dans un contexte de réforme de la tarification et de généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) qui sera nécessairement source de bouleversements.
En second lieu parce que, chaque année, le secteur médico-social contribue très largement à l'effort de régulation des dépenses d'assurance maladie. En 2015, 185 millions ont été gelés au cours de l'exercice budgétaire, dont 85 millions définitivement annulés. Au final, le secteur médico-social porte à lui seul 23 % de l'effort de régulation des dépenses d'assurance maladie alors qu'il ne représente qu'environ 10 % du total de ces dépenses.
Comme chaque année, l'Ondam médico-social sera abondé par d'autres ressources, fixées par voie réglementaire, pour former l'objectif global de dépenses (OGD), géré par la CNSA. En 2016, il devrait ainsi être complété à hauteur de 1,2 milliard d'euros par une fraction du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), de 113 millions d'euros de droits sur les tabacs et de 110 millions d'euros par un prélèvement sur les réserves de la CNSA. L'OGD s'établirait donc à 19,5 milliards, en augmentation de 2,1 %.
Au total, 405 millions d'euros de moyens supplémentaires doivent être alloués aux établissements et services pour personnes âgées et handicapées. Au-delà du renforcement des moyens existants, 150 millions d'euros seront consacrés à des créations de places, 100 millions d'euros à la poursuite de la médicalisation des Ehpad et 10 millions d'euros à l'intégration, au sein d'une même enveloppe, de l'ensemble des dépenses de soins en Ehpad.
Lors de son audition, Mme Marisol Touraine a annoncé vouloir dégager une enveloppe de 15 millions d'euros pour débloquer la situation de familles qui, faute de solutions d'accueil adaptées, sont contraintes de se tourner vers la Belgique. Je suis attentive à cette question qui touche environ 4 500 adultes et 1 500 enfants, dont la France continue de financer la prise en charge sans être en mesure de leur offrir une solution d'accueil sur le territoire. Ce n'est pas acceptable. Au-delà des créations de places, nous devons améliorer l'orientation dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le Gouvernement a proposé une mesure en ce sens dans le projet de loi santé, acceptée par le Sénat en première lecture. Il conviendra d'être particulièrement attentif à sa mise en oeuvre.
Deux articles concernent plus spécifiquement le secteur médico-social. L'article 46 prévoit le transfert vers l'assurance maladie du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (Esat). Cette mesure, applicable au 1er janvier 2017, est présentée comme indispensable au bon pilotage par les ARS des financements alloués aux structures pour personnes handicapées. Cela n'a été contredit par aucune des associations et fédérations que j'ai rencontrées ; elles ont cependant exprimé des craintes, car si le principe du transfert est acté, la définition de ses modalités de mise en oeuvre financière est renvoyée à la loi de financement pour 2017. Or deux scénarios très différents sont envisagés. Le plus logique voudrait qu'en 2017, l'Ondam médico-social soit abondé à hauteur de 1,5 milliard d'euros, ce qui correspond aux financements alloués par l'État pour le fonctionnement des Esat. L'Ondam médico-social connaîtrait donc une augmentation très dynamique correspondant à un changement de périmètre. Le deuxième scénario, plus problématique, consisterait à financer en partie ce transfert en faisant appel aux ressources propres de la CNSA - au détriment de la compensation des dépenses d'APA et de PCH. Pour le moment, le Gouvernement lui-même ne semble pas savoir dans quelles conditions financières va s'opérer ce transfert. Il me semble malgré tout important d'alerter sur ce point afin que le transfert des Esat s'opère dans des conditions acceptables.
Une autre crainte concerne la cohérence, à terme, de la réforme proposée. Il est sans doute souhaitable d'aller vers plus de fongibilité dans la gestion par les ARS des crédits destinés au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux, mais les Esat occupent une place à part. Si l'État finance leurs dépenses de fonctionnement, il garantit également un niveau minimum de rémunération aux travailleurs concernés avec l'enveloppe d'aide au poste de 1,3 milliard d'euros. Transférer cette enveloppe à l'assurance maladie n'aurait pas de sens dans la mesure où il ne s'agit pas d'un élément de la tarification des Esat. Pour autant, le niveau de l'aide au poste est lié au nombre de places en Esat et, partant, à leurs dépenses de fonctionnement. Dès 2017, les deux enveloppes - dépenses de fonctionnement et aide au poste - seront placées sous la responsabilité de deux financeurs différents, assurance maladie et État. Rien ne garantit qu'elles évoluent, à l'avenir, dans les mêmes proportions.
L'article 47 prévoit la généralisation des Cpom dans les établissements et services pour personnes handicapées, lorsqu'ils sont tarifés par le directeur général de l'ARS. Jusqu'à présent facultatifs, ces contrats n'ont été, de fait, signés que par une minorité d'établissements. Leur généralisation ne soulève pas d'opposition particulière chez les acteurs du secteur ; elle donnera une visibilité pluriannuelle aux structures concernées et assurera le passage en dotation globale des établissements et services qui sont encore tarifés au prix de journée. La conclusion des Cpom devrait s'effectuer sur une période de six ans à compter du 1er janvier 2016 dans des conditions définies par les ARS et les présidents de conseils départementaux, échelonnement indispensable pour permettre aux structures de s'y préparer.