Intervention de François Patriat

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2015 à 17h35
Loi de finances pour 2016 -mission « travail et emploi » et compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » — Et communication sur le contrôle sur les écoles de la deuxième chance - examen des rapports spéciaux

Photo de François PatriatFrançois Patriat, rapporteur spécial :

Alors que 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme ni qualification chaque année, il nous semblait important de réaliser un contrôle budgétaire sur ce dispositif. Les écoles de la deuxième chance sont une goutte d'eau au sein de la mission « Travail et emploi », avec des crédits de 24 millions sur 11 milliards d'euros, et un dispositif largement méconnu. Cinq pistes sont à envisager.

Il faudrait renforcer et institutionnaliser la coordination des dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire et entre les écoles. Une multitude d'initiatives en faveur des décrocheurs scolaires coexistent sans dialogue institutionnalisé entre elles. Au-delà des échanges informels, des mutualisations seraient possibles - par exemple les bénéficiaires de la garantie jeunes pourraient profiter des compétences des E2C pour la remise à niveau scolaire. Une seule structure de référence d'orientation et de structuration de l'offre en faveur des décrocheurs devrait être identifiée, notamment en renforçant les plateformes de suivi et d'appui aux jeunes décrocheurs. L'autonomie des écoles a pour contrepartie la faible mutualisation des pratiques et de certaines fonctions entre les structures. Le réseau devrait regrouper certaines fonctions - notamment administratives - au sein d'un seul établissement, ce qui déchargerait des personnels déjà fortement sollicités.

Améliorer la visibilité du dispositif serait nécessaire. La plupart des jeunes intégrant une E2C ont été orientés par les missions locales ; les candidatures spontanées demeurent marginales. La communication à destination des établissements scolaires et des jeunes doit être renforcée. L'attestation de compétences acquises remise en fin de « scolarité » en E2C ne jouit actuellement d'aucune reconnaissance juridique. Elle devrait être inscrite à l'inventaire de la Commission nationale de la certification professionnelle afin d'être mieux reconnue par les chefs d'entreprises.

Si le suivi des anciens stagiaires par les écoles - faiblesse majeure de ce dispositif - est obligatoire, il est en réalité très hétérogène, allant du simple appel téléphonique à un suivi individuel et renforcé. Un effort d'harmonisation devrait être poursuivi afin de renforcer l'accompagnement des jeunes sortis du dispositif.

Le suivi même du dispositif peut être amélioré : actuellement, l'autorité de tutelle dépend entièrement des informations remontées par le réseau. La nouvelle convention pluriannuelle d'objectifs 2016-2018 devrait être l'occasion de définir des indicateurs de suivi permettant à l'ensemble des financeurs (État, régions, etc.), dans le cadre d'un dialogue de gestion renforcé, de connaître l'activité de chaque établissement ainsi que sa situation financière.

Il nous semble en outre nécessaire de poursuivre le développement territorial du réseau : pour des raisons historiques, l'ouest et le sud-ouest de la France comportent très peu de structures. La première école a ouvert à Marseille et le dispositif a peu à peu essaimé. Pour des raisons politiques, certains exécutifs régionaux n'ont pas souhaité accompagner ce type de projets. En Bourgogne, nous avons créé une école dans chaque département de la région. L'augmentation du nombre de places décidée par le comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015 doit permettre d'étendre le réseau pour une couverture plus homogène du territoire.

La structure du financement des E2C est mixte. Sur un budget total de 75,6 millions en 2013, l'État apporte 20 % des financements, les régions près d'un tiers, le reste étant réparti entre le fonds social européen (FSE), la taxe d'apprentissage et diverses recettes. Si la plupart des écoles présentent une situation financière saine, certaines d'entre elles, notamment situées en région parisienne, connaissent d'importantes difficultés de trésorerie du fait de modalités de répartition de la taxe d'apprentissage et de versement des aides du FSE mal interprétées ou appliquées de manière hétérogène.

L'interprétation de certains organismes collecteurs peut se traduire par une diminution du montant de la taxe perçu par les E2C. Après avoir nié cette difficulté, le ministère a reconnu que des organismes collecteurs avaient donné une interprétation erronée de ces règles à leurs interlocuteurs. Il a donc adressé un courrier à l'ensemble d'entre eux. Cette initiative, nécessaire, n'est pas suffisante. Une circulaire serait plus appropriée pour fixer clairement les modalités de répartition de la taxe d'apprentissage, pour éviter toute ambiguïté.

Dans la précédente programmation, les aides du FSE étaient gérées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) dont l'intensité des contrôles différait selon les régions. Dans la nouvelle programmation, les régions deviendront autorités de gestion, souhaitons que cela se traduise par une gestion plus fluide de ces aides.

Notre contrôle a mis en avant toute l'utilité de ce dispositif qui répond à un véritable besoin des jeunes sortis du système scolaire. Les E2C, qui ne sauraient se substituer à l'éducation nationale, en sont un complément intéressant. Les jeunes rencontrés nous ont tous indiqué que les cursus proposés par l'éducation nationale ne leur correspondaient pas. Grâce au cousu main des écoles de la deuxième chance, ils ont trouvé, par tâtonnement parfois, une voie répondant davantage à leurs aspirations, alors qu'ils pouvaient avoir des situations personnelles très difficiles.

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