J'ai l'honneur de vous présenter l'avis budgétaire relatif aux politiques de la prévention des risques et de la météorologie qui concerne les crédits de trois programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » avec le programme 181 « prévention des risques », le programme 170 « météorologie » et le programme 217 « conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », c'est-à-dire les moyens du ministère de l'écologie. Au total, ces trois programmes représentent 2,8 milliards d'euros, soit environ 40 % des 7,15 milliards ouverts au titre de la mission Écologie.
Le programme 181 rassemble les crédits budgétaires attribués aux politiques de prévention des risques naturels, des risques technologiques et des risques pour la santé d'origine environnementale. En 2016, le programme 181 sera doté de 286 millions d'euros en autorisations d'engagement et 225 millions en crédits de paiement, soit une baisse respective de 4,6 % et 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Les crédits étaient déjà en baisse l'année dernière. Cette baisse s'explique essentiellement, cette année encore, par la diminution des crédits alloués à l'action 1 qui représente 53,7 % des crédits et comprend toutes les mesures destinées à prévenir les risques technologiques, en particulier avec le déploiement sur le territoire des fameux plans de prévention des risques technologiques, les PPRT. Les dotations initialement prévues pour la mise en place des PPRT étaient disproportionnées. Au vu du coût souvent élevé que les mesures d'expropriation ou de travaux de consolidation du bâti font porter sur les ménages, les collectivités et les entreprises, il a été décidé que la priorité serait de réduire le risque à la source, au sein des entreprises classées Seveso. Le budget initialement prévu a donc été redimensionné à la baisse dans la mesure où l'emprise des PPRT sur les territoires a été réduite. Au 1er août 2015, sur les 398 PPRT à réaliser, 85 % environ, soit 335, ont été approuvés. L'objectif du gouvernement est d'approuver 95 % des PPRT fin 2015 et 97 % fin 2016.
Concernant la prévention des risques technologiques, j'aimerais insister plus longuement sur les crédits alloués à l'Anses, - Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail -, qui est financée à hauteur de 7 millions d'euros par le programme 181. L'agence reçoit ses subventions pour l'essentiel du programme 206 « sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », mais la dotation qu'il nous revient d'examiner permet notamment de mener les travaux d'évaluation des produits biocides au titre du règlement européen en vigueur.
Les missions de l'Anses connaissent actuellement une forte évolution. L'exercice 2015 a été marqué, le 1er juillet précisément, par l'entrée en vigueur de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Cette loi a opéré le transfert à l'Anses de la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et matières fertilisantes, et a placé l'agence à la tête du réseau de phytopharmacovigilance. Ce transfert de mission et de responsabilité a sensiblement modifié le positionnement de l'Anses dans le paysage institutionnel. Un travail de réorganisation interne a été entrepris et de nouveaux processus ont été mis en place pour que l'évaluation et la gestion du risque se fassent de manière transparente.
L'année 2016 va être à nouveau marquée par la prise en charge de nouvelles missions : l'évaluation et la délivrance des autorisations de mise sur le marché pour les produits biocides, ainsi que la mission de toxicovigilance actuellement menée par les centres antipoison.
Face à ces évolutions, le gouvernement prévoit un simple maintien des emplois sur le triennal. Pour autant, et vous le comprenez bien, ce maintien des emplois n'est qu'un effet d'optique compte tenu de l'accroissement significatif des missions. Si l'on tient compte des évolutions de périmètre, les moyens de l'agence sont en baisse.
Je suis extrêmement inquiet de cette évolution budgétaire. Dans ma région, fortement agricole et viticole, les hôpitaux et les centres de médecine du travail ont tiré la sonnette d'alarme quant aux pesticides. Nous sommes à la veille d'un scandale sanitaire qui devrait éclater assez rapidement, plusieurs signes et plusieurs documents nous permettent de l'affirmer. Les impacts de ces produits ne sont ni correctement évalués en amont ni correctement suivis en aval.
Dans ce contexte, placer des contraintes budgétaires supplémentaires sur l'agence chargée de garantir notre sécurité sanitaire est un très mauvais signal et une erreur stratégique. Nous risquons de mal évaluer, voire de perdre de vue certains risques sanitaires, ce qui va menacer notre capacité de réaction en cas de crise. Je compte bien interroger le gouvernement sur cette question cruciale. Le problème aujourd'hui est également que l'Anses délivre à la fois les AMM et est chargée de l'évaluation des produits. Cela soulève un problème d'éthique lorsque l'on sait que l'évaluation est faite en réalité, faute de moyens, par les grands groupes, sous-traitance qui ouvre la porte à tous les abus.
Autre axe de la prévention des risques : le contrôle de la sûreté nucléaire, mission confiée à l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN. Cette action représente 19 % des crédits du programme 181. Les crédits consacrés au contrôle de la sûreté nucléaire et à la radioprotection s'élèvent à 54,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 59,8 millions en crédits de paiement.
Cette année encore, la prise en compte des enjeux de sûreté nucléaire de demain ne se traduit pas dans le budget. Le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est appelé à augmenter substantiellement dans les années à venir sous l'effet combiné du renforcement de la sûreté du parc français post-Fukushima, de l'arrivée en fin de vie de nombreuses centrales lancées dans les années 1970, ou encore de la mise en fonctionnement retardée du réacteur EPR sur le site de Flamanville.
L'ASN se trouve donc face à un palier dans son action, face à une marche à franchir. Le budget 2016 ne permet pas, à ce stade, de faire face à l'accroissement significatif des missions de l'Autorité. L'année sera marquée par la création de 10 emplois supplémentaires. Pour autant, compte tenu des missions que l'autorité va être amenée à remplir, celle-ci évalue, dans un avis rendu le 23 avril 2015, que ses besoins en personnel s'élèvent à 95 emplois supplémentaires d'ici la fin 2017. Nous sommes très loin du compte.
La question qui se pose est celle de la réforme du financement de la sûreté nucléaire dans notre pays. C'est un sujet que nous avions déjà abordé l'an dernier et je crois qu'il y a besoin d'une modernisation de ce financement pour assurer sa pérennité. Le gouvernement est censé remettre sous peu un rapport sur la question. L'autorité estime, pour sa part, qu'un financement mixte pourrait être mis en place avec le maintien d'un financement budgétaire pour les activités grand public, la radioprotection notamment, et la mise en place d'un système soit de taxe affectée, soit de redevance, versée par les exploitants d'installations nucléaires de base, pour les activités de l'ASN portant sur ces installations. Ce nouveau mode de financement serait bien sûr soumis au droit de regard du Parlement.
J'interrogerai la ministre sur cette option et sur les conclusions du rapport du gouvernement. L'enjeu sous-jacent n'est pas anodin : il s'agit, dans des délais acceptables, afin de ne pas provoquer de pertes de PIB, de répondre aux défis qui se présentent, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sûreté des populations.
Le programme 170 « Météorologie » porte les crédits alloués à Météo-France. Météo-France sera doté de 199 millions d'euros, soit une baisse de près de 2 % par rapport à 2015. Ces crédits étaient déjà en baisse les années précédentes : au total, c'est la quatrième année consécutive de baisse de la dotation de l'État, sachant que cette dotation est systématiquement réduite en exécution par de nouveaux gels.
En plus de la dotation versée par l'État, Météo-France dispose de ressources propres issues des redevances aériennes et des recettes de son activité commerciale. Ces ressources propres ont elles aussi connu une contraction ces dernières années.
Météo-France se trouve face à une contrainte financière extrêmement difficile. L'organisme a fait d'importants efforts de maîtrise de la masse salariale et de rationalisation de sa couverture géographique : il aura fermé 53 de ces 108 centres locaux d'ici à fin 2016. Après la suppression de 85 emplois en 2015, Météo-France devra encore supprimer 78 emplois en 2016. Huit départs à la retraite sur dix ne sont pas remplacés. Le climat social est tendu. Le conseil d'administration doit se réunir le 27 novembre pour voter le budget de l'établissement, dans un contexte de menace de grève et de manifestation des personnels. Météo-France devra à nouveau réaliser un prélèvement de l'ordre de 1,1 million d'euros sur son fonds de roulement pour combler son déficit d'exploitation en 2016. La situation financière et humaine n'est plus soutenable.
Cette situation alarmante est à mettre en regard de l'actualité en matière de météorologie. Avec la COP21, les pouvoirs publics ont une attente forte par rapport aux outils technologiques et à l'expertise de Météo-France. Par ailleurs, dans un contexte où les événements climatiques exceptionnels tendent à se répéter, je pense aux inondations que nous avons connues récemment dans le sud-est en octobre ou en Martinique en novembre, le rôle de prévention et d'alerte de Météo-France est fondamental. Nos réponses aux événements extrêmes dépendent de la qualité de l'alerte qui nous est donnée par cet organisme. À quoi s'attendre demain si l'on prive totalement Météo-France, comme on est en train de le faire, des ressources nécessaires à l'investissement et au maintien de son expertise ? La suppression des centres locaux de Météo-France prive également l'organisme de la proximité de terrain nécessaire en cas de crise pour dialoguer efficacement avec le préfet et les collectivités.
Au regard de ces enjeux, la trajectoire budgétaire récente de Météo-France est préoccupante. Je souscris à la proposition faite par son président : faire une pause, pendant quelques années, sur la réduction des dépenses, le temps pour l'organisme de se restructurer et de dégager de nouvelles pistes de recettes mais aussi d'économies structurelles.
J'en arrive au programme 217, programme support des politiques du ministère de l'écologie. Là encore, l'analyse des crédits est inquiétante. Le budget du ministère de l'écologie est en recul constant depuis quatre ans. Au titre du programme 217, les autorisations d'engagement s'élèveront à 2,405 milliards d'euros et les crédits de paiement à 2,448 milliards, soit une baisse respectivement de 20 % et de 2,6 % par rapport à 2015.
Parallèlement aux baisses de crédits, le ministère de l'écologie et du développement durable participera à nouveau fortement à l'effort de maîtrise des emplois publics. Après une baisse de 515 emplois en 2015, la perte de 671 équivalents temps pleins supplémentaires est prévue pour 2016. Le ministère de l'écologie est celui qui devrait perdre le plus d'emplois après celui de l'économie. Cette baisse d'effectifs devrait toucher principalement les services territoriaux. Au total, le ministère ne remplacera pas les deux tiers des départs à la retraite.
À ce stade, après des années de baisse des crédits et des emplois, il est légitime de s'inquiéter sur la capacité du ministère à maintenir sa compétence et son expertise technique, notamment au niveau local. Nous sommes nombreux à nous plaindre d'un manque d'accompagnement des collectivités ou d'un manque d'expertise sur les questions difficiles que le ministère est censé suivre. Cela ne risque pas de s'améliorer à l'avenir ni avec le budget qui nous est à nouveau présenté cette année.
Ma position n'a pas changé : l'écologie et la prévention des risques constituent une mission régalienne de l'État, en particulier au titre de la sûreté des personnes et des biens. J'ai conscience des choix budgétaires difficiles à opérer en cette période de crise, et au regard des événements récents. Pour autant, je ne peux que regretter que les crédits alloués à la prévention des risques, à la météorologie, et plus largement au ministère de l'écologie soient aussi insuffisants.
Il ressort de ce budget que la transition énergétique ne fait clairement pas partie des priorités du gouvernement pour 2016. L'Ademe est censée être le bras armé du ministère dans ce domaine. Or, sa situation budgétaire est loin d'être rassurante. L'agence ne dispose plus de lignes budgétaires au titre des programmes 190 et 181. Elle reçoit 449 millions d'euros de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, ressource fiscale peu stable qui a baissé de 50 millions d'euros depuis 2013. Au total, les ressources de l'agence ont subi une contraction de 20 % au cours des trois derniers exercices.
L'agence fera, cette année, l'objet d'une nouvelle réduction des dépenses de personnel et de fonctionnement et connaîtra un prélèvement exceptionnel de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement, alors même que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte lui a confié de nouvelles missions. La ministre a annoncé le doublement du fonds chaleur géré par l'Ademe ; l'agence a hérité de nombreuses nouvelles missions en matière de politique des déchets. Au vu de ces éléments budgétaires, la soutenabilité de son action est en cause au-delà de 2017.
Vous l'aurez compris, je ne peux que proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181, 170 et 217. Les coupes opérées dans ces budgets, pour la quatrième année consécutive, remettent en cause, de manière alarmante, la capacité de notre pays à gérer les risques naturels et technologiques et à réaliser la transition énergétique que nous appelons, tous, de nos voeux.