Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 novembre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Programmes 110 - aide économique et financière au développement et 209 - solidarité à l'égard des pays en développement - mission « aide publique au développement » - examen du rapport pour avis

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret :

S'il est vrai que le budget initial de la mission développement a pu paraître décevant, il faut souligner que les efforts fait par le Gouvernement et par les députés pour y remédier ont totalement inversé la situation. En l'état actuel du PLF, le compte y est, puisque le budget de l'aide au développement est stable par rapport à l'année précédente pour la première fois depuis 5 ans, grâce aux 150 millions d'euros ajoutés par les amendements du Gouvernement !

La plus grande partie de la hausse des crédits provient du produit de la taxe sur les transactions financières. À ce sujet, il faut selon moi saluer les efforts accomplis par le Gouvernement pour étendre à d'autres pays de l'Union européenne ce nouveau financement. La Commission européenne a en effet proposé en septembre 2011 une proposition de directive sur un système commun de taxe sur les transactions financières pour toute l'Union Européenne. Devant l'opposition d'un certain nombre de pays, le Conseil de l'Union a engagé la voie d'une coopération renforcée en la matière entre onze États membres. Nous saurons peut-être le 8 décembre 2015 si ces onze États décident de mettre en oeuvre cette nouvelle taxe, éventuellement dès 2016.

M. de Raincourt l'a dit, beaucoup d'annonces concernent le climat. Mais il ne faut en aucun cas opposer aide au développement et lutte contre le changement climatique ! Nous savons que les pays les plus pauvres sont aussi ceux qui auront le plus à souffrir de la hausse globale des températures. Le Gouvernement s'est d'ailleurs battu pour que la moitié des crédits du Fonds vert, créé en 2009 à Copenhague et qui doit recevoir 100 milliards d'euros par an à partir de 2020, soient consacrés à l'adaptation au changement climatique : lutte contre la montée des eaux, systèmes d'alerte précoce aux catastrophes naturelles, etc. Autre exemple de convergence entre les objectifs climatiques et les objectifs de développement, la réduction de la déforestation et les objectifs sanitaires vont de pair, les foyers ouverts alimentés au bois étant responsables de quatre millions de décès prématurés. Enfin, comment ne pas évoquer les réfugiés climatiques ? Le chiffre de 200 millions de réfugiés à l'horizon 2050 est parfois évoqué ! Lutte contre la pauvreté et contre le changement climatique sont donc des combats jumeaux.

Je voudrais ensuite souligner quelques éléments qui me paraissent très positifs dans ce budget 2016 : les moyens de l'AFD sont confirmés. Les crédits consacrés aux subventions sont stables tandis que ceux qui permettent les bonifications de prêts sont en hausse modérée. À ce sujet, il faut souligner que si les 4 milliards supplémentaires annoncés par le Président de la République prendront la forme de prêts de l'AFD et de Proparco, le Gouvernement s'est également engagé à augmenter les subventions de 370 millions d'euros en 2020 par rapport au niveau actuel. Dans la continuité des décisions d'Addis-Abeba, les crédits destinés aux ONG humanitaires et aux autres acteurs du développement atteindront 79 millions d'euros cette année. Enfin, le budget 2016 prend en compte la situation actuelle : grâce à un amendement du Gouvernement abondant le programme 209, il prévoit un effort de 50 millions d'euros supplémentaire en faveur des réfugiés.

S'agissant des crédits de la francophonie, je tiens à rappeler qu'elle constitue un atout essentiel pour le rayonnement de la France. Il s'agit en effet d'un lien puissant avec les 80 pays membres de l'OIF et avec les quelque 750 millions de locuteurs prévus à l'horizon 2050. À ce sujet, le regrette d'ailleurs que le budget prévoie une baisse de 2 millions d'euros.

J'en viens à la question du rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts.

L'objectif, on le sait, est double. D'abord, concrétiser l'annonce d'un accroissement des prêts en faveur du développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020 suppose que l'AFD commence dès l'année prochaine à prêter davantage. L'adossement de l'AFD à la CDC doit ainsi permettre à l'agence d'augmenter ses fonds propres de manière à pouvoir accroitre dès l'année prochaine le montant de ses prêts.

De manière plus stratégique, le rapprochement des deux entités se justifie également par le nouvel accent mis sur le développement durable comme problématique transversale. Il est logique, pour les pays qui souhaitent accroître leur effort en matière de développement durable, de se doter d'un organisme capable de lancer et de soutenir des projets à la fois sur le territoire national et dans les autres pays, dans une optique de synergie entre ces deux aspects. Cette démarche a notamment été entreprise par les Allemands, les Italiens, et la Chine s'est lancée dans une politique comparable.

Dans cette optique, il n'est pas exclu que l'activité de l'organisme qui sera issu des deux entités comporte une dimension de diplomatie économique. Si la transparence doit régner en ce domaine, rien n'interdit de soutenir davantage par ce biais le développement international des entreprises françaises.

Bien qu'il existe ainsi de fortes raisons pour justifier un rapprochement des deux entités, une vigilance particulière et un suivi attentif de ce dossier seront nécessaire, afin de s'assurer que ce rapprochement se traduise bien par une synergie qui profite aux deux entités, notamment en augmentant la surface financière et par conséquent les capacités d'action de l'AFD et en mettant à profit l'ancrage local de la CDC ; que l'identité et le « métier » de l'AFD soient préservés afin qu'elle continue à poursuivre l'objectif de développement en adéquation avec la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et dans le cadre des objectifs de développement durables des Nations unies ; que la réforme se traduise in fine par l'intensification et l'amélioration de l'aide apportée aux pays les moins avancés ; que le rapprochement des deux identités accroisse la lisibilité et la transparence de l'aide au développement française et permette d'améliorer son évaluation.

Si l'ensemble de ces conditions sont respectées, et compte tenu des crédits d'ores et déjà prévus par le présent budget, il y a là pour notre pays l'occasion de passer à la vitesse supérieure en matière d'aide au développement. Comme Henri de Raincourt, je souhaiterais donc que notre commission donne un avis favorable aux crédits de la mission « Aide au développement ».

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