L'année dernière, à cette même place, j'évoquais devant vous les déflations, la nouvelle « gouvernance RH » du ministère et la baisse de la masse salariale envisagée pour 2015.
Depuis, le contexte a changé, les dramatiques attentats qui ont frappé la France cette année ont justifié un changement radical d'orientation. La priorité est désormais de donner à nos armées les moyens, notamment humains, lui permettant d'assurer la protection de notre territoire.
Ainsi, pour 2016, les crédits de titre 2 inscrits au programme 212 (qui regroupent, je le rappelle, l'ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense) s'établissent à 19,13 milliards d'euros, en augmentation de 2,17 % (+407,3 millions d'euros) par rapport à 2015. Cette augmentation de la masse salariale traduit l'augmentation nette des effectifs prévue pour l'année 2016 (soit un solde positif de 2 300 équivalents temps plein) par la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la programmation militaire. Elle vise à permettre la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT), qui comprendra 77 000 hommes fin 2016 (contre 66 000 l'année dernière). Ce renforcement était indispensable pour que l'armée de terre puisse, dans des conditions satisfaisantes (c'est-à-dire sans renoncer à l'entraînement ni à la nécessaire récupération) poursuivre les opérations extérieures et assurer la mission Sentinelle qui est appelée à perdurer.
Pour l'armée de terre, il s'agit d'un tournant important, car après des années de baisse, elle regagne enfin des effectifs et va pouvoir reconstituer deux régiments.
Mais ces renforts, soulignons-le, bénéficieront aussi au renseignement, à la cyberdéfense, au soutien à l'exportation, ainsi qu'à d'autres composantes de la protection du territoire comme la mission Cuirasse de protection des installations militaires.
Dans le détail, l'augmentation des crédits de titre 2 prévue pour 2016 recouvre à la fois :
- une augmentation des dépenses de rémunération (+279 millions d'euros) ;
- une augmentation des pensions (+71,6 millions d'euros), le montant des cotisations vieillesse augmentant avec les effectifs ;
- une hausse également des crédits destinés au surcoût des opérations intérieures (qui passent de 11 à 26 millions d'euros) ; cette progression reste toutefois modeste au regard des dépenses générées par Sentinelle (estimées pour 2015 à 85 millions d'euros, soit 93 millions d'euros pour l'ensemble des OPINT), qui sont principalement couvertes en fait d'année via le collectif budgétaire ;
- enfin, une hausse des dépenses hors rémunérations (+48,1 millions d'euros), comprenant notamment un effort supplémentaire de 19,3 millions d'euros en faveur des réserves, en conformité avec les engagements pris lors de l'actualisation de la LPM.
Notons que les récentes annonces du Président de la République concernant le renoncement aux diminutions d'effectifs dans la défense jusqu'en 2019 n'auront a priori pas d'impact sur l'annuité budgétaire 2016 (c'est en tout cas ce que nous a indiqué le directeur des ressources humaines du ministère). S'agissant des années 2017-2019, la trajectoire sera revue, sans qu'il soit possible pour le moment de dire dans quelles proportions, compte tenu des interprétations divergentes de Bercy et du ministère de la défense. Il nous semble toutefois que dans le contexte actuel, une interprétation favorable au renforcement des effectifs est à privilégier.
Le desserrement de la contrainte en matière de déflations ne signifie pas la fin de la « manoeuvre RH ». Celle-ci se poursuit, dans ses différents volets, car les armées continuent de se transformer. Ainsi, il reste nécessaire d'assurer un flux de départs suffisant pour garantir le renouvellement de nos forces. Le dépyramidage demeure également un objectif, même s'il ne vise plus l'ensemble des officiers. Le rééquilibrage personnel civil-personnel militaire reste aussi d'actualité, car il est pertinent que nos soldats occupent en priorité des postes dans le domaine opérationnel et non dans celui du soutien. La reconversion des anciens militaires ne doit pas être négligée non plus.
Mais le principal défi pour 2016 est celui du recrutement, qui concerne principalement l'armée de terre. Celle-ci doit procéder, nous l'avons dit, à 11 000 recrutements supplémentaires pour renforcer la FOT, qui viennent s'ajouter à ceux qu'elle doit réaliser pour renouveler son personnel militaire. Cela signifie 9 000 recrutements à réaliser en 2015 et 16 000 sur l'année 2016, ce qui est considérable. Bien sûr, elle mobilise pour cela toute sa chaîne de recrutement, y compris les chefs de corps qui sont mis à contribution pour dynamiser le recrutement de proximité. Il faut relever l'effet important des attentats sur les candidatures : le directeur des ressources humaines de l'armée de terre a indiqué lors de son audition avoir reçu, le 14 novembre dernier, le plus grand nombre de demandes jamais enregistré.
Le défi n'est pas seulement de trouver des candidats motivés et susceptibles de rester, il est aussi de pouvoir les former, les équiper, les héberger dans de bonnes conditions. Mon collègue Gilbert Roger, à qui je vais passer la parole, reviendra certainement sur ces aspects.
Je vous propose, quant à moi, de donner un avis favorable à ces crédits, dans la mesure où ils portent la marque de la priorité donnée à la défense, que nous ne pouvons que soutenir dans le contexte actuel.