Au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » finance : d'une part, les contributions obligatoires aux organisations internationales et opérations de maintien de la paix dues par notre pays et d'autre part, l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et notre réseau diplomatique, dont je vous rappelle qu'il est, avec 163 ambassades, le troisième réseau diplomatique du monde, derrière ceux des États-Unis et de la Chine.
Ce programme représente près d'un tiers des crédits et un peu moins de la moitié des emplois dont dispose le Quai d'Orsay. Pour 2016, il est doté d'un plafond d'emplois de 7 836 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et de crédits de paiement à hauteur de 1,97 milliard d'euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2015, dont nous ne pouvons pas nous réjouir, comme je vais m'efforcer de vous le montrer.
L'évolution du barème des contributions de la France aux opérations de maintien de la paix permet pour 2016, une nouvelle réduction de 30 millions d'euros. Or, ceci ne donnera pas de nouvelles marges de manoeuvre au ministère parce que le risque de change n'est pas couvert correctement. L'augmentation de 10 % des crédits du programme 105 résulte essentiellement d'un effet de change défavorable. La dépréciation de l'euro par rapport au dollar induit une hausse du coût en euros des contributions internationales payables en devises qui passent de 746 millions d'euros en 2015 à 904 millions d'euros en 2016. Le rapport de la Cour des Comptes sur les contributions internationales de la France, remis en octobre 2015 à la commission des finances de l'Assemblée nationale, estime que la perte de change pourrait s'élever à la fin de l'année 2015 à 145 millions d'euros, et 150 millions d'euros en 2016 et en 2017. Ce chiffre doit être rapproché des débats que nous avons sur l'attribution de 5 millions d'euros supplémentaires aux bourses ou à la promotion du tourisme. À ce jour, selon le rapport précité de la Cour des comptes, la convention pour la couverture du risque de change, signée entre le MAEDI et l'Agence France Trésor, fige les gains budgétaires en cas d'appréciation de l'euro et empêche la couverture de risques en cas de baisse de l'euro sur une longue tendance. Certes, ce n'est pas le rôle de l'administration de spéculer sur la baisse de l'euro, mais ce choix a un prix pour le MAEDI. Il est donc indispensable que des stratégies de couverture du risque de change soient mises en place, et que le ministère professionnalise, avec l'aide de Bercy, cette fonction de couverture du risque de change.
De même, il n'est pas de bonne gestion que le différentiel entre la « somme appelée » et « l'état de la trésorerie de l'ONU sur les opérations de maintien de la paix closes » ne soit pas recouvré par la France. Selon la Cour des Comptes, un reliquat de 13,7 millions d'euros pourrait ainsi être rappelé. On voit là tout l'enjeu d'une gestion rénovée des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix.
Un second point de critique importante tient au modèle de gestion immobilière que met en oeuvre le ministère des affaires étrangères. Le problème de cette gestion- nous l'avons souvent dit-, c'est qu'elle fait dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle n'est pas vertueux : faire financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, c'est appauvrir le patrimoine de l'État. De plus, ce système est en voie d'essoufflement. Certes, d'importants produits de cession ont encore été réalisés cette année : telle que la vente de notre vaste campus diplomatique en Malaisie, à Kuala Lumpur, à hauteur de 171 millions d'euros, amenant le produit de cessions, pour 2015, à 252 millions d'euros. Notons que le risque de change n'a, encore une fois, pas été couvert ce qui aurait réduit de 20 millions d'euros la recette attendue. Sont encore prévues les ventes du palais Clam-Gallas à Vienne, pour 22 millions d'euros et de la résidence consulaire à Munich, pour 10 millions d'euros.
Je souhaite faire à ce sujet plusieurs remarques. Ces ventes ne me semblent avoir de sens que si elles permettent de rationaliser les implantations de la France et d'assurer le rayonnement international de notre pays. Dans le cas contraire, c'est une perte sèche de patrimoine et de prestige. Ces cessions doivent également être l'occasion de développer des colocalisations bilatérales avec nos partenaires allemands. Au-delà des sept ambassades colocalisées existant déjà, deux nouveaux projets verront le jour en 2016 : à Dacca au Bangladesh et à Koweït City. De même, les colocalisations avec les services extérieurs de l'Union européenne doivent être privilégiées comme ce sera le cas au Nigéria à Abuja.
Enfin, la participation du ministère au désendettement de l'État est certes louable mais elle doit être assortie à mon sens de deux conditions : la première concerne l'établissement d'un état sanitaire pour l'ensemble du patrimoine immobilier du ministère. Il est indispensable de connaître le besoin réel d'investissement et de crédits d'entretien du MAEDI, sans se limiter aux plus gros postes diplomatiques comme ça été le cas jusqu'ici. La seconde condition est que les crédits nécessaires soient inscrits en loi de finances initiale.
A l'heure actuelle, le ministère contribue au-delà de ses obligations au désendettement de l'État alors que ses perspectives de cession s'essoufflent et que ses besoins d'investissement et de dépenses d'entretien sont mal connus. Les 5 millions d'euros supplémentaires prévus au titre des dépenses d'entretien en 2016, soit un total de 7,2 millions d'euros sont très loin d'être suffisants : le projet de modernisation et de rénovation du Quai d'Orsay devrait coûter à lui seul 27 millions d'euros en 2016 et le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger, soit 2000 bâtiments représentant 2 millions de mètres carrés, se situe dans une fourchette allant de 15 à 30 millions d'euros par an. Cette imprécision est à elle seule le signe qu'une amélioration est possible.
Le MAEDI devait verser au titre du désendettement de l'État 25 millions d'euros par an en 2015, 2016 et 2017. En 2016 pour tenir compte des recettes exceptionnelles de Kuala Lumpur, sa contribution sera portée à 100 millions d'euros. Mais les ventes « faciles » auront bientôt toutes été réalisées. Il est regrettable que le maintien en l'état du patrimoine du MAEDI dépende d'objectifs de vente qui sont par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier.
Enfin, je voudrais dire quelques mots de la mue du réseau diplomatique. Cette « mue », vous le savez c'est le « recalibrage » des postes catégorisés, en postes « à mission élargies », postes « à missions prioritaires » et postes « de présence diplomatique ». Je reste prudent sur les premiers postes de présence diplomatique, dont le bilan doit nous être présenté d'ici la fin de l'année. Pour que la politique menée ne se cantonne pas à une politique d'influence, il faut que ces postes s'appuient sur les ressources des services extérieurs de l'Union européenne. Une mutualisation est possible sans remettre en cause l'indépendance de la politique diplomatique française. De même, il me semble primordial que l'action de ces postes intègre l'ensemble du « réseau de l'action publique française » dont Leïla Aichi vous parlera. Les régions ont là un rôle à jouer. Enfin, il apparaît que ces postes de présence diplomatique reposent tout entier sur la personnalité de l'ambassadeur nommé. Une réelle évolution du métier d'ambassadeur est en cours sur laquelle il me semble que notre commission devra se pencher dès l'année prochaine.