Je vais vous présenter les programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie », dont je suis co-rapporteur avec Jean-François Husson et Vincent Capo-Canellas. Je vous présenterai également les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
Comme les années précédentes, je regrette que le budget des infrastructures et services de transport ne bénéficie pas d'une mission à part entière alors qu'il s'agit pourtant d'un enjeu financier et socio-économique considérable pour notre pays. J'ajoute que tant d'un point de vue administratif que parlementaire, la politique publique des transports est bien distincte de la politique publique en faveur de l'écologie.
Le programme 203 dont je suis le rapporteur ne présente qu'une partie des dépenses consacrées aux transports en raison du rôle majeur joué par l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) dans le financement des grandes infrastructures.
Établissement public administratif de l'État créé en 2004 et placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), l'AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l'État : redevance domaniale des sociétés d'autoroutes, taxe d'aménagement du territoire, une partie des amendes des radars automatiques et une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
L'AFITF reverse ensuite une partie de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, l'AFITF est un opérateur « transparent », dont les décisions engagent l'État.
Or, contrairement aux crédits budgétaires, les fonds de concours ne sont qu'évaluatifs et le Parlement ne dispose pas du budget initial de l'AFITF - qu'elle vote en décembre - au moment où il examine le projet de loi de finances
Ainsi, comme le rappelle la Cour des comptes - je la cite - « les documents de programmation budgétaire du programme 203 ne font apparaître ni la totalité des engagements annuels et pluriannuels pris par l'AFITF, ni la répartition des engagements pris par l'AFITF pour le compte de l'État et pour son propre compte. L'ampleur du recours à la technique des fonds de concours en provenance de cet établissement permet au ministère de disposer d'une masse de ressources reportables de droit et sans limite, et qui échappe, au moins directement, aux mesures de pilotage de la dépense publique en gestion ».
Si je ne plaide pas pour une suppression de l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF), je regrette que le circuit budgétaire du financement des infrastructures rende très difficile - voire impossible - de savoir quel est le montant effectivement consacré aux infrastructures en France.
J'en viens à présent à l'analyse de la situation financière de l'AFITF.
Depuis sa création, l'AFITF a engagé 33 milliards d'euros. Selon les premiers éléments qui m'ont été transmis, elle pourrait disposer, en crédits de paiement, de 1,85 milliards d'euros pour ses dépenses d'intervention en 2016.
Fin 2015, il lui restait à mandater une somme d'environ 11,85 milliards d'euros concernant à 63 % le mode de transport ferroviaire, soit un montant correspondant à plus de six exercices au regard de son budget actuel. Son équilibre financier apparaît donc pour le moins instable. Selon Philippe Duron, son président, elle aurait besoin de pouvoir décaisser environ 2,2 milliards d'euros chaque année pour faire face à ses engagements.
Comme vous vous en rappelez, mes chers collègues, l'AFITF aurait dû bénéficier des recettes de l'écotaxe. Or non seulement l'AFITF n'as pas perçu l'écotaxe, mais elle a dû payer les indemnités dues à Ecomouv' en raison de la résiliation du contrat qui liait ce consortium à l'État.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, j'avais estimé à 830 millions d'euros environ la somme totale que devrait débourser l'État suite au « fiasco » de l'écotaxe. L'« ardoise » est en réalité beaucoup plus lourde, puisqu'elle s'élèvera à 969,2 millions d'euros entièrement financés par l'État, donc par le contribuable, via l'AFITF.
Pour remplacer les recettes que l'AFITF aurait dû percevoir au titre de l'écotaxe et lui permettre de faire face aux décaissements engendrés en 2015 par la résiliation du contrat, la loi de finances pour 2015 lui avait affecté la totalité du produit d'une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers (2 centimes d'euros par litre) et le déremboursement d'une partie de l'exonération sur le gazole des poids lourds (4 centimes d'euros par litre), soit la somme de 1 139 millions d'euros pour l'année 2015.
Les décaissements liés à la résiliation du contrat liant l'État à Ecomouv' étant nettement moins importants en 2016 - la moitié a été payée en février dernier, et le solde sera acquitté sur dix ans -, l'article 14 du présent projet de loi de finances prévoit que l'État n'affectera l'an prochain à l'AFITF qu'une fraction du rehaussement de la TICPE, soit un montant de 715 millions d'euros. Or, de l'aveu du président de l'AFITF, l'Agence ne parviendra pas à faire face au rythme de ses paiements et aurait besoin de 400 millions d'euros supplémentaires pour 2016.
Étant donné que la situation financière de l'AFITF est très dégradée, comme je vous l'ai rappelé, j'estime pour ma part qu'il sera nécessaire de lui affecter de nouveau en 2016 l'intégralité du rehaussement de la TICPE. Je déposerai donc un amendement dans ce sens à l'article 14 du projet de loi de finances.
S'agissant du programme 203 proprement dit, les crédits sont en légère diminution.
Sur les 3,2 milliards d'euros du programme, l'essentiel de la dépense est constitué par la subvention versée à SNCF Réseau (ex-Réseau ferré de France), d'un montant de 2,5 milliards d'euros. L'entretien routier et la subvention à l'établissement public Voies navigables de France (VNF) subiront pour leur part une légère érosion par rapport à 2015.
Pour les différentes raisons que j'ai évoquées précédemment - absence de mission propre aux transports, illisibilité du budget qui leur est consacré, situation financière dégradée de l'AFITF et sous-évaluation délibérée du coût pour le citoyen du « fiasco » de l'écotaxe - je vous appellerai également à rejeter les crédits de la mission « Écologie ».
J'en viens maintenant au programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ».
La dotation du programme en 2016 s'établit à 185,9 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 183,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un recul relativement significatif de - 1,9 % pour les premières et de - 3 % pour les seconds.
34,7 % des crédits du programme, soit 64,5 millions d'euros, visent à soutenir, via des exonérations de cotisations sociales patronales, le secteur du transport maritime français, confronté à une concurrence internationale exacerbée dans le contexte de la mondialisation. Ces crédits diminueront en 2016 en raison des pertes d'emploi dans le transport de passagers, je pense aux difficultés de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) ou de MyFerryLink.
En revanche, les crédits consacrés aux missions régaliennes de sécurité et de sûreté en mer et à la formation des marins resteront stables.
J'en viens enfin au compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
Ce compte porte les crédits destinés à financer les trains d'équilibre du territoire (TET), c'est-à-dire une trentaine de lignes structurellement déficitaires dont l'exploitation est assurée par SNCF Mobilités sous l'autorité de l'État.
Historiquement, la SNCF assurait une péréquation interne entre ses TGV, excédentaires, et les TET, déficitaires.
Depuis 2010, l'État affecte des taxes au présent compte d'affectation spéciale afin de compenser le déficit d'exploitation de SNCF Mobilités dû aux TET ainsi que la régénération du matériel roulant.
Le déficit d'exploitation de ces lignes s'est aggravé ces dernières années, la fréquentation des TET ayant diminué de 20 % depuis 2011, notamment en raison de l'essor du covoiturage. Pour tenir compte de cette réalité, les crédits du CAS atteindront 216,2 millions d'euros en 2016, soit une hausse significative de 13,3 % par rapport à 2015.
Dans ce contexte, le secrétaire d'État chargé des transports a mis en place en novembre 2014 une commission « TET d'avenir » et lui a confié la mission d'étudier les dysfonctionnements actuels de l'offre TET afin de proposer des axes d'amélioration.
Estimant que le partage des responsabilités entre l'État et SNCF Mobilité manquait de lisibilité, cette commission a préconisé un renforcement du rôle d'autorité organisatrice de l'État.
En matière d'offre, elle a plaidé en faveur d'une consolidation des lignes à fort potentiel et d'une reprise par les TER ou des services d'autocar des lignes les moins fréquentées.
Elle a relevé la nécessité de renouveler le matériel roulant de l'ensemble des lignes TET qu'elle préconise de maintenir en soulignant que la moyenne d'âge de ce matériel était de 35 ans.