Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le dérèglement climatique est en cours. Le niveau moyen des mers s’est élevé de dix-neuf centimètres entre 1901 et 2010, et il pourrait s’élever encore de quatre-vingt-deux centimètres, voire davantage, si nous ne parvenons pas à limiter la hausse de la température à moins de 2°C.
Les dix années les plus chaudes jamais enregistrées sont postérieures à 1998, la plus chaude étant 2014 ; peut-être apprendrons-nous dans quelques semaines que l’année 2015 l’aura été plus encore… D’ici à 2100, la température pourrait continuer à augmenter de 5°C.
Enfin et surtout, les rapports de la communauté scientifique internationale confirment l’influence de l’homme sur le système climatique.
C’est dans ce contexte que la communauté internationale sera bientôt réunie au Bourget avec pour objectif la signature d’un nouvel accord contraignant et universel en vue de maintenir le réchauffement en deçà de 2°C. Le sentiment d’une responsabilité internationale historique doit nous animer.
Au travers de cette proposition de résolution, la famille politique à laquelle j’appartiens se mobilise et s’inscrit dans cette dynamique. Son engagement est lucide, ancien et sincère, comme en témoignent quelques événements fondateurs.
Je pense par exemple à la conférence de l’ONU sur le changement climatique de 2000. Jacques Chirac, alors Président de la République, exhorte les États-Unis à tenir leurs engagements en matière de lutte contre le réchauffement de la planète. Il propose un « partenariat nord-sud pour le développement durable ».
Je pense également à cette phrase devenue célèbre : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », lancée par ce même président lors du quatrième sommet de la terre, en septembre 2002.
Je me rappelle aussi l’année 2004 et le lancement du premier plan Climat, présenté par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et regroupant les actions de lutte contre le changement climatique, dans tous les secteurs de l’économie.
Dans le même temps, pour la première fois, une nation inscrit dans sa loi fondamentale les principes fondateurs d’une écologie humaniste : ce sera la Charte de l’environnement, intégrée dans le bloc de constitutionnalité conformément au souhait de Jacques Chirac. Elle établit une véritable éthique du développement durable pour les individus, les entreprises et les pouvoirs publics. Elle témoigne de notre volonté d’assumer toutes nos responsabilités à l’égard des générations futures.
Je repense également à la veille de l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, en 2005 : Jacques Chirac propose de diviser par quatre les émissions de CO2 d’ici à 2050 et confirme l’engagement de la France à aller plus loin.
À Montréal, il appelle la communauté internationale à renoncer « aux égoïsmes et à l’irresponsabilité », pour enrayer la « machine infernale » du changement climatique.
Le Grenelle de l’environnement de 2007 traduit encore davantage l’engagement de notre famille politique. Destiné à refonder la politique de l’écologie en France, il marque une étape décisive.
Cette même année, le Président Sarkozy rappelle devant l’Assemblée générale de l’ONU que « l’objectif de réduction de 50 % des émissions des gaz à effet de serre d’ici à 2050 est une absolue priorité pour éviter une catastrophe mondiale ».
Enfin, en 2008 est instaurée une « fiscalité verte », sous l’impulsion du gouvernement de François Fillon. Il présentera quelques mois plus tard un plan baptisé « Justice-Climat » visant à mobiliser les pays industrialisés pour aider les pays les plus vulnérables à lutter contre le changement climatique.
Ce combat, notre famille politique le mène sans faiblesse depuis des décennies, guidée par l’obsession de répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à subvenir aux leurs.
La proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui s’inscrit dans le droit fil de son engagement. Elle constitue une étape logique et donne un élan qu’il faut amplifier.
Cet engagement ne s’arrêtera pas au lendemain de la conférence de décembre prochain. Il s’inscrit dans la durée et la pleine conscience que limiter les émissions de gaz à effet de serre constitue en soi un défi majeur, mais aussi une réponse insuffisante.
La prise d’autres décisions s’impose à la communauté internationale pour anticiper les déplacements de populations, pour gérer les catastrophes naturelles et leurs dommages, pour prévenir les risques d’instabilité et de conflits et pour aider les pays les plus pauvres, les plus vulnérables.
C’est pourquoi s’interroger sur le déroulement des négociations et sur le mode de gouvernance environnementale représente une exigence de premier ordre au regard des enjeux à venir.
En effet, l’échec de l’accord politique de Copenhague de 2009 a fait apparaître les limites de nos fonctionnements. L’Europe s’est vue reléguée au rôle d’observateur, dépassée par un retour en puissance de la primauté absolue de la souveraineté des États.
Cette conception des négociations, dont la Chine est en pratique le premier tenant, fonde un projet reposant sur la non-ingérence et les rapports de force, alors que l’Europe et l’ONU ont préféré, à l’inverse, miser sur la coopération et la négociation.
Cette stratégie « douce », fondement honorable de l’action européenne, a permis d’encourager la prise de conscience de l’urgence climatique. Elle a été utile de ce point de vue. Aujourd’hui, l’objectif est différent : il s’agit de maîtriser concrètement les incidences géopolitiques du changement climatique.
Le nombre de personnes touchées annuellement par une inondation devrait être de 93 millions à l’horizon 2080. Comment la communauté internationale prévoit-elle de leur venir en aide ?
Le coût des dommages engendrés par les catastrophes naturelles est évalué à 63 milliards de dollars par an pour les 136 plus grandes villes côtières. Il serait de 1 000 milliards de dollars en l’absence de mesures d’adaptation. Comment les assurances s’organisent-elles pour supporter de tels montants ?
Le nombre des déplacés environnementaux pourrait atteindre 200 millions d’ici à 2050. Comment les États anticipent-ils cette future pression migratoire ?
Le changement climatique va mettre sous tension nos systèmes économiques, sociaux et politiques. Il est multiplicateur des menaces et aggrave les situations les plus fragiles. Comment les institutions et les gouvernements appréhendent-ils ces tensions et ces situations d’instabilité ?
Ces crises qui parcourront le monde d’ici peu imposent de relancer une réflexion profonde sur la gouvernance et la diplomatie climatiques. L’Europe doit parvenir à se faire entendre des autres grandes puissances qui donnent la priorité à la préservation de la souveraineté nationale et qui, pour nombre d’entre elles, comptent parmi les pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre.
« La COP 21, une conférence nécessaire mais non suffisante » : c’est ce que nous entendons dire depuis maintenant un an. Le constat est unanime et partagé par l’ensemble des responsables politiques, mais ne nous y trompons pas : si la COP 21 est insuffisante, ce n’est pas en raison des moyens mis en œuvre ou de la définition des objectifs à atteindre ; le caractère ambitieux des efforts à fournir ne fait plus aucun doute. Cette conférence sera insuffisante si l’on se satisfait du présent cadre d’action, si l’on pense que la gouvernance climatique mise en œuvre conduira au succès.
La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est indispensable mais trop modeste. Une pression plus forte, qui ne soit pas uniquement morale, doit s’exercer sur les plus gros pollueurs. Pour ce faire, l’Europe ne doit pas culpabiliser à l’idée de s’imposer ou de se définir comme puissance parmi les puissances. Guidées par la préservation de la souveraineté nationale et le calcul économique, les autres nations parlent d’ores et déjà ce langage. Nous devons désormais nous l’approprier, condition sine qua non de l’action.
C’est avec conviction que nous voterons cette proposition de résolution.