Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2015 à 9h08
Loi de finances pour 2016 — Tome i du rapport général - examen des principaux éléments de l'équilibre

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Vincent Delahaye a souligné l'optimisme des prévisions en matière d'investissement et regretté que le financement des dépenses nouvelles soit mal documenté. Pour ce qui concerne l'abondement des crédits de la Défense, la vente des fréquences de la bande des 700 MHz doit venir en compensation, mais rien n'est encore certain à ce jour car le processus d'enchères vient d'être lancé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) : il y aura un délai entre le moment de l'attribution des fréquences et la perception des sommes.

La recette « Coface » est constituée pour une large part du produit de la vente des bâtiments de projection et de commandement à l'Égypte. Il s'agit de la contrepartie de l'indemnisation versée en 2015 aux industriels français du fait de l'annulation de la vente des Mistral.

Nous essayerons de retracer, comme vous le souhaitez, l'effet agrégé de l'augmentation des prélèvements sur les entreprises et des allègements apportés par le CICE. Le fait est que le taux de prélèvements sur les entreprises reste élevé, comme le soulignait à l'instant Philippe Dominati. En dépit du CICE et du Pacte de responsabilité, les mesures fiscales prises l'an dernier, notamment en loi de finances rectificative, et celles des années précédentes, qui continuent à produire leurs effets, ont alourdi la charge. Je pense à la non-déductibilité des charges financières.

Quant aux critères sur lesquels s'appuie le Gouvernement pour élaborer un tendanciel d'évolution des dépenses, vous les retrouverez aux pages 140 à 146 du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances.

En réponse à Richard Yung, j'indique qu'en estimant l'hypothèse de croissance « atteignable », je n'ai fait que reprendre, par souci d'objectivité, le terme employé par le Haut Conseil des finances publiques. On peut toujours espérer mieux, mais le Haut Conseil reste nuancé. L'inflation, en revanche, pose une vraie question. Tous les gouvernements espèrent une remontée, mais on ne voit rien venir.

Si je m'étonne que le programme d'économies reste à 50 milliards d'euros, c'est que des mesures nouvelles sont annoncées, qu'il faudra bien financer...

Mes remarques sur le temps de travail ont suscité beaucoup de questions. Nous avons commandé un rapport à la Cour des comptes, qui a mené un travail très complet. Il ouvre des pistes. Passer de 35 heures à 39 heures représenterait une économie, sur les trois fonctions publiques, de 7 milliards d'euros. Je suis dans mon rôle en le faisant savoir. D'autres pays ont su faire des efforts en matière de fonction publique et ont une croissance plus importante que la nôtre.

Je ne dis pas - ceci pour répondre à Éric Bocquet - que le CICE est un dispositif idéal, mais il a apporté un peu de stabilité qu'il ne faut pas remettre en cause. Quant au CIR, notre déplacement à Toulouse a montré que même si tout n'est pas parfait - la perfection n'est pas de ce bas monde - il a aidé à relocaliser la recherche en France.

Sur l'exil fiscal, un rapport, que l'on doit à l'initiative du Parlement, est publié chaque année, qui donne des éléments de comparaison. Je le tiens à votre disposition.

La dette est détenue, pour un tiers, par des résidents français, pour un tiers par des résidents de l'Union européenne, et pour un dernier tiers par des résidents hors Union européenne. Si bien qu'en effet, elle est détenue aux deux tiers par des non-résidents, ce qui pose la question d'une hausse des taux d'intérêt si les investisseurs décidaient de se détourner de la France. C'est notre différence avec le Japon, pays surendetté mais dont la dette est essentiellement domestique.

Philippe Dallier s'interroge sur l'impact des mesures dites « Lebranchu », qui d'après les estimations de la Cour des comptes représenteront, à l'horizon 2020, 4 à 5 milliards d'euros par an de dépense - dont 2,5 à 3 milliards d'euros pour la fonction publique d'État. Elles ne monteront que progressivement en charge et auront un impact relativement limité en 2016.

La baisse des dotations aux collectivités produit un double effet : baisse de l'investissement et hausse des impôts locaux. On attend ainsi, pour 2016, une hausse contrainte des prélèvements de 800 millions d'euros.

Le FMI n'est pas seul, Serge Dassault, à appeler la France à des réformes. La Commission européenne le fait aussi. Ce budget est-il « électoraliste » ? Je dirais que le Gouvernement y reconnait les erreurs faites par le passé en matière de fiscalité, qu'il essaie de corriger - ce qui posera, s'agissant de l'impôt sur le revenu, d'autres problèmes.

Je vous rejoins pour penser que le seuil des 3 % ne sera pas atteint en 2017. Quant aux taux d'intérêt, le seul élément qui plaide pour leur stabilité, sachant qu'en effet, les États-Unis ne font que repousser leur remontée de semaine en semaine, c'est la faiblesse de la croissance en Europe.

Sur les départs de contribuables à l'étranger, je vous renvoie, comme Éric Bocquet, au rapport que j'ai signalé.

Je ne suis pas un sectateur du solde structurel, Claude Raynal, mais j'observe que le ministre lui-même a évolué, puisqu'il nous a parlé du déficit effectif exprimé en euros sonnants et trébuchants. Qu'on le veuille ou non, nous sommes tenus par nos engagements européens. Je vous rappelle que nous sommes en procédure de déficit excessif et avons dû prendre des engagements écrits sur un programme de réformes et des mesures de stabilité. La notion de solde structurel fait partie des critères européens, et nous faisons partie de l'Union européenne. Nous ne devons pas nous écarter de nos prévisions de déficit, si bien que toutes les mesures nouvelles devraient être financées par des économies à due concurrence. C'est bien pourquoi je m'interroge sur le fait que le montant de 50 milliards d'euros d'économies programmés ne varie pas.

Les mesures structurelles ? Je viens d'en donner un exemple, pour 7 milliards d'euros, avec le temps de travail dans la fonction publique. Je pourrais vous en citer bien d'autres - le jour de carence, le glissement vieillesse technicité (GVT) -, y compris sur d'autres sujets, comme la réforme des retraites, la contribution aux régimes spéciaux, etc. J'observe que des pays voisins ont fait ces réformes de structures, que nous n'avons pas engagées.

Sur les 278 milliards d'euros représentant la masse salariale des administrations publiques, la part des collectivités territoriales compte pour 77,8 milliards d'euros. Ceci pour répondre à la question de Marc Laménie.

Tenir compte des réalités, François Patriat ? Il n'est que de dresser quelques comparaisons. Le coût horaire du travail est en France de 34,8 euros quand il est de 30,9 euros en Allemagne.

La réforme de la taxe professionnelle ? Cette « taxe imbécile » - le mot n'est pas de moi... - pénalisait les entreprises industrielles de main d'oeuvre. La contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui l'a remplacée a d'abord été faite pour y remédier, et c'est un impôt dynamique : la meilleure preuve en est qu'il est très convoité... Si cette contribution n'était pas productive, les régions ne se battraient pas pour elle.

Je rejoins Marie-France Beaufils, qui s'interroge sur l'impact de la baisse des dotations sur l'investissement des collectivités. Toutes les études convergent. Selon l'Observatoire des finances locales, l'investissement des collectivités représentait 58,7 milliards d'euros en 2013 ; Il a chuté de 7,1 % en 2014, à 54,1 milliards d'euros, et de 8,5 % en 2015, à 49,5 milliards d'euros. L'impact de la baisse des dotations est bien double : augmentation de la fiscalité - 800 millions d'euros en 2016 - et baisse de l'investissement, qui fragilise un certain nombre de secteurs. N'oublions pas que les collectivités n'ont pas droit au déficit. Or, la réduction des dépenses de fonctionnement a ses limites, compte tenu de leur rigidité.

Roger Karoutchi a raison de souligner à son tour que la baisse de la DGF a des conséquences directes sur l'investissement.

François Marc m'interroge sur les prêts à la Grèce. Il faut distinguer entre les engagements financiers de la France au titre de la dette grecque et les aides qui seront apportées par le mécanisme européen de stabilité (MES) à la République hellénique. C'est dans le premier cas que réside le risque pour 2016. Je vous renvoie au travail sur l'exposition de la France à un éventuel défaut de la Grèce que nous avons réalisé en juillet.

Les gains salariaux liés aux réformes de l'impôt sur le revenu ? Hors progression spontanée des recettes, l'impact des mesures fiscales sur le revenu atteint 7 milliards d'euros, ce qui va bien au-delà des gains qu'ont pu enregistrer les foyers sortis de cet impôt.

Fabienne Keller a raison de déplorer les effets de la baisse des dotations sur l'investissement des collectivités : près de 10 milliards d'euros entre 2013 et 2015.

Il est juste de relever que les annonces, notamment liées au climat, pour 3 à 5 milliards d'euros d'ici à 2020, ne sont pas, pour l'heure, financées. Quant aux éléments de comparaison que vous demandez, nous vous les fournirons.

En dépit des efforts que relève Maurice Vincent, nous ne sommes pas en phase avec nos engagements européens. La Commission nous a concédé à deux reprises un report de notre engagement de retour du déficit public sous les 3 %. Quant aux pistes que j'ai citées, pour mémoire, elles me sont inspirées par le récent rapport de la Cour des comptes.

Le montant de la dette, Marie-Hélène Des Esgaulx, doit être mesuré au 31 décembre, car les émissions varient en cours d'année, si bien que l'on ne peut considérer que tous les trimestres sont équivalents. Je me permets de vous renvoyer aux simulations réalisées pour mesurer les effets d'une variation de la dépense publique ou de la croissance sur la dette.

Yvon Collin s'interroge sur l'efficacité des dépenses liées aux exonérations en faveur de l'investissement locatif. Notre groupe de travail sur le logement a montré que la dépense attachée aux dispositifs successifs représente un coût annuel de 1,8 milliard d'euros. Il est vrai qu'il faut s'interroger, mais les constructeurs objectent que c'est la seule aide qui leur est consentie et que sans elle, la construction s'effondrerait.

Jean-Claude Requier, fidèle à la mémoire de Joseph Caillaux, pose une vraie question. Le caractère universel de l'impôt sur le revenu, entre la loi de finances pour 2015 et celle-ci, se trouve largement entamé. Même si la contribution sociale généralisée (CSG) n'est pas concernée, il y a là un vrai sujet, auquel je suis sensible.

La différence que vous observez dans le montant des dépenses de l'État tient au prélèvement sur recettes.

Je ne peux que constater, comme Philippe Dominati, que les 3 % ne seront pas atteints en 2017. Il est vrai que les effectifs de la fonction publique sont globalement, en France, en phase avec ceux des autres pays européens. Mais nous avons un vrai problème de temps de travail, ainsi qu'il le souligne. Il y a là une question d'équité. Quand on sait que les sapeurs-pompiers font 90 gardes de 24 heures par an - les présidents de conseils généraux ne me démentiront pas - ou qu'à Paris, les policiers municipaux peuvent être amenés à faire 28 heures de service actif de nuit, on comprend que des comparaisons se fassent.

Je le rejoins sur la fiscalité des entreprises. Je l'ai dit, en dépit de l'oxygène qu'ont apporté le CICE et le Pacte de stabilité, d'autres mesures sont venues alourdir la charge et continuent à produire leurs effets, si bien que le taux de prélèvements obligatoires reste élevé.

J'appelle à la vigilance sur le prochain projet de loi de finances rectificative, qui pourrait encore amener d'autres mesures. Résultat, la France se classe parmi les pays dont le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises est parmi les plus élevés.

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