Intervention de Dominique Perben

Réunion du 21 novembre 2005 à 15h00
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi

Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas besoin de rappeler la situation de notre pays au regard du logement puisque Jean-Louis Borloo vient de l'évoquer. Mais, comme vous le savez, l'ensemble du Gouvernement est mobilisé pour lutter contre les différentes composantes de cette crise.

Dans le domaine du droit des sols et de la construction, nous avons lancé de nombreux chantiers pour clarifier l'urbanisme, renforcer les pouvoirs opérationnels des élus et fluidifier les autorisations de construire.

A cet égard, laissez-moi vous rappeler trois chantiers stratégiques qui mettent en perspective ce présent projet de loi.

D'abord, en juillet dernier, en votant la réforme des concessions d'aménagement, vous avez redynamisé l'aménagement opérationnel et vous avez remis le maire au centre des décisions touchant à la « fabrication » de la ville.

Ensuite, au cours de l'été, nous avons relancé les politiques foncières, que ce soit à travers la mise en vente de terrains de l'État ou le soutien aux initiatives locales pour la création d'établissements publics fonciers.

Enfin, je vous rappelle la très importante réforme du permis de construire, à laquelle vous êtes étroitement associés. Avec cette réforme majeure, nous allons redonner plus de confiance à nos concitoyens dans le droit de l'urbanisme. Comme vous, je crois en effet qu'il faut soutenir l'effort collectif de construction : le meilleur moyen d'y parvenir est de garantir les délais, de clarifier le droit et de simplifier les procédures. Ce sont les trois axes de travail que nous privilégions pour cette grande réforme.

Si ces trois chantiers sont importants, il faut également faire face aux besoins immédiats.

Tous les opérateurs nous le disent, la pénurie actuelle de foncier constitue un frein à l'effort de construction. Par le présent projet de loi, le Gouvernement entend remédier à cette situation, en mobilisant le très important patrimoine foncier public et en mettant en place des outils à la disposition des élus pour agir sur le foncier.

Le Premier ministre a fixé le cap et va dégager les surfaces nécessaires, sur les terrains publics, pour construire plus de 20 000 logements. Je ne m'étendrai pas sur ces mesure qui, immédiatement applicables, nécessitent tout de même un certain nombre de dispositions d'accompagnement, la plupart à caractère transitoire, pour éviter que les procédures foncières ou les procédures d'urbanisme ne retardent l'indispensable réalisation de ce programme de logements.

Cela étant, la mobilisation du foncier passe surtout par l'application des règles d'usage du sol, par le respect de l'urbanisme. Pour faire face à la crise du logement et à la pression foncière, les élus, notamment les maires, doivent disposer d'une palette d'outils opérationnels, pour agir au plus près du terrain. C'est le deuxième objectif du Gouvernement, à travers les mesures qu'il vous propose.

La plupart de ces mesures visent à faciliter la tâche des collectivités locales, dont le Gouvernement souhaite qu'elles puissent s'associer pleinement à l'effort engagé. Il est ainsi proposé de reporter de quatre ans la date au-delà de laquelle les plans d'occupation des sols, les POS, ne pourront plus faire l'objet d'une révision d'urgence sans prendre la forme de plans locaux d'urbanisme. Je le sais, cette mesure répond à une demande forte des élus locaux.

Dans le même esprit, il est proposé que les maires puissent, provisoirement, apporter des dérogations ponctuelles à leurs documents d'urbanisme lorsque le POS comprend des règles de densité extrêmement faibles, pour leur permettre ainsi de délivrer des permis de construire sans attendre la future révision du POS. De même, les maires pourront imposer, dans certains secteurs de leur ville, un pourcentage obligatoire de logements sociaux dans tous les programmes de logements neufs.

D'autres mesures permettraient à l'État de prendre, pour un temps très limité, des dispositions immédiates afin de rendre possible la réalisation des logements programmés.

Enfin, je me réjouis que la commission ait proposé la réintroduction des mesures « Pelletier » sur la sécurisation des actes d'urbanisme. Il s'agit d'une préoccupation constante du Gouvernement, afin que les constructeurs, les aménageurs et les maires puissent construire les logements attendus et éviter de passer trop de temps en arguties juridiques.

Je ne peux conclure ce bref propos sans évoquer le nerf de la guerre, c'est-à-dire les aspects financiers.

Le Gouvernement est conscient de la nécessité de prévoir un meilleur accompagnement financier des communes qui accueillent de nouveaux habitants et, vous le savez, le Premier ministre a décidé de consulter l'Association des maires de France pour envisager des dispositions spécifiques réformant la dotation globale de fonctionnement.

Toutefois, sans attendre la conclusion de cette concertation, le Gouvernement proposera des amendements, pour permettre aux communes qui le désirent de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties portant sur des terrains constructibles et pour améliorer le rendement de la taxe locale d'équipement, que la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », avait trop fortement diminuée. Chaque commune pourra ainsi prendre les mesures qui lui paraissent utiles, en fonction de ses besoins en équipements, en prenant aussi en compte, bien sûr, le souci de modération fiscale, à laquelle nous sommes tous attachés.

Sur ce point également, le Gouvernement veut mettre à la disposition des communes des outils complémentaires, qui seront, me semble-t-il, efficaces et, surtout, adaptables à chaque contexte local.

Pour conclure ce bref exposé, il me semble nécessaire de rappeler que l'essentiel, au-delà des mesures urgentes que nous allons tous être amenés à prendre, est de permettre aux élus de se doter eux-mêmes, en concertation avec l'État et tous les partenaires, des outils de gouvernance permettant effectivement de définir des politiques de logement et d'habitat répondant durablement aux besoins de nos concitoyens.

Des programmes locaux de l'habitat ont été approuvés ou sont en cours d'élaboration dans la plupart des plus grandes agglomérations. À mes yeux, cet effort important doit pouvoir se poursuivre dans toutes les grandes et moyennes agglomérations. Ainsi, les collectivités locales pourront décider d'engager des politiques foncières et urbaines prenant en compte les besoins établis à l'échelle de l'agglomération, et seront en mesure de les mener à bien.

Au terme de cette rapide présentation, je voudrais revenir sur les trois maîtres mots qui ont guidé le Gouvernement dans la mise au point de ces dispositifs : urgence, mais aussi pragmatisme et subsidiarité.

Urgence, car la crise est là et il faut que tous les outils nécessaires soient très vite opérationnels.

Pragmatisme, pour élaborer de nouveaux moyens d'action, sans parti pris idéologique ni pensée unique.

Enfin et surtout, subsidiarité, afin que chacun, tant l'État que les communes, assume sa part du travail.

Telle est notre conception de l'action publique. C'est ainsi qu'ensemble nous construirons les logements dont la France a besoin.

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