À titre de complément, un mot, pour commencer, sur notre force de dissuasion nucléaire, cette dissuasion qui, comme je le souligne régulièrement, fait la crédibilité de la France sur la scène internationale et légitime le siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies dont dispose notre pays. Au total, cette action stratégique bénéficiera, l'an prochain, de près de 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement.
Je me suis réjouis que l'actualisation de la programmation militaire réalisée avec la loi du 28 juillet 2015, tout en renforçant les moyens de notre outil de défense, n'ait pas remis en cause l'effort budgétaire mobilisé pour les deux composantes de la dissuasion - la composante aéroportée et la composante océanique ; cet effort permettra de les moderniser, le moment venu. J'espère naturellement qu'il en ira de même des futurs ajustements de la trajectoire financière de cette programmation militaire qu'impliquent, au moins pour les années 2017 et suivantes, les annonces du Président de la République devant le Congrès du Parlement, le 16 novembre dernier.
En la matière, l'année 2015 a notamment été marquée par l'essai, le 30 septembre dernier, du missile balistique stratégique M51. À l'inverse de ce qui s'était passé pour l'essai précédent, en mai 2013, ce nouvel essai a été réussi. Il s'agissait du septième tir d'essai du missile, entrant dans le cadre du développement de la nouvelle et troisième version, qui a été lancé en 2014. Par ailleurs, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a commandé cette année le supercalculateur TERA 1 000, qui devrait succéder au TERA 100, en service depuis 2010. La commande porte sur plusieurs tranches de calcul à livrer progressivement d'ici à 2020.
L'année prochaine, ces travaux se poursuivront, de même que l'adaptation au M51 d'un sous-marin, les travaux de conception du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération (SNLE-3G) et les travaux de rénovation à mi-vie du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré).
Quelques indications, à présent, sur l'espace militaire. Les crédits en ce domaine, l'année prochaine, sont prévus à hauteur de 498 millions d'euros, contre 151 millions d'euros en 2015. De telles variations, d'une année sur l'autre, ne sont pas rares pour ces crédits : elles sont liées en grande partie au cycle des programmes. L'importante dotation budgétaire pour 2016 reflète la montée en puissance des programmes MUSIS (imagerie optique et radar), CERES (renseignement électromagnétique), et COMSAT-NG (communications par satellite).
Les priorités du spatial militaire restent, en effet : d'une part, les télécommunications, avec COMSAT-NG ; d'autre part, le renseignement, qui concerne les domaines de l'imagerie optique et radar (où s'inscrit le programme MUSIS), l'écoute électromagnétique (avec notamment le programme CERES) ; enfin, l'alerte avancée pour la défense antimissile, même si le calendrier s'est distendu sur ce dernier point, à la suite de l'achèvement du programme Spirale.
Je vous rappelle l'évènement majeur de l'année 2015 : le conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu à Berlin le 31 mars 2015 a décidé de mettre en place une coopération entre le futur système allemand d'observation radar par satellite SARah et la composante spatiale optique (CSO) du programme MUSIS, qui est en cours de réalisation sous responsabilité française. L'accord comprend, pour la France, l'acquisition d'un segment sol du système SARah et, pour l'Allemagne, l'acquisition d'un segment sol du système CSO ; ces segments permettront l'échange d'images entre pays. Cet accord prévoit également le financement par l'Allemagne, aux deux tiers - soit 210 millions d'euros -, du troisième satellite CSO. La mise en service opérationnel de ce satellite CSO-3 est programmée en 2021, à la suite de celle des satellites CSO-1 et CSO-2, en 2018 et 2019 respectivement.
Je tiens à redire ici que le secteur spatial doit être soutenu en tant qu'enjeu de souveraineté et, à la fois, comme enjeu scientifique, technologique et industriel de premier plan. Le développement des technologies spatiales constitue souvent un véritable laboratoire d'innovations ! En 2014, la France représentait le deuxième investisseur mondial du secteur, derrière - assez loin derrière, certes - les États-Unis. Il faut donc soutenir résolument les coopérations européennes qui se nouent, à l'instar de celle qui a été décidée pour MUSIS-CSO cette année.
J'en viens au domaine des drones, et d'abord celui des drones MALE. Comme Jacques Gautier l'a noté, le deuxième système de drones MALE Reaper, commandé en juillet 2015, sera livré en 2016, et, en 2016, sera commandé un troisième système Reaper ; ce sera le premier au standard Block 5. Sera également livrée, l'année prochaine, la charge utile de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) qui a été commandée, en 2015, à la suite de l'actualisation de la programmation militaire ; cet équipement devrait améliorer l'efficacité de nos drones. Je rappelle que la LPM prévoit, au total, la livraison de quatre systèmes complets, comprenant chacun trois vecteurs aériens, d'ici à 2019.
En la matière, je salue la poursuite de l'effort de recherche pour une nouvelle génération de drones MALE, à l'horizon 2025, concrétisé par une lettre d'intention qui a été signée en mai dernier entre l'Allemagne, l'Italie et la France, rejointes par l'Espagne. Une étude est ainsi prévue, sur deux ans, pour déterminer les prérequis opérationnels et élaborer un prototype. Le contrat devrait être notifié au premier semestre 2016, pour un montant de 60 millions d'euros partagé entre les pays partenaires, à raison de 31 % pour l'Allemagne et 23 % pour chacun des trois autres États. L'enjeu est fondamental, à la fois parce que les armées, aujourd'hui, ne peuvent plus se passer des drones MALE et, sous l'aspect industriel, dans la mesure où, si la France dispose en ce domaine de capacités, il lui est difficile de résister à la concurrence américaine. Cela dit, nous savons bien qu'il sera très difficile de produire un drone MALE européen qui conjugue la satisfaction d'un besoin militaire partagé et un coût susceptible de créer un marché...
Pour finir, j'évoquerai le programme visant à doter l'armée de terre d'un système de drones tactiques (SDT) pérenne. La LPM prévoit la livraison de 14 vecteurs de ce système, à l'horizon 2017, pour remplacer le système de drones tactiques « intérimaires » actuellement en service. Un appel d'offres a été ouvert en 2014 ; cette procédure répondait d'ailleurs au voeu que nous avions émis, en vue de préserver les intérêts financiers de l'État et de fournir à l'armée de terre le matériel répondant au mieux à ses besoins opérationnels. Deux propositions sont en lice : le Watchkeeper de Thales UK et le Patroller de Sagem, Airbus n'ayant pas donné suite à l'appel d'offres. Or, au vu des performances de ces équipements, proches de celles d'un drone MALE, nous nous interrogeons, pour l'heure, sur la réelle plus-value du programme SDT... Et nous recommandons donc que soit effectuée la plus étroite vérification de l'adéquation de ces offres aux besoins exprimés par l'armée de terre.
Pour conclure, Jacques Gautier, Daniel Reiner et moi-même émettons, sur le programme 146, une appréciation positive, et, sous réserve de l'avis des autres rapporteurs, nous recommandons l'adoption des crédits de la mission « Défense ».