Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République a réaffirmé le maintien de la COP 21, malgré les événements dramatiques de ces derniers jours. Cela est heureux, car la tenue de cette conférence répond à une nécessité.
Lors de ce sommet, les pays du monde entier se tiendront debout ensemble, à Paris, pour réaffirmer que non seulement ils veulent vivre ensemble dans un monde libre et démocratique, mais qu’en plus ils veulent « bien vivre ensemble », pleinement conscients de la nécessité d’agir contre le réchauffement climatique.
En préparation de la conférence de Paris, le Sénat, sur l’initiative, que je salue, du président Larcher, s’est mobilisé afin de contribuer activement à la réflexion et aux négociations.
Cette mobilisation a pris de nombreuses formes, et la commission de l’aménagement du territoire et développement durable a été chargée de la coordination des différents travaux menés par les commissions et les délégations du Sénat.
Ainsi, prenant acte du caractère transversal de cette problématique, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en accord avec la délégation à l’outre-mer, a mis en place un groupe de travail et confié à mon collègue Jérôme Bignon et à moi-même la rédaction d’un rapport relatif à la biodiversité des outre-mer face aux enjeux du changement climatique.
Nous avons sélectionné six thématiques afin de donner une visibilité propre aux DROM-TOM, les départements et régions d’outre-mer, dans le débat sur les conséquences du changement climatique : la préservation de la biodiversité ; la promotion des énergies renouvelables ; la gestion de la ressource en eau, qui est en voie de raréfaction ; la prévention et la gestion des risques ; l’éducation du public au développement durable ; la définition d’un modèle agricole robuste et résilient.
Nous espérons que les conclusions du rapport nourriront la proposition de résolution discutée ce soir. Nous l’avons en effet dit et répété : les outre-mer ne doivent pas être les oubliés de ce débat. La biodiversité ultramarine constitue 80 % du patrimoine naturel français, et les DROM-TOM représentent une superficie de 11, 035 millions de kilomètres carrés ; grâce à eux, la France possède la deuxième plus grande zone économique exclusive du monde après les États-Unis d’Amérique.
Notre rapport a privilégié une approche territoriale, en adéquation avec la mission constitutionnelle du Sénat. Nous avons concentré notre réflexion sur l’adaptation des politiques publiques menées dans nos outre-mer aux dérèglements et au réchauffement climatiques, tout en mettant l’accent sur les projets innovants ou emblématiques dont nous avons eu connaissance.
Le modèle linéaire – extraire, produire, consommer, jeter – touche nécessairement à sa fin ; il est donc impératif de lui substituer une économie circulaire fondée sur le principe selon lequel les déchets des uns peuvent devenir la matière première des autres.
La valorisation énergétique des déchets constitue l’un des volets de l’économie circulaire, car elle offre notamment des énergies de substitution aux énergies fossiles – nous l’avons constaté, avec mes collègues, à Saint-Barthélemy – et pourrait donc contribuer de manière très significative aux objectifs de réduction des émissions de CO2. En effet, une tonne de déchets ménagers peut produire 700 kilowattheures d’électricité. Ce chiffre donne toute la mesure du potentiel de cette source d’énergie.
La COP 21 doit s’inscrire dans un mouvement structurel de transformation de nos modèles de production et de consommation. Dans cette perspective, et en dépit de leur grande vulnérabilité, liée à une exposition particulièrement élevée aux risques naturels et aux conséquences du changement climatique, nos territoires ultramarins constituent une chance immense pour la France. Ils donnent à notre pays l’opportunité d’apporter une contribution majeure aux recherches et aux expérimentations menées en matière de lutte contre le changement climatique et d’adaptation à ces évolutions.
Les domaines concernés sont nombreux. Je citerai, au chapitre de ces recherches et expérimentations, l’adoption de modèles agricoles plus résilients ; le développement du jardin créole, cher aux docteurs Henry Joseph, du laboratoire Phytobôkaz, et Harry Ozier-Lafontaine, de l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique – ce type de jardins permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre – ; la promotion des énergies renouvelables, solaires ou marines ; la valorisation des déchets, notamment par la gestion de la biomasse ; le développement des recherches en matière de phytopharmacopée, l’exemple des algues sargasses étant probant – les conclusions du groupe de travail mis en place pour étudier les solutions de valorisation des sargasses démontrent l’étendue de leur potentiel, en particulier en pharmacologie et pour l’industrie cosmétique – ; le lancement d’études sur l’adaptation des espèces végétales ou animales au changement climatique ; la mise en place de dispositifs de sauvegarde des populations et de réseaux d’aide régionale lors de catastrophes naturelles. Encore cette liste n’est-elle pas exhaustive.
Les projets innovants et les réalisations foisonnent dans nos outre-mer ; nous les avons mis en exergue dans notre rapport, qui est le fruit d’une étude attentive des politiques publiques menées en matière de coopération décentralisée.
Notre groupe de travail, profitant des contributions des meilleurs experts, a pu identifier la problématique première, celle de la sauvegarde et de la valorisation des biodiversités ultramarines comme le défi climatique central des outre-mer.
Mais rien ne pourra se faire, en la matière, sans respect de la diversité culturelle : les Ultramarins connaissent bien et respectent leurs territoires ; nous ne réussirons à impliquer fortement les populations locales qu’en commençant par les sensibiliser. La dimension éducative, dans cette affaire, est donc de première importance.
Je me permettrai, pour conclure, de reprendre les termes de l’exposé des motifs de la présente proposition de résolution, qui formule parfaitement les choses : « La COP 21 est le moment de mettre toute l’humanité en marche pour sa survie, États, citoyens, sociétés civiles et territoires. »
Fort du rapport que Jérôme Bignon et moi-même avons présenté, je peux l’affirmer devant vous : les outre-mer sont en ordre de bataille pour relever le défi climatique !