Intervention de Vincent Capo-Canellas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2015 à 14h33
Loi de finances pour 2016 — Mission « écologie développement et mobilité durables » - cas « aides à l'acquisition de véhicules propres » et « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et budget annexe « contrôle et exploitation aériens » - examen du rapport spécial

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas, rapporteur spécial :

Je vais vous présenter le programme 170 « Météorologie » ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Le programme 170 « Météorologie » porte la principale subvention de l'État à l'opérateur Météo-France pour un montant de 199,8 millions d'euros, en baisse de 4 millions d'euros par rapport à 2015.

Selon les informations qui m'ont été transmises, le budget prévisionnel de Météo-France pour l'année 2016 devrait s'élever à environ 405,6 millions d'euros, en hausse de 5 % par rapport au budget prévu pour 2015.

Cette augmentation constitue en réalité un trompe l'oeil : elle s'explique uniquement par la hausse de la subvention portée par le programme 193 destinée à financer la participation de la France au programme européen de satellites météorologiques EUMETSAT qui ne fait que « transiter » par le budget de Météo-France.

Si l'on exclut cette subvention, le budget de l'opérateur baissera en réalité de 3,8 millions d'euros en 2016.

Alors que la dotation du présent programme 170 diminuera pour la quatrième année consécutive, l'établissement public rencontre toujours autant de difficultés à lutter contre l'érosion de ses recettes commerciales, ce qui le conduit à devoir comprimer fortement ses dépenses.

Après la suppression de 85 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2015, Météo-France verra ses effectifs diminuer de 78 ETPT en 2016 - soit le non-remplacement de 8 départs sur 10, un effort de gestion considérable ! -, ce qui permettra de réduire la masse salariale de 5,5 millions d'euros par rapport à 2015.

La réorganisation du réseau territorial de Météo-France, décidée en 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), visait à réduire sur la période 2012-2016 de 108 à 55 les implantations locales de l'opérateur, afin de ne conserver que les 7 directions interrégionales et seulement 48 centres météorologiques et stations spécialisées.

45 des 53 dont la fermeture avait été programmée auront été fermées d'ici la fin 2015, la fermeture des 8 restantes devant intervenir en 2016. Mesurez l'effort de dialogue qui a été réalisé !

Il faut aussi saluer la poursuite de la baisse des dépenses de fonctionnement de Météo-France, puisque le budget prévisionnel de l'établissement prévoit de réaliser 2 millions d'euros d'économies sur ce poste, soit un recul de près de 5 %.

En dépit de ces efforts, Météo-France aura recours pour la troisième fois d'affilée en 2016 à un prélèvement de l'ordre de 1,1 million d'euros sur son fonds de roulement pour combler son déficit d'exploitation.

22 millions d'euros seront consacrés en 2016 aux investissements, en particulier à la modernisation des réseaux d'observation (radars, réseaux au sol, radiosondage) et au renouvellement des équipements de stockage des données.

Lors de son audition par votre rapporteur spécial, le président-directeur général de Météo-France a mis en avant sa volonté de « rehausser la courbe de l'investissement à partir de 2017 ». En effet, l'activité de prévision devient de plus en plus intensive en capital et repose sur des technologies de calcul de plus en plus puissantes. Ainsi, le Royaume-Uni s'est récemment doté d'un supercalculateur, quinze fois plus puissant que celui actuellement en service à Météo-France, pour un montant de 120 millions d'euros.

Si Météo-France veut maintenir son rang, il sera donc contraint d'investir davantage à l'avenir.

Pour y parvenir, il lui faudra nécessairement augmenter ses ressources commerciales. Le nouveau contrat d'objectifs et de performance qui sera négocié en 2016 avec la tutelle devra mettre l'accent sur ce point.

Dans cette perspective, l'établissement public devra :

- reconquérir des parts de marché dans le secteur des services au grand public en prenant pleinement en compte l'évolution des usages (sites internet mobile, applications mobiles, applications tablettes, objets connectés, etc.), dans un contexte de forte croissance du marché publicitaire sur les supports mobiles. Le profond renouvellement du site internet en 2013 et de l'application mobile à l'été 2015 vont déjà dans ce sens et ont permis de développer l'offre commerciale en ligne, qui bénéficie d'environ un million de visites quotidiennes ;

- accroître le volume des prestations météorologiques aux professionnels, qui représentent un marché estimé à 40 millions d'euros environ pour le territoire français en 2014 (Météo-France détient actuellement 50 % de ce marché). Selon l'opérateur, 40 % des entreprises seraient en effet « météo-sensibles » (secteurs de l'agriculture, du BTP, de l'énergie, des transports ou bien encore du sport) et sont à la recherche d'information météorologiques toujours plus précises et de services réactifs et innovants.

Compte tenu des efforts réalisés par Météo-France pour réduire ses dépenses, les crédits du programme 170 « Météorologie » appellent de ma part un avis favorable. Néanmoins, compte tenu de l'avis de mes co-rapporteurs sur les autres programmes de la mission « Écologie », je voterai contre la mission dans son ensemble.

En conclusion, je voudrai vous faire part de mon indignation devant la procédure suivie par l'État pour la reconduction de Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo-France, dont le décret de nomination n'est intervenu que six mois après l'expiration de son premier mandat, ce qui n'a pas manqué de le déstabiliser en interne dans un contexte social déjà difficile. Il a été laissé, comme un oiseau sur la branche, en intérim durant six mois. Comment est-ce possible pour ce type de postes ?

J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit « BACEA », qui retrace les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui concentre l'ensemble des missions de l'État dans le domaine de l'aviation civile (circulation aérienne, sécurité et sûreté du transport aérien, régulation économique et sociale du secteur, développement durable).

Comme pour tous les budgets annexes, le BACEA est présenté à l'équilibre ; ses dépenses sont financées principalement par les recettes tirées de l'activité des services et, le cas échéant, par le recours à l'emprunt. Le BACEA est donc financièrement autonome et ne perçoit aucune subvention du budget général.

Hors emprunt, les recettes du budget annexe devraient s'élever en 2016 à un peu plus de 2 milliards d'euros, en croissance de 1 % par rapport à 2015.

Il s'agit pour l'essentiel de redevances telles que les redevances de navigation aérienne et les redevances de surveillance et de certification, acquittées par les acteurs du transport aérien en rémunération des services rendus par la DGAC.

En outre, le budget annexe perçoit la taxe de l'aviation civile (TAC), due par les entreprises de transport aérien public en fonction du nombre de passagers et du fret embarqués en France, pour un montant de 393,9 millions d'euros en 2016.

Autrement dit, le budget annexe est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. Dès lors, l'évolution du trafic et la bonne santé des compagnies française ont une influence décisive sur son équilibre financier.

Si le trafic aérien touchant la France a connu une forte croissance de 45 % entre 2003 et 2014, celle-ci a peu profité aux transporteurs français qui ont perdu d'importantes parts de marché tout au long de cette période. La part du pavillon français est ainsi passée de 54,3 % en 2003 à 44,8 % en 2014.

Les difficultés des compagnies françaises s'expliquent avant tout par la très forte concurrence des compagnies à bas coût (Easy Jet, Ryan Air) sur le segment du court et du moyen-courrier en France et en Europe et des compagnies du Golfe persique (Etihad, Qatar Airways, Emirates) sur le long courrier, en particulier à destination de l'Asie. Face à ces acteurs très agressifs commercialement et parfois subventionnés par les États, les compagnies françaises, en particulier Air France, souffrent d'un grave déficit de compétitivité.

Certes, Air France est parvenue à réduire progressivement ses pertes d'exploitation et à réaliser un résultat positif en 2014 (hors grève des pilotes en septembre 2014). En raison de la forte demande à l'été et de la baisse des prix du pétrole, le résultat de 2015 devrait marquer une nouvelle hausse. Il demeurera malgré tout insuffisant pour permettre à l'entreprise d'investir et de rembourser une dette devenue trop élevée.

De fait, les coûts unitaires d'Air France restent supérieurs, selon les activités, de 15 % à 30 % à ceux des compagnies équivalentes telles que British Airways ou Lufthansa.

Afin d'y remédier, le nouveau Plan « Perform 2020 » proposé par la direction d'Air France vise à améliorer la productivité de l'ensemble des personnels de la compagnie, afin que les coûts unitaires convergent vers ceux des concurrents. Dans cette perspective, les négociations avec les personnels navigants ont pour objet l'accroissement de 100 heures de vol par an à rémunération constante.

L'enjeu est de parvenir à une baisse des coûts unitaires, hors change et carburant, de 8,5 % en 2017 par rapport à 2014 et de rendre 80 % des lignes bénéficiaires sur le long-courrier, alors que seule la moitié d'entre elles le sont aujourd'hui. Ce retour durable à la profitabilité (l'objectif de la direction est un résultat d'exploitation de 700 millions d'euros en 2017) permettrait l'ouverture de cinq nouvelles lignes en 2017-2018.

En l'absence d'accord avec les partenaires sociaux représentant les différentes catégories de personnels, la direction d'Air France pourrait mettre en place un plan d'« attrition » qui représenterait un véritable danger pour l'avenir du fleuron du pavillon français. Fermer une ligne est facile, faire revenir la clientèle sur une ligne rouverte l'est moins !

Selon les dirigeants de l'entreprise, dont je voudrais dire ici combien j'ai trouvé la communication pour le moins maladroite, les sureffectifs entrainés par cette baisse d'activité concerneraient 2 900 postes d'ici 2017, dont 1 700 postes au sol, 900 PNC et 300 pilotes. Les départs volontaires seraient privilégiés mais le recours à des départs contraints ne serait pas exclu.

Si les mesures de 2016 semblent actées (1 000 départs volontaires, retrait de cinq avions de la flotte), celles de 2017, les plus douloureuses, peuvent encore être amendées par le dialogue social.

L'adoption de nouvelles mesures de compétitivité, à partir du plan « Perform 2020 », apparaît donc indispensable pour lutter à armes égales avec les autres compagnies et éviter un plan d'« attrition » dont les conséquences ne pourraient être, selon moi, que néfastes à long terme.

Suite aux préconisations du rapport « La compétitivité du transport aérien français » présenté l'an dernier par le groupe de travail présidé par Bruno Le Roux, les compagnies aériennes ont été exonérées du paiement de la taxe de l'aviation civile à 50 % pour les passagers en correspondance depuis le 1er avril 2015. Cette exonération sera portée à 100 % à compter du 1er janvier 2016. Elle concernera en 2016 12,6 millions de passagers et entraînera une diminution de recettes de 63,5 millions d'euros.

Si cette mesure constituera un incontestable ballon d'oxygène pour le pavillon français, elle n'est pas suffisante.

Nous devons envisager d'autres pistes et notamment une affectation à 100 % de la taxe sur l'aviation civile au BACEA afin que l'argent prélevé sur le secteur aérien serve uniquement à améliorer sa compétitivité ; un élargissement de l'assiette de la taxe de solidarité qui repose exclusivement sur nos compagnies aériennes - même si ce sujet, sensible politiquement, a peu de chances d'aboutir ; un allègement des cotisations sociales du personnel navigant, sur le modèle du régime shipping qui soutient l'emploi dans le secteur de la navigation maritime. Une telle mesure, intéressante dans son principe, n'est pas encore mûre techniquement et nécessiterait des négociations au niveau européen ; un financement par l'État des investissements de sûreté dans les aéroports qui reposent actuellement sur les transporteurs via la taxe aéroportuaire. Selon moi, l'affectation à 100 % de la taxe sur l'aviation civile au BACEA et le financement par l'État des investissements de sûreté des aéroports sont probablement les hypothèses que nous devrions le plus sérieusement étudier.

J'en reviens à la présentation du BACEA stricto sensu.

Les dépenses relatives à la masse salariale et au fonctionnement courant du budget annexe connaîtront une diminution en 2016. Cette année, les économies sur les dépenses de personnel, dont les différents statuts demeurent très favorables, sont plus sensibles, même s'il est sans doute possible d'aller plus loin.

Pour l'année 2016, la DGAC devra consentir une légère réduction de 1,9 % de son effort d'investissement, puisque celui-ci passera à 252,6 millions d'euros. En dépit de ce recul, la hausse très forte des investissements consentis ces dernières années permettra d'assurer le respect des engagements européens de la France dans le cadre du volet technologique du Ciel unique européen.

Alors que la dette du BACEA avait continuellement augmenté entre 2007 et 2014, l'assainissement financier en cours permettra, pour la deuxième année consécutive, de réduire le niveau d'endettement du BACEA.

Après avoir été diminué de 57,2 millions d'euros en 2015, celui-ci connaîtra une nouvelle baisse de 107 millions d'euros en 2016 (- 8,7 %) pour s'établir à 1 117,2 millions d'euros à la fin de l'année. Le BACEA aura ainsi réduit l'encours de sa dette de près de 13 % en deux ans.

En conclusion, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.

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