Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 novembre 2015 à 8h35
Loi de finances 2016 — Mission « pouvoirs publics » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis :

La mission « pouvoirs publics » recouvre les crédits dévolus à la présidence de la République, aux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République. Soulignons avant tout que dans ce projet de budget pour 2016, ces crédits sont soit reconduits, soit en diminution, avec une mention particulière pour le Conseil constitutionnel, qui voit ses crédits diminuer pour la septième année consécutive, grâce à des efforts de gestion qui méritent d'être salués.

S'agissant de la présidence de la République, un important effort de rationalisation est mené depuis plusieurs années. La dotation allouée reste ainsi cette année, comme cela était le cas l'année dernière, contenue à 100 millions d'euros et couvre plus de 95 % des dépenses contre 5 % par des ressources propres. La Cour des comptes, qui contrôle désormais ces crédits, a relevé « la poursuite des efforts engagés pour ramener les dépenses dans les limites d'un montant maximum de 100 millions d'euros ». C'est ainsi que les effectifs, passés de 882 agents en 2011 à 814 fin 2015, ont été réduits de 7,7 % en quatre ans. Si la diminution de la masse salariale, qui recule de 0,15 %, reste modeste, cela est imputable aux effets du glissement vieillesse-technicité (GVT). Soulignons cependant les efforts faits sur les chauffeurs automobiles : hormis le Président de la République, le secrétaire général, le directeur de cabinet et le chef d'État-major, qui conservent un chauffeur affecté, c'est désormais un pool de chauffeurs qui assure tous les autres déplacements. Un gros effort a également été entrepris pour doter la présidence de la République de véhicules électriques destinés aux déplacements à Paris et dans sa banlieue.

Ces efforts ne sont pas sans conséquence sur le niveau des heures supplémentaires. La Cour des comptes, dans son rapport, indique ainsi que « le sujet du recours très excessif, au regard du droit en vigueur, aux heures supplémentaires n'est pas encore réglé ». Je ne puis toutefois que constater qu'il n'est pas possible, alors même que l'activité liée aux manifestations organisées en France s'est accrue de plus de 30 %, d'exiger de la Présidence de la République de contenir ses charges de personnel, donc les recrutements, tout en limitant le recours aux heures supplémentaires.

L'effort considérable sur les déplacements mérite également d'être souligné. Outre que leur format est réduit, les conditions dans lesquelles les visites préparatoires à ces déplacements sont effectuées ont été revues pour les rendre moins onéreuses.

Il est un domaine sur lequel je ne préconiserai aucune économie : je veux parler de la ligne budgétaire consacrée aux télécommunications et à la sécurité des systèmes d'information, à laquelle un million d'euros seront consacrés en 2016. C'est une véritable nécessité eu égard au contexte des cyber-attaques. Je n'en dirai pas plus, sinon pour indiquer qu'en lien avec la direction interministérielle des systèmes d'information, une part importante des infrastructures informatiques seront hébergées au sein d'un data center hautement sécurisé, qui abrite également celles qui relèvent du ministère de la Défense et de la gendarmerie.

Vous trouverez dans mon rapport des indications précises sur les ressources propres ainsi que sur le site internet de la Présidence, qui a été refondu.

Je terminerai en soulignant que l'effort accompli ne saurait se poursuivre au même rythme. Il faut être réaliste, on ne peut augmenter indéfiniment le nombre des heures supplémentaires, ni en venir à rogner sur des moyens incompressibles. Je pense tout particulièrement aux dépenses de sécurité et de cyber-sécurité, indispensables, vous le comprendrez, dans le contexte que nous connaissons.

Je ne m'étendrai pas sur le budget de l'Assemblée nationale, comme le veut la tradition républicaine, sinon pour indiquer que les crédits restant identiques, en euros courants, à l'année passée, il ne s'équilibre que par un prélèvement de 14,824 millions sur les disponibilités.

Pour ce qui concerne le Sénat, les crédits restent également identiques en euros courants. L'équilibre de son budget passe par une maîtrise des charges de personnel et le recours à un prélèvement sur disponibilités à hauteur de 4,040 millions d'euros - 65 % de moins que l'an passé.

J'aimerais inclure dans mon rapport, si vous en êtes d'accord, une observation qui vous paraîtra peut-être anecdotique mais à laquelle je tiens. Le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale a cru devoir, dans son rapport écrit, s'étonner du coût du jardin du Luxembourg et remet en cause le principe même de sa gestion par le Sénat. Je veux faire remarquer à cet éminent collègue que les dépenses entrainées par l'entretien du jardin du Luxembourg sont pleinement justifiées car ce magnifique jardin est ouvert à tous, 365 jours par an et reçoit chaque année des millions de visiteurs. Il est vrai qu'il est financé par les contribuables, qui peuvent cependant en retour, de même que tous les visiteurs de notre capitale, en bénéficier. Il ne me semble pas que tel soit le cas pour le jardin situé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, auquel le peuple n'a pas accès dans les mêmes conditions...

J'en viens au Conseil constitutionnel, qui a vu, ainsi que je le rappelais, sa dotation réduite de quelque 20 % en sept ans, au prix d'importants efforts de gestion. M. Jean-Louis Debré et le secrétaire général nous ont indiqué, lorsqu'ils nous ont reçus, que cet effort avait été mené alors que la charge d'activité a été alourdie par la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Pour y faire face, on a progressivement substitué des emplois de catégorie A à des emplois de catégorie B. Un programme de rénovation des locaux, que nous avons eu le privilège de visiter, a d'autre part été mené ces neuf dernières années.

Le nombre de QPC, après avoir augmenté, s'est stabilisé, et leur délai moyen de traitement s'établit à deux mois - sachant que la loi organique fixe un délai maximum de trois mois. Cela a été rendu possible grâce à une certaine rigueur introduite dans la procédure : délai maximum de 15 minutes pour les plaidoiries et refus systématique des reports d'audience - une idée bienvenue qui mériterait d'être suivie par un certain nombre de juridictions de notre pays. Le président Debré nous a indiqué qu'à la lumière de ce que l'on a observé dans les cours constitutionnelles où se pratique ce contrôle a posteriori, le rythme des QPC devrait rester sensiblement le même à l'avenir.

Ajoutons que des efforts importants ont été faits en matière de gestion. Je pense en particulier aux voitures, qui fonctionnent en pool et dont aucune n'est affectée, fût-ce au président. Quant au personnel, un peu plus nombreux en raison de la QPC, son augmentation est restée très maîtrisée.

Je ne m'étendrai pas sur la Cour de justice de la République, qui n'appelle pas d'observation particulière et vous renvoie aux données de mon rapport. Elle n'a à traiter, à l'heure actuelle, qu'un nombre limité de dossiers et ses crédits sont reconduits à l'identique. Je salue les mesures judicieuses prises afin de réduire les frais immobilier.

Un mot, pour finir, sur la chaîne parlementaire, dont le budget demeure identique à l'année passée. Dans des rapports antérieurs, nous émettions des considérations sur la nécessaire fusion des deux entités Public Sénat et LCP-AN. Je vous propose d'y renoncer, car une complémentarité s'est établie et je ne suis pas partisan de multiplier les voeux pieux inopérants.

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