Intervention de Gilbert Roger

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 novembre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Programme 212 - soutien de la politique de défense - mission « défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Gilbert RogerGilbert Roger, rapporteur pour avis :

Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Robert del Picchia, il me semble que nous devons nous réjouir d'avoir obtenu le remplacement de ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires.

Les crédits budgétaires hors titre 2 s'élèvent pour 2016 à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (-10,4 %) et à 2 milliards d'euros en crédits de paiement (+3,4 %). A ces crédits de paiement, il faut ajouter 200 millions d'euros de ressources issues du produit des cessions immobilières.

Ma première observation portera sur la politique immobilière du ministère de la défense.

Cette politique doit aujourd'hui répondre à de multiples priorités, dans un contexte budgétaire qui demeure contraint. En premier lieu, le PLF 2016 doit permettre la poursuite des investissements en infrastructures pour l'accueil des grands programmes d'armement (MRTT, hélicoptères de nouvelle génération, Rafale, FREMM, SNA Barracuda, Scorpion etc.). L'effort de modernisation des bases navales de Brest et de Toulon sera, en particulier, poursuivi.

En deuxième lieu, la politique immobilière doit accompagner la remontée en puissance. Les moindres déflations d'effectifs et la remontée de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes constituent un tournant, impliquant des besoins en infrastructures. Des travaux sont prévus dans 31 régiments pour l'accueil d'effectifs supplémentaires. La densification d'emprises existantes demeure la voie privilégiée.

La réflexion actuellement menée sur le rôle et la place de l'armée sur le territoire national suppose d'anticiper aussi les conséquences des évolutions envisagées en termes d'infrastructures. L'opération Sentinelle nécessite des adaptations, pour améliorer les conditions d'hébergement des militaires déployés sur le territoire, afin de permettre le maintien du dispositif, avec un maillage territorial fin et dans la durée. En parallèle, l'effort de rénovation des logements et de réhabilitation des bâtiments de vie les plus dégradés, doit être poursuivi.

En troisième lieu, s'agissant de la politique immobilière, il nous semble que le renforcement de la sécurité des infrastructures devrait être une priorité mieux dotée, d'un point de vue financier. 60 millions d'euros seront consacrés, en 2016, à des travaux de sécurité dans les dépôts de munitions, à la suite du vol commis en juillet 2015 sur le site de Miramas. L'effort à réaliser pour la protection des sites de défense sera toutefois bien supérieur à cette somme. La privatisation de la sécurité n'est pas toujours une solution adaptée.

Une réflexion plus large, y compris sur les aspects juridiques de la protection, doit intégrer les « trois dimensions », en répondant aux interrogations suscitées par la multiplication des survols d'installations sensibles par des drones, notamment à proximité du site de l'Ile Longue en janvier dernier.

Afin de répondre à l'ensemble de ces priorités, la politique immobilière est dotée d'1,2 milliard d'euros en crédit de paiement. Comme l'a indiqué le secrétaire général de l'administration du ministère de la défense ici même, les besoins sont estimés à 1,4 milliard d'euros. Il manque donc 200 millions d'euros pour répondre aux besoins identifiés.

J'en viens maintenant aux cessions d'actifs immobiliers, qui constituent l'un des éléments de l'équilibre de la loi de programmation militaire actualisée. 730 millions d'euros de recettes sont prévues sur la période 2015-2019, dont 200 millions d'euros en 2016.

L'essentiel doit provenir des cessions d'emprises parisiennes (Ilot Saint-Germain et Saint-Thomas d'Aquin). La sécurisation des recettes prévues pour les prochaines années nécessite le maintien de la garantie que nous avons fait inscrire dans la loi actualisant la programmation militaire. Il s'agit de limiter la décote prévue par la loi du 18 janvier 2013, dite « loi Duflot », à 30 % de la valeur vénale des immeubles cédés par le ministère de la défense. L'Assemblée nationale a proposé la suppression de cette limitation, revenant ainsi sur notre accord de CMP de juillet dernier. Le Sénat a adopté hier l'amendement de notre commission, revenant sur la suppression de ce plafonnement.

S'agissant maintenant des restructurations territoriales, celles annoncées le 31 juillet 2015, au titre de l'année 2016, sont plus limitées que celles annoncées les années précédentes. Nous continuons à regretter l'absence de programmation pluriannuelle des restructurations, même si on ne peut que se réjouir que la révision de la LPM n'implique pas, pour l'avenir, de restructurations majeures traumatisantes pour nos territoires. En 2016, les autorisations d'engagement permettront le lancement des premiers projets rattachés aux quatre contrats de redynamisation en cours de signature (Châlons-en-Champagne, Dijon, Creil et Drachenbronn). À l'avenir, l'accompagnement économique des restructurations sera intégré au volet territorial des contrats de plan État-région.

Ma quatrième observation concerne le déménagement des états-majors et services centraux sur le site de Balard, mis à disposition du ministère le 28 février 2015. Le déménagement se poursuivra, en 2016, jusqu'à l'installation de l'ensemble des 9 300 agents qui doivent y emménager. Il n'est pas étonnant qu'un déménagement d'une telle ampleur donne lieu à quelques difficultés. La sécurité du site sera probablement renforcée, moyennant des adaptations. Plus globalement, toutefois, il nous semble qu'un bilan global de l'opération « Balard » devrait être effectué, afin d'en évaluer le coût et les bénéfices, et d'en vérifier la neutralité financière supposée. Rappelons que le montant total du contrat a été évalué à 3,5 milliards d'euros (constants hors taxes) et la redevance annuelle moyenne à 130 millions d'euros hors taxes. Les ressources nécessaires au financement de cette redevance doivent être assurées, sans abondement, par redéploiement de crédits budgétaires.

Enfin, mon dernier point portera sur les dysfonctionnements de Louvois. Le plan d'urgence mis en place en 2012 a été utilisé à hauteur de 48 millions d'euros. La maintenance de Louvois coûte 4 millions d'euros par an, à quoi il faudrait ajouter le coût du maintien de l'outil de gestion propre à l'armée de l'air, qui devait être supprimé et a été maintenu.

Le remplacement de Louvois par un nouveau système, appelé Source Solde, a fait l'objet d'un marché notifié le 22 avril 2015 à la société Sopra-Stéria. La conduite du projet a été confiée à la DGA, avec la volonté de le conduire « comme un programme d'armement ». Nous suivrons attentivement ce dossier en 2016, année qui sera consacrée aux tests de qualification du nouveau système.

Sous le bénéfice de ces observations, nous émettons une appréciation positive sur les crédits du programme 212 en 2016. Ces crédits permettent d'accompagner la remontée en puissance de l'effort de défense, même si nous resterons vigilants sur les points que je viens de mentionner.

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