Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 novembre 2015 à 9h00
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Examen du rapport

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général :

Je reprends la parole en tant que rapporteur pour l'assurance maladie. Le projet de loi de financement comporte près de trente articles relatifs à l'assurance maladie, dont douze insérés par l'Assemblée nationale. Les sujets sont nombreux et certains ont déjà été abordés à l'occasion du projet de loi relatif à la santé : contraception, filière visuelle, prévention de l'obésité, permanence des soins, régulation de l'installation des professionnels de santé non-médecins... Sur ces sujets, les mesures du projet de loi de financement présentent essentiellement des enjeux techniques. Toutefois, l'article 44 pérennise l'expérimentation conduite par l'ARS Pays de la Loire relative à la permanence des soins ambulatoires : des solutions existent donc.

La mesure principale est incontestablement la protection universelle d'assurance maladie (Puma) prévue par l'article 39. Derrière ce nom se cache une réforme administrative d'ampleur pour les caisses puisqu'il s'agit de les obliger à garder parmi leurs affiliés les personnes bénéficiant de la couverture universelle de base pour la maladie. Concrètement, le droit à la prise en charge des frais de santé au travers des prestations en nature de l'assurance maladie sera garanti à toute personne majeure résidant durablement et légalement en France, sans condition supplémentaire. Le droit aux prestations en espèces, c'est-à-dire aux indemnités journalières, restera régi par les règles propres à chaque régime. Afin de mettre en place cette mesure, la notion d'ayant droit majeur disparaît et se trouve remplacée par une affiliation directe au régime. Les mineurs restent ayants droit de l'un ou l'autre de leurs parents.

Sur le principe, on ne peut qu'approuver une mesure qui devrait simplifier la vie des assurés sociaux. Je m'interroge cependant sur ses modalités de mise en oeuvre : l'ampleur de la tâche à accomplir par les différents régimes et les administrations en matière informatique et réglementaire apparaît considérable. Le directeur général de la Cnam nous a ainsi indiqué que le régime général compte quatre millions d'ayants droit majeurs, qu'il va falloir basculer vers l'affiliation directe. Il faut donc espérer que la Puma ne créera pas une nouvelle catastrophe qui, au lieu de simplifier la vie des assurés, aboutirait à des dysfonctionnements durables au sein de régimes déjà particulièrement sollicités, comme le régime social des indépendants. Le précédent constitué par l'instauration de l'interlocuteur social unique est, de ce point de vue, un exemple de triste mémoire. De plus, le fait pour l'Acoss de retracer les sommes dues à chaque régime risque d'être complexe. Nous demanderons en séance à la ministre de dire dans quelle mesure les régimes peuvent mettre ce dispositif en oeuvre et de quels moyens et de quel accompagnement ils pourront bénéficier.

Une autre réforme d'ampleur est celle de la nouvelle tarification des soins de suite et réadaptation (SSR) à l'article 49. Différents modes de rémunération existent actuellement pour les établissements de SSR selon qu'ils sont publics, privés non-lucratifs ou privés commerciaux. La réforme, dont le principe fait consensus, prévoit une nouvelle tarification constituée d'une dotation forfaitaire et d'une rémunération fondée sur l'activité. Cette réforme, si elle réussit, pourrait servir de modèle pour faire évoluer la rémunération des établissements encore financés par dotation, mais également la tarification à l'activité. Malheureusement, les bases sur lesquelles les nouveaux tarifs doivent être établis sont incertaines et fortement contestées par les établissements privés lucratifs. Les tarifs proposés se fondent sur des études nationales de coût dont l'article 51 nous propose de renforcer la fiabilité. Pour des établissements dont la pérennité dépend de cette réforme, on comprend l'inquiétude que suscite cet article quand bien même le principe d'une réforme est accepté par tous. Je vous proposerai donc des amendements pour lever ces incertitudes.

Enfin, deux mesures importantes concernant les complémentaires ne respectent l'obligation constitutionnelle d'avoir un impact financier sur la sécurité sociale que par le biais des mécanismes d'exonération, d'ailleurs modestes, qui leur sont attachés. Il faut sans doute voir dans leur rattachement à ce projet de loi une question de calendrier, puisque le régime des complémentaires d'entreprise obligatoires sera généralisé au 1er janvier prochain.

L'article 21 pose des difficultés de principe. En effet, il prévoit un mécanisme d'appel d'offres devenu, après le passage à l'Assemblée nationale, une labélisation des contrats de complémentaire santé, pour les plus de 65 ans. Il s'agit là encore de tirer les conséquences de l'ANI qui, en prévoyant l'obligation de contrats collectifs pour les salariés, les fait basculer à l'âge de la retraite sur des contrats individuels. Or le droit des assurances interdit d'exclure des contrats les adhérents vieillissants : ceux qui les souscrivent alors qu'ils sont encore en activité ne subissent pas, normalement, de discrimination une fois retraités. Cependant, le marché du contrat individuel d'assurance complémentaire sera désormais privé d'adhérents salariés actifs et concernera essentiellement les retraités. En adhérant à 65 ans, les primes d'assurance demandées seront bien plus élevées, ce qui n'est pas illégitime puisque le risque en matière de santé s'accroît à partir de 65 ans. Cet article prévoit la création d'un nouveau panier de soins pour les plus de 65 ans avec, pour l'adhésion aux contrats correspondants, le bénéfice pour l'assuré de cotisations plus faibles et pour l'assureur d'un crédit d'impôt de 2 % sur la taxe sur les contrats d'assurance. Le Gouvernement rappelle que ce dispositif n'interdira pas aux plus de 65 ans d'adhérer au contrat de leur choix. On peut cependant penser que, pour les personnes qui sortent des contrats collectifs à l'âge de la retraite, l'effet prix sera particulièrement attractif avant même la prise en compte du taux réel de couverture. Les mutuelles, notamment les mutuelles de fonctionnaires, sont très opposées à l'idée d'une labélisation dont elles estiment qu'elle favoriserait les assurances.

En outre, il existe de multiples dispositifs permettant aux personnes de plus de 65 ans ayant des revenus modestes d'accéder à une complémentaire santé, au premier rang desquels la CMU-C et l'ACS dont le montant a été augmenté l'année dernière pour les plus de 60 ans. De plus, la cohérence et l'efficacité de ces dispositifs ne sera établie que lorsque le rapport, finalement demandé à l'Igas, qui avait été promis dans la loi de sécurisation de l'emploi, sera rendu public. Les mécanismes de mutualisation des risques, seuls susceptibles de faire baisser les primes pour les plus de 65 ans, existent déjà, notamment pour les mutuelles de la fonction publique. Enfin, cet article pose des questions relatives à l'emploi dans le secteur des complémentaires. Dès lors, il m'apparait prématuré de définir un nouveau panier de soins et de labéliser des contrats : je vous proposerai donc de supprimer cet article.

L'article 22 offre aux salariés en contrat court un droit d'option entre la complémentaire d'entreprise et un chèque permettant l'adhésion à un contrat individuel responsable. À quelques semaines de l'entrée en vigueur des dispositifs collectifs négociés par les entreprises, cette mesure est mal venue. En effet, s'il est souhaitable de garantir la couverture complémentaire des salariés en situation atypique, pour ne pas dire précaire, on ne saurait remettre en cause l'équilibre des accords négociés par les entreprises, au moment même où ils entrent en application. Je vous proposerai donc la suppression de cet article.

Le Gouvernement, comme ses prédécesseurs, n'utilise pas tous les moyens nécessaires au retour à l'équilibre des comptes, maintenant de fait ce dernier à un horizon lointain. Après avoir recouru massivement à l'impôt du fait des marges de manoeuvre laissées en la matière par la précédente majorité, on ne peut aujourd'hui agir sur les déséquilibres que par une baisse des dépenses. Je vous propose donc une mesure écartée par le Gouvernement l'an dernier : la mise en place de trois jours de carence pour les personnels hospitaliers.

Cette mesure législative s'accompagne de plusieurs mesures réglementaires ou de gestion qui incombent au Gouvernement, touchant la gestion des hôpitaux, les actes inutiles et la tarification des urgences. Il s'agit de souligner que l'on ne peut se contenter de reporter indéfiniment le retour à l'équilibre et qu'il faut prendre collectivement nos responsabilités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion