Je vais m'efforcer d'être aussi synthétique que mon collègue André Trillard.
Une première observation : le programme 144 porte les crédits hors titre 2 alloués aux services de renseignement relevant du ministère de la défense, c'est-à-dire la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et la direction générale des services extérieure (DGSE).
J'inclurai toutefois dans mon analyse les crédits de titre 2, et en priant mes collègues del Picchia et Roger de m'excuser pour cette intrusion, mais on ne peut bien comprendre les enjeux et les perspectives que si l'on y inclut la dimension humaine.
Seconde observation : si l'on s'en tient au programme 144 stricto sensu on observe une diminution de 12,7 % des crédits de paiement prévus à hauteur de 234,7 millions d'euros et une diminution du même ordre des autorisations d'engagement.
Cette diminution résulte de l'effet conjugué de la baisse des crédits de fonctionnement - en grande partie en raison d'une mesure de périmètre - et de la baisse des investissements qui est la conséquence de l'entrée dans le creux du cycle des programmes d'investissement de la DGSE, les années 2014 et 2015 ayant atteint un pic.
Au sein de cette enveloppe, les crédits attribués à la DGSE constituent la masse la plus importante : 224,2 millions d'euros, dont 186,4 millions d'euros destinés aux investissements. Ces crédits sont en outre souvent abondés en cours d'exercice par des transferts de crédits interministériels et par une partie des fonds spéciaux, qui figurent au programme 129.
Les crédits de la DPSD ne représentent que 10 millions d'euros. Ils sont moins affectés par la diminution, les autorisations d'engagement progressent même en raison de la mise en oeuvre d'un programme d'équipement plus conséquent suite à l'autorisation d'emploi de nouvelles techniques de renseignement par la loi du 24 juillet 2015.
Mais cette évolution, que je qualifierai de mécanique, est largement compensée par les renforcements d'effectifs de ces services. Ce sera ma troisième observation.
La DGSE bénéficie sur la période 2014-2019 de 605 créations d'emplois, 169 ont été réalisées en 2014 et 2015, 122 sont prévues en 2016. Il s'agit essentiellement de personnels de catégorie A et d'officiers. La DGSE emploie hors service action plus de 5 200 agents. Le montant des crédits inscrits au titre 2 du programme 212 progressent en conséquence de 403 millions d'euros en 2015 à 413 millions dans le PLF pour 2016. Au sein de ces personnels, la part des militaires connaît une érosion depuis plusieurs années passant de 29,3 % en 2008 à 25,9 % en 2015 qui résulte des difficultés éprouvées pour les armées à réaliser leurs contrats d'objectifs mais aussi de la diversification des profils recherchés. Cela constitue une préoccupation s'agissant d'un service relevant du ministère de la défense. On observe également pour la même raison une progression du nombre des contractuels au sein des personnels civils. La difficulté de recrutement et de maintien des personnes au sein du service, même si elle est surmontée, tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers. Jean-Marie Bockel a évoqué hier cette question à propos de l'ANSSI, c'est une préoccupation que partagent les services de renseignement et je m'associe à ses pertinentes observations. L'idée d'une mobilité au sein de la communauté du renseignement se met progressivement en place, c'est un moyen, comme de résoudre ces difficultés, c'est aussi et surtout le moyen de développer une culture commune qui accroît l'efficacité opérationnelle des services dans un contexte où menaces intérieures et menaces extérieures sont de plus en plus imbriquées.
La DPSD agit en matière de sécurité du personnel, des informations, des matériels et des installations sensibles, en mettant en oeuvre des mesures de contre-ingérence et de protection du secret de la défense nationale. Nous constatons en France une insuffisance de la culture de protection du secret de la défense nationale. Nous souhaiterions que des formations soient introduites dans le programme de nos écoles d'ingénieurs à commencer par les établissements relevant du ministère de la défense.
La DPSD dont les effectifs étaient tombés à 1 053 à la fin 2013, connaît un renforcement significatif, accéléré et amplifié dans le cadre de la LPM actualisée. Son plafond d'emplois devrait atteindre 1 200 à d'ici la fin de 2016 avec une progression significative des crédits qui passent de 69,3 millions d'euros en 2015 à 84,7 millions. Elle aura à gérer turnover et montée en puissance de ses effectifs. Nous estimons que dans ce contexte la fonction RH doit être renforcée et que sa politique de recrutement doit être particulièrement soutenue.
Ce renforcement d'effectifs est le bienvenu compte tenu du surcroit d'activité de la DPSD, dans le domaine de la lutte anti-terroriste mais aussi dans ses activités traditionnelles. Les décisions prises en début d'année suite aux attentats terroristes ont conduit à devoir gérer des demandes d'avis de sécurité plus nombreux. De même, en matière d'inspections de sites, la responsabilité de la DPSD est de respecter les programmes de visites et de se montrer très scrupuleuse pour identifier leurs vulnérabilités. Mais encore faut-il que les préconisations qui en résultent soient mises en oeuvre. Suite à l'incident de Miramas en juillet dernier, nous estimons que la mise en place d'un indicateur de performance sur le taux de suivi des recommandations des rapports d'inspection est nécessaire.
Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption de l'amendement, présenté par André Trillard, qui vise à majorer la subvention de l'ONERA, les rapporteurs pour avis que nous sommes émettent une appréciation positive sur les crédits inscrits, pour le programme 144, dans le projet de loi de finances pour 2016. C'est aussi une marque confiance pour nos services de renseignement dans un contexte particulièrement difficile qui exige de leur part une vigilance permanente.