Dans ce contexte de climato-négationnisme malintentionné et intéressé, de climato-scepticisme mal inspiré mais pouvant être sincère, l’initiative du Sénat est particulièrement bienvenue.
Je tiens à rendre hommage à Jérôme Bignon, président du groupe de travail, au sein duquel j’ai l’honneur de représenter la commission des lois, ainsi qu’aux présidents des commissions et des délégations qui s’y sont associés, avec l’encouragement du président Larcher.
Il importait que le Sénat prenne position à propos de cet enjeu vital pour l’humanité. Il s’agit non pas d’instituer une vérité officielle, mais de prendre une position politique, au sens le plus noble du terme, sur une réalité objective, constatée scientifiquement.
La proposition de résolution rappelle que, pour rester en deçà de 2°C de réchauffement de la température, il faut réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 % à 70 % d’ici à 2050 et d’atteindre un niveau d’émissions proche de zéro à la fin du siècle.
Les sujets sont innombrables ; le Sénat en a traité un grand nombre à travers le travail des commissions, des délégations, des groupes d’amitié. Il a mis en exergue l’apport décisif des collectivités territoriales, qui pensent global et agissent local.
Ce sommet peut seul répondre à deux questions essentielles : celles du prix du carbone et du Fonds vert pour le climat.
Dans une économie de marché, c’est le prix qui fait la décision individuelle et la somme des décisions individuelles qui fait le comportement collectif.
Pour changer les modes de production, il faut intégrer les coûts environnementaux au prix de revient. Non, chère Évelyne Didier, il ne s’agit pas d’instaurer un droit à polluer, car il existe déjà aujourd’hui ! §Il s’agit de créer une obligation de payer pour sa pollution, afin de la limiter et de la réparer.
Pour ne pas pénaliser la compétitivité des plus vertueux, il faut que cette obligation soit mise en place à l’échelle mondiale, comme l’a souligné, à juste titre, la commission des affaires économiques. La tarification doit être assez élevée pour être incitative et dissuasive, et pas seulement symbolique. Elle doit concerner l’industrie, mais aussi les transports, notamment aériens et maritimes.
L’autre enjeu mondial est le Fonds vert pour le climat. Les pays du Sud ont un droit au développement, mais s’ils l’exercent comme nous, le dérèglement s’emballera au préjudice de tous. Nous devons aider le Sud à se développer selon d’autres modalités que les nôtres.
Le Fonds vert pour le climat devait être alimenté, entre 2009 et 2020, à hauteur de 100 milliards de dollars par an. La commission des finances indique que des promesses de dons à hauteur de seulement 10 milliards de dollars ont été faites pour la période 2015-2018, dont 1 milliard par la France. En outre, 42 % seulement des sommes promises ont effectivement donné lieu à la prise d’engagements. Nous ne tenons pas nos promesses !
L’enjeu de la COP 21 est d’abord de concrétiser les promesses des COP antérieures. Jacques Chirac disait : « Dix ans après Rio, nous n’avons pas de quoi être fiers. » Treize ans après Johannesburg, nous pourrions avoir honte, collectivement, mondialement, sans que cela exonère aucun d’entre nous, individuellement, ni aucune nation, de sa responsabilité.
L’accueil de la COP 21 par la France nous oblige davantage. Cette conférence représente la dernière chance, avant bien des complications. Plus nous attendrons pour agir, plus il sera difficile de simplement limiter le dérèglement climatique et de nous y adapter.
La COP 21 s’inscrit également dans le contexte de la guerre déclarée par Daech : ni guerre civile, ni guerre de religion, ni guerre d’État à État, mais guerre d’un nouveau type, guerre contre l’humanité d’une organisation terroriste qui sème ses graines dans les terreaux en déshérence. Après avoir éradiqué militairement les graines du mal, il faudra traiter ces terreaux. La priorité du combat contre le terrorisme n’efface donc pas celle de la lutte contre le réchauffement climatique. Elles sont complémentaires et pourraient même, demain, s’interpénétrer.
La COP 21 réunira les dirigeants mondiaux autour d’enjeux mondiaux, qui donnent le vertige à l’humanité, car celle-ci a dans les mains, pour la première fois de son histoire et sans toujours en avoir conscience, les instruments de sa destruction ou de sa survie. Si l’analyse scientifique relève du GIEC, la décision politique relève de la COP, des gouvernements et des parlements.
En plus de fournir un travail de fond, le Sénat a réuni les autorités morales et religieuses. Celles-ci nous rappellent à notre devoir à l’égard de l’environnement, non pas comme une fin en soi, mais comme la matrice de l’humanité. Christian Krieger écrit ainsi : « Le défi climatique est le rendez-vous de l’humain avec son humanité. » Cette proposition de résolution traduit notre détermination à honorer ce rendez-vous !