Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 16 novembre 2015 à 21h30
Rôle déterminant des territoires pour la réussite d'un accord mondial ambitieux sur le climat — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de résolution

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans exactement deux semaines débutera à Paris la vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite COP 21.

Dix-huit ans après la conférence de Kyoto, qui avait vu s’affirmer à l’échelle internationale un volontarisme régulateur, et six ans après celle de Copenhague, où la priorité climatique avait été sacrifiée sur l’autel de la crise économique, notre humanité se doit d’être à la hauteur des enjeux pour les générations actuelles et futures.

Oui, il faut un accord global qui associe et reconnaisse tous les acteurs impliqués, dont, bien entendu, les collectivités locales. Il faut aussi un accord solide, car le temps des bonnes intentions gratuites est révolu. Le dernier rapport du GIEC et toutes les données produites par la communauté scientifique l’ont suffisamment mis en lumière.

Je tiens à remercier tout particulièrement M. Jérôme Bignon, auteur de la proposition de résolution, M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a permis la mise en place du groupe de travail, et M. le président du Sénat, pour son initiative. Je tiens aussi à saluer la mobilisation des sénatrices et des sénateurs, quelle que leur sensibilité politique, dans le cadre des commissions, groupes de travail, groupes d’amitié, délégations et colloques divers.

Force de proposition et d’engagement via de multiples rapports et résolutions, notre assemblée, dans sa diversité, a contribué à dessiner le chemin menant à l’accord que nous appelons de nos vœux.

Comme le répète inlassablement Pierre Radanne, le défi climatique est le premier défi mondial à solidarité obligatoire, affirmation qui prend un sens tout particulier aujourd'hui.

Ce défi ne connaît en effet aucune frontière, affecte tous les écosystèmes, menace toutes les populations sans aucune distinction et aggrave les inégalités territoriales, sociales et de genre. L’exposé des motifs de la proposition de résolution rappelle très justement que les effets des changements climatiques sont d’ores et déjà « observables sur tous les continents, tous les océans ».

Tous les territoires sont touchés. Tous les territoires doivent donc pouvoir agir dans une relation intelligente et constructive avec les pouvoirs publics nationaux, les acteurs privés et les organisations internationales. L’exposé des motifs le rappelle également : les collectivités sont « en première ligne face aux bouleversements climatiques présents et à venir ».

Il s’agit d’une réalité depuis de très nombreuses années, qu’il convient d’accompagner et de prendre en compte, au plan politique comme au plan financier, pour effectivement parvenir à contenir le réchauffement de la planète sous la barre des 2°C.

En tant que pays organisateur de la prochaine conférence sur le climat, pays attaché au rôle des collectivités, la France a une responsabilité immense, ce qui doit la conduire à davantage d’exemplarité.

Les réformes de l’organisation décentralisée de la République et de notre modèle énergétique adoptées récemment vont dans le bon sens, mais d’importantes marges de progrès existent, en particulier pour reconnaître et encourager la mobilisation des collectivités locales dans cette lutte contre le changement climatique. La métamorphose de notre modèle de développement et la promotion d’une croissance décarbonée l’exigent, s’agissant notamment des actions menées par les collectivités dans des domaines parfois plus confidentiels, mais pourtant essentiels, comme les coopérations décentralisées, qui contribuent concrètement aux financements climat et à la si nécessaire solidarité internationale.

Mais si, sur terre, chaque territoire peut se sentir concerné, les enjeux maritimes doivent, eux, être pris en compte plus globalement, tant les mers et les océans jouent un rôle majeur dans les variations du climat.

Cet énorme système climatique contribue, entre autres fonctions, à mieux répartir la chaleur au niveau du globe. En effet, la circulation thermohaline atténue l’écart de température entre les tropiques et les pôles, mais, à la différence de l’atmosphère, les masses d’eau mettent plusieurs dizaines, centaines, voire milliers d’années à se renouveler. Les océans ont ainsi absorbé 93 % de la chaleur atmosphérique due aux gaz à effet de serre.

Les phénomènes récents de réchauffement des eaux de surface, d’apports importants d’eau douce avec la fonte des glaciers, de concentration croissante en dioxyde de carbone - ce gigantesque réservoir de carbone absorbe chaque année plus de 25 % de la quantité de CO2 produite - font peser de plus en plus de menaces sur l’ensemble de nos territoires. Je citerai notamment l’élévation du niveau de la mer, déjà visible dans de très nombreux pays et dans nos propres régions littorales, l’accentuation du dérèglement climatique avec des tempêtes et des submersions à répétition, un risque d’accroissement du nombre des phénomènes extrêmes du type El Niño.

Nous sommes donc tous collectivement responsables de l’avenir de nos océans, mais, là aussi, les actions territoriales peuvent participer à leur protection, qui est un enjeu primordial.

Quant aux États, créer des aires marines protégées, par exemple, est un moyen efficace de préserver les océans, à deux conditions : ne pas viser une privatisation déguisée des océans et éviter à tout prix leur sanctuarisation, pour préserver les secteurs des énergies marines renouvelables, les EMR – je pense tout particulièrement à l’hydrolienne d’Ouessant, dans le parc d’Iroise –, sachant qu’il y a 2 000 fois plus d’énergie stockée dans l’océan que dans l’atmosphère, et pour favoriser une pêche plus durable partout, car la pêche continue à jouer un rôle alimentaire fondamental, notamment pour les populations les plus pauvres.

Au regard de ces défis, les collectivités littorales doivent donc faire face à de lourdes responsabilités et méritent un soutien tout particulier.

Chers collègues, les enjeux sont énormes, tant sur terre que sur mer. Ne péchons pas par excès d’optimisme, mais rappelons qu’il y a urgence à réagir et à agir. Nous devons avancer !

C’est pourquoi nous voterons cette proposition de résolution en forme d’appel du Sénat rassemblé, pour dire l’urgence d’une mobilisation générale en faveur de la préservation d’une planète que nous devons léguer aux générations futures.

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