Intervention de Henri de Raincourt

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 novembre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Programmes 110 - aide économique et financière au développement et 209 - solidarité à l'égard des pays en développement - mission « aide publique au développement » - examen du rapport pour avis

Photo de Henri de RaincourtHenri de Raincourt :

L'année 2015 a apporté quelques bonnes nouvelles en matière de développement. Il faut le réaffirmer contre le pessimisme parfois de mise en la matière : l'aide au développement donne des résultats !

Du 25 au 27 septembre, le sommet des Nations Unies sur le développement a permis de faire le bilan de la mise en oeuvre des objectifs du millénaire.

Et ce bilan est encourageant ! Quelques résultats parmi d'autres, obtenus entre 1990 et 2015 : le nombre des personnes vivant dans l'extrême pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 1,25 dollars par jour, a diminué de moitié, passant de 1,9 milliard de personnes à 836 millions. En outre, la proportion de personnes sous-alimentées dans les régions en développement a baissé de près de moitié depuis 1990, passant de 23,3 % à 12,9 % ; le nombre d'enfants non scolarisés alors qu'ils sont en âge de fréquenter l'école primaire a été réduit quasiment de moitié dans le monde, passant de 100 millions en 2000 à 57 millions. Parmi toutes les régions du monde, l'Afrique subsaharienne a obtenu les meilleurs résultats pour l'éducation primaire, avec 20 points de taux de scolarisation en plus ; le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le monde a diminué de plus de moitié ; enfin, 13,6 millions de personnes vivant avec le VIH reçoivent aujourd'hui un traitement antirétroviral, ce qui était le cas de seulement 800 000 personnes en 2003. Ce traitement a permis d'éviter 7,6 millions de décès depuis 1995.

Outre le sommet de l'ONU, qui s'est traduit par l'adoption des nouveaux objectifs du développement durable, d'autres grands événements ont donné en 2015 une nouvelle impulsion à la politique d'aide au développement au niveau international : la conférence d'Addis-Abeba s'est tenue du 13 au 16 juillet 2015 et a permis à la communauté internationale d'examiner les différentes options permettant d'assurer de manière plus efficace et plus transparente le financement du développement ; une importante réunion des ministres des finances et des dirigeants des banques multilatérales de développement, qui s'est tenue le 9 octobre 2015 à Lima, a conduit la communauté internationale à préciser l'engagement qu'elle avait été pris de consacrer, à partir de 2020, 100 milliards de dollars par an à la lutte contre le changement climatique ; enfin, la Conférence de Paris sur le climat (COP 21) va bientôt débuter.

Dans ce contexte, le Président de la République a annoncé le 24 août un rapprochement de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations. Devant l'Assemblée générale des Nations unies, il a ensuite déclaré que la France allait augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020.

Dès lors, la présentation des crédits demandés pour la mission « Aide au développement » au sein du PLF 2016 a été quelque peu décevante, avec une baisse de plus de 6% des crédits de la mission par rapport à 2015.

Une telle évolution ne paraît pas de nature, en effet, à améliorer le ratio aide au développement/Revenu national brut qui était pour notre pays de seulement 0,41 % en 2013 et 0,36% en 2014, loin du fameux objectif des 0,7 %, et surtout inférieur désormais à celui de l'Allemagne et très inférieur à celui du Royaume-Uni, ce pays ayant atteint les 0,7%.

L'aide au développement n'est pourtant pas un luxe, c'est pour nous un investissement indispensable, une contribution essentielle à la construction d'un monde plus pacifique et plus juste !

Heureusement, plusieurs amendement déposés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale ont corrigé le tir et ont permis de stabiliser l'enveloppe, avant que des amendements parlementaires ne prévoient un apport supplémentaire.

Au total, et malgré un amendement de seconde délibération adopté par les députés, la somme des crédits consacrés de la mission développement et de ceux du fonds de solidarité et de développement, le FSD, alimenté par la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d'avions, cette somme sera supérieure de 79 millions d'euros en 2016 à ce qu'elle était en 2015.

Deux bémols cependant. En premier lieu, cette augmentation provient exclusivement de la TTF, dont 368 millions d'euros de produit supplémentaires seront consacrés au développement, alors que les crédits budgétaires diminuent au total de 10,4 % compte tenu de l'amendement de seconde délibération du Gouvernement. Cette montée en puissance de la TTF est très positive mais elle se substitue ici aux crédits budgétaires alors que l'orthodoxie voudrait plutôt que les financements innovants viennent en addition et non en substitution du budget. Bien entendu, nous ne pouvons pas faire fi du contexte budgétaire de notre pays... Nous ne pouvons que souhaiter que ces financements puissent redevenir véritablement additionnels quand la situation budgétaire se sera améliorée.

En second lieu, la TTF ne transite pas par le budget de l'Etat mais par le FSD, qui n'est pas retracé par les documents budgétaires. Nous perdons donc un peu en transparence et en contrôle.

Pour finir, je voudrais souligner qu'il nous faudra éviter deux écueils dans les années à venir. D'abord, il ne faut pas subordonner totalement le développement au sens classique à la lutte contre le réchauffement climatique. Dans les annonces du Président de la République, j'ai surtout entendu l'aspect environnemental, ce qui est normal à l'approche de la COP21 mais ne doit pas nous faire négliger les aspects traditionnels du développement. D'ici à 2050, la population de l'Afrique doublera et en même temps, la population vieillira et s'urbanisera. De ce fait, l'aide au développement doit rester focalisée sur les services de base rendus à la population : l'éducation, la santé, les services publics en général.

Ensuite, le rapprochement de l'agence française de développement et de la Caisse des dépôts, qui va aboutir à augmenter encore le volume de prêts de l'agence, ne doit pas conduire l'AFD à perdre son identité et sa spécificité pour la transformer en une banque se consacrant essentiellement au financement de l'économie des pays émergeants. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts, présidée par M. Henri Emmanuelli, s'est prononcée contre une éventuelle filialisation de l'AFD par la CDC. L'AFD devra ainsi garder son autonomie et sa gouvernance propres au sein de la CDC.

Sous bénéfice de ces observations, je souhaiterais que notre commission donne un avis favorable aux crédits de la mission « Aide au développement ».

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