Comme Christian Cambon l'a indiqué d'emblée, les crédits du programme 105 sont en hausse, dans le projet de loi de finances pour 2016 de 10 %, et reflètent en cela l'absence de couverture du risque de change.
Cela étant dit, le PLF 2016 présente l'avantage de préserver les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique qui constitue l'essentiel du programme 105. Une dotation de 209,5 millions d'euros est en effet prévue pour le fonctionnement de ce réseau, ce qui représente une augmentation de 12,7 millions d'euros pour couvrir la perte au change et de 13,15 millions d'euros pour tenir compte de la dégradation du contexte sécuritaire. A ce titre, 55,88 millions d'euros sont ouverts pour la sécurisation des biens situés à l'étranger, soit une augmentation de 31 % par rapport à la loi de finances pour 2015 et 8,1 millions d'euros pour les emprises du ministère situées en France. À ses moyens budgétaires s'ajouteront également 10 millions d'euros prélevés sur le produit des cessions immobilières pour financer les travaux de sécurisation des postes. Il est important de rappeler que la question de la sécurité ne se pose plus seulement pour nos ambassades, consulats et résidences. Les attentats ayant frappé les instituts français ont conduit le MAEDI à renforcer la sécurité du réseau culturel et scolaire et à y consacrer 1 million d'euros en 2015 et 10 millions d'euros par an à partir de 2016, selon le programme « MAEDI 21, une diplomatie globale pour le XXIe siècle ».
Des efforts de maîtrise de dépenses s'avèrent nécessaires pour préserver le réseau diplomatique, tout en assumant la dégradation de la valeur de l'euro, qui renchérit chaque poste de dépenses libellées en devises. Cela se traduit par le fait que d'importants efforts sont réalisés sur les lignes de dépenses « dites pilotables » du programme 105, par opposition aux lignes « contraintes » que sont les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les dépenses de personnel. Sont ainsi réduites de 6 millions d'euros les dotations du protocole, de 4,6 millions les dépenses de la direction de la coopération de sécurité et de défense.
En 2016, le plafond global de la mission « Action extérieure de l'État » devrait être réduit de 97 équivalents temps pleins dont 88 sur le seul programme 105, soit une diminution de 1,1 % de ses effectifs contre une baisse de 08 % du plafond d'emploi de la mission. Comme pour les crédits, cette diminution d'effectifs va peser essentiellement sur la mission de coopération de sécurité et de défense. Année après année, cette mission pourtant essentielle est considérée comme la variable d'ajustement du budget du MAEDI.
Cette réduction des moyens en la matière, de 4 % sur le triennum 2015 - 2017, constitue, au premier chef, une entrave à la capacité de la France de faire émerger en Afrique une architecture de sécurité africaine. Or cette orientation ne paraît pas cohérente avec les ambitions affichées. En particulier, elle n'est pas en ligne avec la nécessité de lutter contre le terrorisme et les trafics transnationaux au Sahel, et de renforcer la sécurité maritime dans le golfe de Guinée. Elle n'est pas davantage en phase avec l'implication de nos forces armées dans la bande sahélo-saharienne, notamment au Mali. À cet égard, comment expliquer que les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains, pourtant modestes, soient continûment diminués ? Il y a là une forme de contradiction de la politique étrangère française. Enfin, lors des auditions que nous avons menées dans le cadre de la préparation de ce rapport, il nous a été indiqué que des coopérations dans le domaine de la santé avaient été supprimées alors que le rôle du Service de Santé des Armées dans la gestion de l'épidémie Ebola, par exemple, a été crucial. Faute d'évaluation des actions menées, les décisions prises sont-elles toujours les plus pertinentes ?
Je voudrais maintenant revenir sur les enjeux de la diplomatie économique. Il s'agit de mobiliser l'outil diplomatique dans le but de favoriser le développement des entreprises françaises à l'international et de promouvoir l'attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. Je voudrais tout d'abord exprimer deux regrets : malgré nos recommandations de l'année dernière, aucun indicateur d'activité n'a été associé à ce pan des compétences du MAEDI, d'une part, et l'opérateur Business France, dont la création nous réjouit, regroupant UbiFrance et l'agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, reste rattaché au ministère de l'économie d'autre part. L'essentiel des crédits de la diplomatie économique dépendent donc de Bercy et non du Quai d'Orsay.
Par ailleurs, je voudrais saluer l'initiative des « rencontres expresses » ou « speed dating » mise en place lors de la semaine des ambassadeurs afin de permettre à toute entreprise le demandant de rencontrer l'ambassadeur à Paris ou dans le cadre de rendez-vous réguliers par visioconférence. Comme toujours, je souhaiterais que cette initiative soit évaluée. Tout comme les mesures relatives à l'instauration de conseils économiques pour les 126 postes situés dans un pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises, à l'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades, et à la nomination d'« ambassadeurs pour les régions », qui sont mis à la disposition des présidents de région le souhaitant, pour favoriser le rapprochement entre les régions françaises, leurs entreprises - en particulier les PME - et le réseau diplomatique. Cette initiative va dans le bon sens, les régions doivent être plus amplement et plus systématiquement associées aux initiatives des services de l'État en faveur du développement économique national à l'étranger, notamment pour la préparation et dans la réalisation des déplacements officiels. Il en va de même des PME, envers lesquelles je souhaiterais que le réseau diplomatique mène une « action proactive », en analysant les marchés puis en les sollicitant, au lieu d'attendre que la PME fasse elle-même les démarches.
Enfin, extrêmement succinctement, je souhaiterais rappeler, en plein accord avec le Président du Sénat, que la diplomatie parlementaire doit être développée ainsi qu'il l'a fait tout au long de l'année en défendant à chaque rencontre, à chaque voyage, les positions françaises sur la COP 21.
C'est sur la COP 21 que je conclurai justement. Il est regrettable que les coûts d'organisation se soient avérés supérieurs aux estimations initiales. Bien sûr l'organisation du sommet des chefs d'État n'était pas prévisible, et la volonté d'associer la société civile par la création d'un espace dédié est louable. En revanche, l'accroissement de 50 000 m² du besoin des surfaces aménagées dans le cadre de l'accord de siège signé au printemps 2015 me semble plus difficile à justifier. Dans ce contexte, les dépenses de mécénat, à 75 % en nature, ne viennent pas en déduction du budget initialement prévu mais financent les surcoûts. Je comprends que nos collègues de la commission des finances souhaitent pointer cette moindre performance par leur amendement de suppression de 10 millions d'euros de crédits, et ce d'autant plus que les 139 millions d'euros de crédits de paiement ouverts au titre de 2016 ne constituent pas des coûts complets. Aucune dépense de personnel n'est imputée au programme 341 dédié à la COP 21. De même, l'essentiel des dépenses de sécurisation de la COP 21 est imputé sur la mission « Sécurités ». Il est encore trop tôt pour avoir une évaluation des coûts évités par la déprogrammation annoncée par le gouvernement de certains évènements de la COP 21, mais nous suivrons ces questions.
Enfin, je regrette que l'action du ministère n'est pas été plus volontariste en direction des PME moins au fait des dispositions fiscales du mécénat que les grandes entreprises qui ont décroché le label COP 21. Certains de nos champions dans des secteurs très pointus et porteurs ne seront ainsi pas représentés sur le forum des associations alors qu'il y avait là un tremplin qui aurait dû être exploité.