Intervention de Laurent Collet-Billon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Audition de M. Laurent Collet-billon délégué général pour l'armement dga

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, l'exécution budgétaire 2015 est porteuse d'enjeux. Les besoins de paiement actualisés s'élèvent à 12,7 milliards d'euros pour le programme 146.

La hausse par rapport à l'année dernière résulte pour une bonne part du règlement du différend franco-russe relatif aux BPC.

Les ressources en crédits de paiement s'établissent quant à elles à 11,2 milliards d'euros, répartis en 7,7 milliards d'euros de crédits budgétaires initiaux, 67 millions d'euros de reports de crédits de 2014 sur 2015, 990 millions d'euros de prévisions de ressources extrabudgétaires liées aux fonds de concours, à l'attribution de produits, à des transferts ainsi qu'à des virements entre programmes, l'essentiel de ces ressources extrabudgétaires provenant de ce que DCNS nous a remboursé dans le cadre de l'annulation de la vente des BPC à la Russie, 23 millions d'euros de ressources exceptionnelles sur le CAS Fréquences, et 250 millions d'euros de crédits de paiement 2014 ouverts sur le PIA, prévus dès l'origine pour financer les besoins de 2015.

Nous attendons par ailleurs 2,2 milliards d'euros de crédits budgétaires complémentaires, qui doivent être ouverts en fin d'année en compensation, notamment, de la disparition des REX actée par le vote de la LPM actualisée.

Ces 2,2 milliards d'euros incluent également les 57 millions d'euros correspondant au solde de l'avance faite au titre du programme 146 pour le paiement de la transaction avec la partie russe concernant les BPC.

Nous avons avancé la somme de 950 millions d'euros dans le cadre du règlement des BPC russes, au début du mois d'août Ceci a nécessité la levée de la réserve de précaution de 615 millions d'euros. La réserve du programme 146 est donc aujourd'hui indisponible, notamment pour l'établissement du collectif budgétaire de fin d'année. Je rappelle que, dans les années précédentes, le surcoût des OPEX et autres, qui faisaient l'objet de ce collectif budgétaire de fin d'année, correspondait, peu ou prou, au montant de la réserve du 146.

Sous réserve de la mise en place effective du montant de crédits budgétaires prévu en fin d'année, le report de charges sera de 1,743 milliard d'euros à la fin de l'année. C'est un report de charges en diminution par rapport à celui de 2014. Il est important de le tenir, alors que mécaniquement, à l'issue de la LPM, en 2019, on s'attend à un report de charges de l'ordre de 2,8 milliards d'euros

La trésorerie du 146 connaît des tensions inédites. Aujourd'hui, le montant des encours est supérieur à ce qu'il reste en caisse.

Or, nous devons conserver 200 millions d'euros pour payer les dépenses impératives, afin de ne pas mettre en difficulté les sociétés concernées en fin d'année. Comment atténuer la tension sur la trésorerie ? Nous espérons des rentrées complémentaires à hauteur de 180 millions d'euros, constituée par les intérêts générés par les sommes mises en place auprès de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAr), que nous rapatrierons.

Ces 180 millions d'euros, plus ce qui reste aujourd'hui en caisse, nous permettront de reconstituer un peu notre trésorerie, car nous sommes de fait en cessation de paiement au 20 octobre !

Nous attendons par ailleurs une rentrée potentielle de 148 millions d'euros de la société SOFRANTEM, qui servait de garantie aux exportations de DCN Arsenal de l'État. Ces 148 millions d'euros n'ont plus de vocation dans la mesure où la quasi-totalité des anciens contrats d'exportation de DCN Arsenal de l'État ont été exécutés. Il n'existe donc plus de risque et l'on peut rapatrier cet argent vers le budget central. Bercy ne partage toutefois pas totalement la vision du ministère de la défense, qui estime que ces sommes doivent lui revenir et non retourner au budget général.

Mais surtout, nous attendons les 2,2 milliards d'euros de crédits budgétaires de fin d'année pour reprendre nos actions de liquidation et de paiement. Si ces 2,2 milliards d'euros sont au rendez-vous, le report de charges sera de 1,7 milliard d'euros. En effet, selon la prévision de la DGA, à la veille de la LFR, les créances dues par le P146 atteindront environ 4 milliards d'euros, à peu de chose près. Dans la nuit qui suivra l'arrivée des crédits de la LFR, nous paierons donc la totalité des 2,2 milliards d'euros ou de la somme qui nous sera attribuée.

Le 3 janvier, nous reprendrons les paiements et effectuerons un paiement du même ordre de grandeur, avec la réouverture de la gestion budgétaire. C'est une situation extrêmement tendue et inédite.

Je ne vous cache pas que si les 2,2 milliards de LFR qui doivent arriver en fin d'année ne sont pas en totalité au rendez-vous parce qu'il faut leur imputer les surcoûts OPEX et OPINT et le surcoût de la masse salariale du ministère, l'exécution du budget 2016 se présentera mal en ce qui concerne notamment les commandes nouvelles et peut-être des commandes faisant l'objet de l'actualisation de la LPM, dans la mesure où cette actualisation est elle-même financée de manière tardive, sous la forme de 500 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires à partir de 2018. Auparavant, on doit dégager des économies sur les autres programmes du ministère, le 146, le 178 et le 212 pour l'essentiel, ainsi que le 144.

Trouver 600 millions d'euros ou 700 millions d'euros, ordre de grandeur du problème de trésorerie concernant les OPEX en fin d'année, va sérieusement compliquer notre tâche en 2016 s'ils sont prélevés sur le 146. Voilà la situation de trésorerie pour la fin de l'année : elle n'est pas excellente.

S'agissant de la maîtrise des performances, les contrats s'exécutent conformément à ce qui est prévu d'une manière générale. Ceci amène à des commandes et des livraisons importantes. Nous avons ainsi notifié la commande du deuxième système de drone MALE Reaper en juillet 2015. Nous avons réceptionné, début mai, le troisième vecteur aérien du premier système Reaper, et les livraisons pour 2015 comprennent deux A400M, six NH 90, des Rafale, une FREMM, des équipements Félin, etc.

Les contrats s'exécutent correctement, conformément à ce qui est prévu, à l'exception notable de l'A400 M.

Vous avez pu noter, dans le cours de l'exécution de l'année 2015, un tir d'essai du missile M51 effectué avec succès il y a quelques semaines. Je considère la situation créée par l'échec du tir précédent comme de l'histoire ancienne. L'industriel a pris conscience des contraintes qu'entraîne la qualité et a mis ses propres dispositifs en ordre.

Nous avons désormais toute confiance dans la direction des activités de missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS) d'Airbus defence and space.

Des opérations urgentes ont été également lancées pour 83 millions d'euros courant 2015. Il s'agit principalement de matériels relatifs à la préparation opérationnelle et à la communication des hélicoptères Tigre, d'équipements complémentaires pour le Rafale, de jumelles de vision nocturne pour le commandement des opérations spéciales (COS), de capacités d'appui électronique, etc.

Les commandes, en 2015, portent sur le Tigre HAD, le NH90, la réalisation à concrétiser d'ici la fin de l'année des futurs satellites de télécommunication, huit MRTT, le lancement du programme FTI, etc.

Tout cela est totalement sous contrôle.

Un mot de politique industrielle. Le rapprochement entre Safran et Airbus, sous l'entité Airbus Safran Launchers holding, est quasiment achevé. C'est à une étape majeure de la consolidation de nos filières de lanceurs et de missiles européens.

Le rapprochement entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann (KMW) est en phase de finalisation dans des conditions qui nous paraissent satisfaisantes.

Le Rafale va être exporté vers l'Égypte, accompagné d'une FREMM et de deux BPC. Ce pays souhaiterait d'autres navires de taille inférieure. La mise en vigueur du contrat pour la vente de Rafale au Qatar est attendue prochainement. L'hypothèque principale de la LPM, constituée par la nécessité d'exporter 40 Rafale, avec une production minimale de 11 par an, est ainsi levée. Nos échanges pour la vente de nouveaux appareils sont toujours aussi intenses avec l'Inde et les autres pays du Moyen-Orient.

Les activités d'exportation vers l'Australie ne ralentissent pas, bien au contraire, comme par exemple les ventes importantes de sous-marins. Je ne garantis pas que cette année soit une année record, mais elle se présente bien comme supérieure à toutes les précédentes, et je pense que nous continuerons à engranger en 2016 les résultats des actions entreprises courant 2015.

Fin 2015, la DGA comptera environ 9 700 personnes. Nous nous inscrivons ainsi dans la trajectoire élaborée pour rejoindre le modèle de fonctionnement de la DGA à l'horizon 2019. Il est au demeurant inenvisageable d'aller au-delà de cette trajectoire.

Nous sommes en effet en limite de capacité en matière d'expertise technique dans un certain nombre de domaines. Nous disposons d'un nombre réduit d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers compétents pour conduire nos missions, qui, je le rappelle n'ont pas varié depuis le début de l'actuelle LPM, ni même depuis le début de la précédente. Nous nous sommes organisés pour tenir les orientations fixées par la LPM à travers le modèle 2019 que j'évoquais à l'instant, mais je n'irai pas au-delà.

Pour ce qui est de l'année 2016, les besoins de paiement du programme 146 s'établissent à 9,8 milliards d'euros hors report de charges de l'année 2015. Les crédits prévus pour le PLF s'élèvent à 10,16 milliards d'euros. Ces ressources sont essentiellement des crédits budgétaires, le recours aux REX étant supprimé à la suite des dispositions prises à l'été 2015. Il existe quelques ressources extrabudgétaires à hauteur de 63 millions d'euros - fonds de concours, attribution de produits.

Le niveau de dépenses autorisées est de 9,8 milliards d'euros, soit un montant inférieur aux 10 milliards d'euros de crédits de paiement que j'ai mentionnés.

Le report de charges sur le programme 146 pourrait être abaissé à un peu moins de 1,6 milliard d'euros à la fin de 2016. Tout dépend de ce qu'il sera fin 2015, mais on est toujours dans la perspective d'un report de charge extrêmement important fin 2019, d'un montant de 2,8 milliard d'euros, si tous les crédits budgétaires sont au rendez-vous, compte tenu des efforts à faire en matière de commandes d'équipements, notamment les commandes complémentaires décidées au titre de l'actualisation de la LPM. Il s'agit donc d'un souci permanent.

Concernant le programme 144, les ressources consacrées aux études amont représenteront 707 millions d'euros de paiement. On est toujours là sur les ordres de grandeur de la LPM. Je rappelle que la moyenne prévue est de 730 millions d'euros par an. La dotation pour 2016 est un peu inférieure à cette moyenne, mais cela vient en compensation des dotations des années 2014 et 2015 qui étaient supérieures.

Quelles sont les perspectives concernant les études amont ? Nous comptons préparer un nouveau standard du Tigre, le standard 3. Nous continuerons de préparer les futures générations de la dissuasion - sous-marin lanceur d'engins, missiles balistiques. Un certain nombre de travaux technologiques sont également liés à la frégate FTI, ainsi qu'à une activité intense dans le domaine de la cybersécurité.

Les commandes et les livraisons continueront l'année prochaine, conformément à ce qui est en cours, avec un quatrième B2M, deux BSAH, un système de drone de lutte antimines, et le successeur du FAMAS.

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