Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 s'inscrit dans la continuité des nouvelles orientations prises l'an dernier. Le Sénat partage l'analyse selon laquelle notre pays a largement épuisé les marges d'augmentation des prélèvements obligatoires. Une maîtrise accrue des dépenses s'impose. Dès lors, il a approuvé de nombreuses dispositions de ce PLFSS tout en marquant ses divergences avec certains choix qui fondent la gestion de la sécurité sociale depuis 2012.
Les deux articles relatifs à la mise en oeuvre du pacte de responsabilité ont ainsi été adoptés conformes de même que 46 autres articles. Au total, le Sénat a ainsi adopté conformes plus de la moitié des articles du texte transmis par l'Assemblée nationale. Il marque aussi son accord avec la protection maladie universelle, autre mesure phare de ce texte, que nous aurions adoptée conforme si elle n'avait nécessité quelques travaux de coordination.
Sur la troisième partie, relative aux recettes pour 2016, le Sénat a réaffirmé des positions constantes sur les particuliers-employeurs, les dividendes versés aux dirigeants de SARL ou encore la nature spécifique, récemment rappelée par le Conseil constitutionnel, des cotisations sociales. Il a ainsi supprimé l'article 7 bis sur l'assujettissement au premier euro des indemnités de rupture du contrat de travail.
Sur l'accès à la complémentaire-santé des plus de 65 ans et des personnes sous contrats atypiques, le Sénat partage le constat posé et les objectifs poursuivis sans approuver la solution retenue. Il a supprimé l'article 21 et modifié l'article 22. Tous les groupes, sauf un, ont souhaité la suppression de l'article 21. Cette large majorité transpartisane démontre que la mesure proposée a suscité beaucoup d'interrogations et que nous n'avons pas été convaincus par la solution proposée par le Gouvernement.
Toutefois, nous ne sommes pas hostiles aux objectifs poursuivis, et nous l'avons montré en adoptant l'amendement de la commission des finances sur l'élargissement des conditions d'accès à l'aide à la complémentaire santé (ACS).
Nous ne sommes pas hostiles non plus à la couverture des salariés en contrats courts ou travaillant un faible nombre d'heures par une complémentaire santé adaptée à leur situation. La mise en place d'un fonds, préconisée par le rapport Libault, pouvait être intéressante. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas proposé cette solution aux partenaires sociaux.
Sur la mise en conformité de notre droit suite à l'arrêt De Ruyter, nous partageons là encore l'objectif mais pas la solution proposée, qui nous paraît fragile. Elle maintient une affectation de prélèvements sociaux sur les revenus du capital à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), malgré l'interdit explicite formulé par l'arrêt tandis que la distinction, par le règlement de 1971, entre prestations contributives et non contributives, sur laquelle repose la solution proposée, ne nous semble pas si claire. En séance, le Sénat a supprimé l'assujettissement des non-résidents à ces prélèvements.
Sur les articles 15 et 30, le Sénat a souhaité préserver le rôle du Parlement. Comme l'an dernier il a souhaité que tout recours au Fonds de solidarité vieillesse, dont les déficits persistent, ait un fondement législatif. Il a estimé que l'information du Parlement sur les perspectives pluriannuelles n'était pas assurée dans les conditions détaillées prévues par la loi organique dans la mesure où l'annexe B ne comporte rien sur l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) après 2016, ni sur les moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour aboutir aux tableaux qu'il propose.
D'une manière générale, le Sénat a souhaité alerter sur le maintien de déficits très élevés, en particulier pour l'assurance maladie, au regard des efforts demandés aux ménages et aux entreprises ces dernières années. Les branches famille et vieillesse ne connaissent un redressement qu'en raison des efforts demandés aux assurés alors que la branche-maladie continue d'alimenter la dette. Ce n'est qu'au prix d'une action plus résolue sur les dépenses que nous pourrons envisager un redressement des comptes sociaux. Le Sénat a traduit les conséquences de ce constat sur l'ensemble des tableaux d'équilibre.
Sur les retraites, l'annexe B fait apparaître un retour du déficit de la branche dès 2019, en dépit des très importantes hausses de cotisations, sous l'effet de l'allongement de l'espérance de vie et de l'arrivée à l'âge de la retraite de classes d'âge nombreuses.
Nos compatriotes savent qu'une nouvelle réforme est inévitable et la différer ne fait qu'altérer leur confiance dans la pérennité du système. C'est pourquoi, en cohérence avec l'accord trouvé par les partenaires sociaux sur les retraites complémentaires, le Sénat a adopté un article additionnel décalant progressivement l'âge légal de la retraite à 63 ans.
Sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), le Sénat n'approuve pas la ponction injustifiée sur les cotisations au profit de la branche maladie.
Sur le volet assurance maladie, le Sénat considère qu'il faut aller plus loin dans la maîtrise des dépenses, faute de quoi elles seront reportées sur les générations à venir qui auront pourtant à faire face à leurs propres défis. Nous avons par contre adopté les mesures allant dans le bon sens comme l'article 44 qui prévoit la pérennisation de l'expérimentation conduite par l'Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire sur l'organisation de la permanence des soins ambulatoires et sa possible extension à toute ARS volontaire.
Sur la branche famille enfin, les comptes ne se redressent qu'au prix de l'effort demandé à certaines familles, une stratégie que nous désapprouvons. Nous devons investir dans le soutien à la parentalité, à la petite enfance et à la jeunesse.
Je pense que cette question des équilibres généraux suffirait à nous empêcher d'élaborer un texte commun malgré de réelles convergences sur d'autres sujets. Il s'agit là d'un désaccord politique de fond.
Pour la deuxième année consécutive, la discordance des majorités entre nos deux assemblées a néanmoins rendu possible certaines convergences et je dois dire, qu'en dépit de nos différences d'analyses, le climat dans lequel s'est déroulé ce débat a été aussi serein que constructif.
Il n'en demeure pas moins que des désaccords de fond subsistent et me paraissent de nature à empêcher l'élaboration d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.