Comme vous le savez, nous avons l'an passé, dans le cadre de l'accueil organisé sans le palais du Luxembourg à l'occasion du Congrès des maires, lancé une consultation pour connaître les priorités des élus en matière de simplification des normes. Les deux tiers d'entre eux avaient identifié l'urbanisme et le droit des sols. Venaient ensuite l'accessibilité des établissements recevant du public, la règlementation de l'achat public et l'environnement. Depuis lors, un chantier de simplification a été engagé, portant à la fois sur le flux et sur le stock de normes.
Nous avons tout d'abord travaillé sur le flux de normes, à l'occasion de l'examen au Sénat de plusieurs projets de loi. Avec mon collègue Philippe Mouiller, nous avons réalisé un rapport d'information sur les dispositions applicables aux collectivités territoriales du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous avons déposé 16 amendements, une dizaine ayant été adoptés ou satisfaits. Nous avons également entamé un travail sur le projet de loi - dont l'examen est en cours - pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
L'objectif a également été de simplifier le stock de normes, notamment réglementaires. J'ai souhaité que les thèmes de travail soient choisis en fonction des priorités des élus ; ainsi, nous nous sommes concentrés dans un premier temps sur l'urbanisme et le droit des sols. J'ai donc réuni le groupe de travail sur la simplification constitué au sein de la délégation, et j'ai créé une formation équivalente avec les élus locaux de mon département. J'ai également rencontré André Vallini, secrétaire d'État aux collectivités territoriales, qui nous a apporté un certain nombre d'indications. Comme vous le savez sans doute, le 14 septembre dernier le Gouvernement a fait plusieurs annonces sur la simplification des normes. Il s'agit pour l'heure de déclarations d'intention qui ne semblent pas se concrétiser dans les temps. Vous savez également que notre collègue Éric Doligé a publié un rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, et notre collègue Jean-Pierre Vial un rapport sur l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public.
Dans ce contexte, le groupe de travail s'est réuni le 15 octobre dernier en vue d'examiner une proposition de résolution contenant plusieurs pistes de simplification dans le domaine de l'urbanisme :
- tout d'abord, trois dispositions appellent le Gouvernement à clarifier, au moyen d'instruments du droit souple - des chartes ou des référentiels élaborés en concertation avec les élus locaux -, les relations entre les collectivités, d'une part, et les commissions de sécurité et les officiers préventionnistes, les architectes des Bâtiments de France, et les agences régionales de santé, d'autre part. L'objectif est d'élaborer au moins une charte pour harmoniser les relations avec tous ces interlocuteurs ;
- quatre autres dispositions incitent le Gouvernement à simplifier la mise en oeuvre des règles de construction et de gestion des établissements recevant du public (ERP) en portant à la connaissance des préfets et des élus locaux, dans une circulaire, les dérogations aux règles d'accessibilité existantes, en ajustant la périodicité des contrôles relatifs aux installations électriques - je rappelle que la règlementation est plus favorable pour les locaux professionnels que pour les collectivités - et en élargissant la possibilité d'installation de classes démontables dans les établissements scolaires faisant l'objet de travaux - il s'agit d'une proposition issue du rapport de notre collègue Éric Doligé. Le dernier point est l'assouplissement des normes parasismiques dans les zones et pour les bâtiments présentant un très faible enjeu au regard du risque sismique. Dans les régions où le risque est très limité, ces normes renchérissent le coût des travaux de 10 à 15% ;
- quatre autres dispositions invitent le Gouvernement à alléger les normes pesant sur les actes et les documents d'urbanisme grâce à la simplification d'un formulaire de déclaration préalable (CERFA 13404) pour certains types d'aménagements, de constructions ou de travaux, à l'établissement de la liste précise des documents d'urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité, à la limitation à un mois de la majoration éventuelle des délais d'instruction de droit commun des déclarations préalables, des permis de construire et des permis d'aménager, et à la simplification des obligations réglementaires pesant sur les plans locaux d'urbanisme, en particulier les études exigées dans les zones humides ;
- enfin, deux dernières dispositions ont trait à des équipements et des aménagements posant des difficultés spécifiques dans nos territoires. Elles visent, d'une part, à accompagner les communes dans la mise en conformité de leurs équipements d'assainissement collectif avec la règlementation européenne et, d'autre part, à permettre le regroupement des différents dossiers préalables à la création d'une zone d'aménagement concerté en un seul. Actuellement, deux dossiers sont demandés : ils devraient être rapprochés.
Les fouilles archéologiques constituent également un vrai problème pour les collectivités car elles allongent les délais de construction et donc leur coût. Compte tenu du contexte contraint sur le plan financier, il faut que celui qui prescrit la norme en assume le coût. Il serait bon d'avoir une réflexion sur ce point dans le cadre de l'examen de la proposition de résolution ou de la proposition de loi constitutionnelle.
En complément de ces pistes de simplification ciblées, la proposition de résolution rappelle un principe d'ordre plus général : la création d'une norme réglementaire doit nécessairement s'accompagner de l'allègement ou de la suppression d'une autre. Ce principe, simple et clair, que le Gouvernement a lui-même reconnu dans la circulaire du 17 juillet 2013, doit remonter d'un cran dans la hiérarchie des normes et être inscrit dans un décret. Le Gouvernement pourrait renforcer son assise juridique et l'ancrer ainsi durablement dans la culture administrative.
Voici les grandes lignes de cette proposition de résolution.
En ce qui concerne la proposition de loi constitutionnelle, je propose un dispositif en deux volets : l'article 1er institue un mécanisme de « gage » applicable aux projets et propositions de loi comme aux amendements, obligeant le législateur à compenser toute nouvelle charge ou contrainte pour les collectivités territoriales par la suppression d'une charge ou contrainte d'importance équivalente. Il s'agit d'une application, inspirée librement du mécanisme de l'article 40 de la Constitution, de ce qu'on appelle le « one in, one out » dans les pays anglo-saxons.
L'article 2 de cette proposition de loi constitutionnelle porte l'effort de simplification dans un domaine particulièrement propice aux surenchères, à savoir la transposition des directives européennes. Je souhaite interdire la « surtransposition » par des textes qui vont bien souvent au-delà des exigences des directives européennes en introduisant des contraintes et des charges nouvelles, en particulier pour les collectivités territoriales. Sans bien sûr brider le législateur, il serait opportun d'introduire une distinction entre les textes de transposition des directives - qui doivent s'en tenir uniquement au contenu de celles-ci - et les éventuelles mesures d'accompagnement de la transposition, qui doivent être examinées séparément afin d'assurer la clarté et la sincérité du débat et de permettre au mécanisme de « gage », que je viens d'exposer, de jouer. Le droit d'amendement doit être adapté à cette distinction entre le texte de transposition et les mesures d'accompagnement.
Voilà pour les deux projets que je souhaite soumettre à votre signature si vous en êtes d'accord. Nous pourrions déposer la proposition de résolution rapidement. Le Président Gérard Larcher souhaiterait que ce dépôt intervienne juste avant le Congrès des maires. Et pour la proposition de loi constitutionnelle, nous devrons trouver un moment dans le calendrier.