Merci M. le président. Comme vous le savez la mission « Administration générale et territoriale de l'État » comporte trois programmes : les programme 307 (Administration territoriale de l'État) et 216 (Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur) qui retracent l'ensemble des actions et des moyens du ministère de l'intérieur pour garantir la présence de l'État et sa continuité sur l'ensemble du territoire ; le programme 232 ( Vie politique, cultuelle et associative ) qui, pour l'essentiel, regroupe les crédits destinés au financement des partis politiques, des élections et au confortement de la liberté religieuse.
Le programme 307 « Administration territoriale de l'État », c'est 1,638 milliard d'euros en crédits de paiement pour 2016 contre 1,714 milliard d'euros en 2015, soit une baisse de 4,4 %, ramenée à 3,3 % à périmètre constant. En revanche, le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », avec 796 millions d'euros de crédits de paiement, connaît une augmentation de 6,9 %. Quant à la baisse des crédits de paiement du programme 232 « Vie politique, culturelle et associative », qui passent à 100,9 millions en 2016 contre 439,1 millions en 2015, elle s'explique par l'absence d'élection l'année prochaine.
Globalement, les moyens financiers et en personnels continuent de baisser. À périmètre constant et en tenant compte de l'absence d'élections en 2016, les crédits baissent de 1,7 % et la mission perd 297 EPTP. Pour y faire face, au train de réformes déjà engagées s'ajoute un « wagon ultra-moderne », à savoir le plan « préfectures nouvelle génération » et la rationalisation de la délivrance des titres. Malgré la bonne volonté ainsi que les capacités d'adaptation et d'innovation des personnels qui ne sont plus à démontrer, comme j'ai pu le constater moi-même lors d'un déplacement à Amiens, on me permettra d'être sceptique sur le résultat final. C'est particulièrement vrai s'agissant de la capacité de l'État à affirmer la présence de la République sur l'ensemble du territoire avec des moyens de plus en plus maigres, présence qui, en ces temps troublés, n'a pourtant jamais été aussi nécessaire.
Concernant la gestion du corps des préfets, malgré les apparences (abandon de la tentation de remplacer le corps des préfets par un cadre d'emploi fonctionnel, suppression de la position hors cadre) il y a peu d'évolution quant à l'affirmation de ce qui devrait-être, pour moi, l'essence de ce corps : le lien avec les territoires, leurs problèmes, ceux qui y vivent et les font vivre. Aujourd'hui, on peut être nommé et titularisé préfet sans jamais avoir exercé de responsabilité territoriale, il suffit que le « Prince » en décide. Ainsi, dans les trois mois précédant la suppression des préfets hors cadre, ont été nommés préfets en charge d'une mission de service public : le chef de cabinet et un conseiller spécial du président de la République, le chef de cabinet et le directeur du service d'information du Gouvernement. Le second personnage du cabinet du Premier ministre a quant à lui été titularisé en qualité de préfet. Par contre, sur les 14 préfets nouveaux nommés depuis le début de l'année, seuls 5 sont des sous-préfets. Au 1er octobre 2015, la moitié des préfets n'a pas d'affectation territoriale.
Avant de conclure, je dirai quelques mots sur deux sujets développés dans mon rapport auquel je vous renvoie. À notre connaissance, les mouvements lors de la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales sont identiques à ceux constatés habituellement. Il n'a pas été constaté d'afflux de demandes d'inscription. Le bilan se fera en décembre de cette année et permettra de savoir si la solution retenue pour la réouverture exceptionnelle des listes électorales était plus judicieuse que celle que nous avions élaborée dans la proposition de loi du même nom.
La réorganisation des services de l'État, rendue nécessaire par le redécoupage des régions mérite qu'on s'y arrête un peu plus. Lancée en juillet par le Gouvernement, confiée aux préfets des chefs-lieux des nouvelles grandes régions appelés préfets « préfigurateurs », elle devrait être, pour l'essentiel, achevée au 31 décembre 2015 pour les personnels des secrétariats généraux pour les affaires régionales, concentrés aux chefs-lieux ainsi que pour les têtes des directions. La stabilisation du dispositif, qui ne brille pas par sa simplicité, comme vous allez le voir, devrait demander trois ans. De fait, cette réorganisation des services régionaux de l'État s'est faite avant de connaître l'organisation des services des conseils régionaux, lesquels ne seront élus qu'en décembre prochain. Certes, la géographie et le bon sens sont des freins à l'imagination politique et à la combinazione, mais rien ne garantit que les deux organisations coïncideront toujours. Par ailleurs, dans le but louable de réduire l'effet des pertes symbolique et économique des capitales des régions qui disparaissent, avec les aigreurs qui les accompagnent, le Gouvernement a fait le choix, non pas de regrouper, occasion pourtant de réaliser des économies d'échelle, l'ensemble des services au nouveau chef-lieu mais d'une part de maintenir un tiers des sièges des directions dans les anciens chefs-lieux, et d'autre part de regrouper dans chaque direction les fonctions de programmation stratégique sur le site d'implantation principale, tout en organisant le reste des fonctions sur plusieurs autres implantations. Cette organisation à la carte me laisse un peu rêveur. Concrètement, un courrier adressé à l'antenne bordelaise de la direction Régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), dont le siège est à Limoges, sera d'abord transmis à Poitiers si son traitement relève des fonctionnaires spécialisés qui y sont affectés, puis renvoyé à Bordeaux pour validation par le chef de service, avant transmission à Limoges pour signature du directeur. Comme l'explique le Gouvernement, cette réforme est « l'occasion de muter vers une administration 3.0 ». On peut souhaiter que cette mutation ne tarde pas trop. Je me suis rendu à Amiens qui perd son statut de capitale régionale, et j'y ai constaté un très réel effort d'accompagnement et de reclassement, salué par les intéressés eux-mêmes, pour répondre à l'attente des personnels. Mais persistent de réelles interrogations sur l'avenir. Pour l'heure, seules deux directions régionales resteront à Amiens : celle de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt et la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), dont la partie la plus importante, la cohésion sociale, demeurera à Lille. L'ARS, la direction des finances publiques, la direction régionale de l'INSEE et le rectorat de région seront aussi à Lille. Quant à la plate-forme nationale de gestion des titres attribuée à titre de compensation, elle ne sera finalement qu'inter-régionale. Cela suscite de fortes craintes chez Mme Brigitte Fouré, maire d'Amiens, de voir l'ancienne capitale de la région Picardie perdre progressivement les organismes publics ou para publics qui y sont installés, attirés par les lumières de Lille qui n'en avait pas vraiment besoin.
En conclusion, vous comprendrez que des crédits et des moyens en baisse, plus d'interrogations que de certitudes sur les évolutions ou absence d'évolution en cours, cela fait peu de raison de proposer sur le projet de budget de cette mission un autre avis que celui de l'année dernière, à savoir un avis négatif.