Intervention de Annick Girardin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 novembre 2015 à 15h00
Loi de finances pour 2016 — Audition de Mme Annick Girardin secrétaire d'etat chargée du développement et de la francophonie

Annick Girardin, secrétaire d'État :

Nous devrons faire plus avec un budget stable. L'aide publique au développement ne diminue pas ; les annonces du président de la République à New York et les décisions prises le montrent. Même si nous sommes encore à 0,36 %, nous nous orientons résolument vers 0,7 %. À Addis-Abeba, nous avons affirmé que pour relever les défis auxquels il est confronté, le financement du développement devait se transformer. Il faut, par exemple, faire passer l'aide publique au développement par les collectivités territoriales, les entreprises ou les banques de développement et trouver des outils innovants, comme la TTF. Le multilatéralisme, qui démultiplie le levier, est le seul moyen de répondre aux demandes, à condition de varier les outils. Ainsi, en République centrafricaine, nous avons créé un fonds fiduciaire, et nous allons en créer un d'1,8 milliard d'euros à Malte, car les outils européens ne sont plus adaptés.

C'est pourquoi nous procédons au rapprochement entre l'AFD et la CDC. La loi de 2014, que vous avez portée et que je nourris, nous impose une recherche constante d'efficacité par l'amélioration des outils dont nous disposons. Par ce rapprochement, l'AFD sera reliée aux territoires, à leur savoir-faire, à leurs expériences et à leurs entreprises. La CDC accompagnera mieux nos entreprises à l'étranger que ne le fait Proparco. Bien sûr, nous devrons veiller à préserver l'identité de l'AFD et nous assurer que son action se concentre sur les pays les plus fragiles. D'ailleurs, les seize pays pauvres prioritaires (PPP) sont aussi ceux qui sont le plus touchés par la désertification, la déforestation ou la montée des eaux. Ce rapprochement ne pourra se faire sans une loi. Peut-être avez-vous déjà reçu M. Rioux, qui en est le préfigurateur. Son travail devrait être achevé à la fin de l'année, afin que le rapprochement puisse avoir lieu au moment de l'anniversaire de la CDC.

Comment financer nos engagements ? Vous l'avez dit, malgré l'importance que nous donnons à la santé, il nous manque 22 millions pour régler notre contribution au Gavi. Nous en restons le quatrième contributeur et en vingt ans, nous lui avons versé 1,7 milliard d'euros. Pour les années 2016-2020, nous avons prévu un financement innovant, notamment au travers d'une initiative pilote lancée par la fondation Bill & Melinda Gates, consistant en un prêt concessionnel de 100 millions d'euros. Nous réaliserons un effort budgétaire conséquent, de 365 millions d'euros, et nous verserons 150 millions d'euros à l'International Finance Facility for Immunisation (IFFIm). Pour les 22 millions d'euros manquants, je me suis engagée devant l'Assemblée nationale à trouver une solution avant le 31 décembre. Un amendement a été déposé prévoyant des financements complémentaires. Je les affecterai en priorité au Gavi, qui recevra ainsi en 2016 ce que nous n'avons pas pu payer en 2015.

C'est vrai, les crédits de l'aide publique au développement sont structurellement fragmentés et peu lisibles. Nous nous efforçons d'améliorer la lisibilité, comme vous l'avez prévu dans la loi et comme le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) l'a souhaité. Mais il reste des progrès à faire... La TTF doit être mieux soutenue par nos partenaires européens, à présent que la France l'a mise en place. Nous nous sommes engagés à Addis-Abeba à en accroître le taux.

La francophonie est un véritable atout pour le rayonnement de la France, qui est totalement négligé. Il s'agit d'un lien puissant avec plus de 80 pays, membres ou partenaires de l'organisation internationale de la francophonie (OIF), et avec 750 millions de locuteurs potentiels en 2050. Pourtant, dans les pays francophones les plus anciens, on observe un recul de l'usage du français. Pour l'enrayer, il faudrait consacrer plus de moyens à l'éducation et à la formation. Alors que le français est la deuxième langue dans le monde économique, combien de conseils d'administration se tiennent en anglais à Paris même ? Et je ne parle pas des anglicismes... Issue d'un territoire d'outre-mer entouré d'Américains et de Canadiens anglophones, je sais ce que c'est que de lutter pour sa langue ! En métropole, il y a moins d'inquiétudes. La nouvelle feuille de route de l'OIF, donnée à Dakar, met l'accent sur la francophonie économique. Nous devons impliquer davantage nos entreprises. Celles-ci se montrent d'ailleurs intéressées par des outils qui pourraient être pilotés par l'OIF : labels, priorité dans le recrutement à ceux qui ont fait l'effort d'apprendre le français, etc. En 2016, le budget de la francophonie sera de 47,4 millions d'euros, en baisse de 2 millions d'euros. Des choix ont été faits, d'autres urgences identifiées, mais il faut continuer à mener ce combat.

Le rapport Attali préconise de considérer la francophonie comme un atout. Pour que des jeunes apprennent le français, cette langue doit leur être utile, et ne pas leur apparaître comme une vieille dame figée. De fait, l'âge moyen des locuteurs du français à l'étranger est élevé, ce qui donne parfois l'impression d'une francophonie de salon. Deux missions ont été lancées, l'une sur les établissements d'apprentissage du français, avec l'idée d'un établissement privé, l'autre sur la francophonie et la culture. Le rapport Attali préconise également l'animation de réseaux d'anciens étudiants francophones, la réduction des délais de délivrance de visas, la mise en place d'un passeport talents et le renforcement de l'offre de films et de programmes audiovisuels en français : toutes ces propositions ont été mises en oeuvre. L'important, c'est qu'un rapport ne reste pas au fond d'un tiroir.

La France s'est battue pour que 50 % du Fonds vert soient consacrés à l'adaptation : énergies renouvelables, lutte contre la montée des eaux, systèmes d'alerte précoce aux catastrophes naturelles... Toutes ces mesures combattent également la pauvreté : il ne faut pas opposer la question climatique et la lutte contre la pauvreté. Lutte contre la déforestation et foyers améliorés vont de pair : les foyers ouverts alimentés au bois seraient responsables de quatre millions de décès prématurés. Il faut se féliciter des financements annoncés à Addis-Abeba et à Paris.

La taxe sur les billets d'avion avait un objectif clair : taxer la mondialisation pour aider les plus vulnérables. Il s'agit d'un mécanisme stable, sans effet sur le marché de l'aviation. Certes, lorsque la France l'a lancée, il eût été bon que d'autres pays nous suivent. Pour autant, nous pouvons être fiers de cette initiative, qui rapporte 210 millions d'euros par an à la cause du développement, consacrés à la lutte contre les grandes pandémies. Son montant a été réévalué en 2013 pour prendre en compte l'inflation. Nous ne devons surtout pas revenir en arrière, car il s'agit d'un financement d'avenir. D'autres projets de financements innovants sont à l'étude, comme une loterie solidaire ou encore le don par SMS, sur lequel j'espère que la loi portée par Mme Lemaire apportera des solutions.

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