Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation d'urgence de certaines de nos banlieues, qui révèle un malaise profond, donne un relief tout particulier au débat qui va s'engager sur le texte que nous examinons aujourd'hui.
Les problèmes rencontrés dans les zones urbaines sensibles, mêmes si les causes en sont multiples, sont en effet aussi directement liés à la politique du logement qui guide la construction et le peuplement dans les agglomérations urbaines. Cela démontre avec force, si besoin était, que la préservation de la mixité sociale dans les zones urbaines et la capacité du parc social à répondre de façon satisfaisante à une demande croissante de logements constituent des enjeux décisifs pour garantir la sécurité et l'harmonie des quartiers.
Pour une large part, ces problèmes sont bien les révélateurs de la crise du logement que nous connaissons actuellement et qui se caractérise par l'insuffisance de logements disponibles, notamment dans le parc locatif social et dans les hébergements d'urgence, et par un retard considérable pris dans les projets de construction et de rénovation.
Il en résulte une augmentation des prix de l'immobilier, qui se traduit par un accroissement significatif de la part consacrée au logement dans le budget des ménages. Cette part représente désormais en moyenne plus de 20 % de leurs ressources. Cela conduit à exclure de l'accès au logement un nombre croissant de nos concitoyens et à multiplier les situations de surendettement engendrées par l'insolvabilité des ménages.
Pour toutes ces raisons, il faut accélérer encore la mise en oeuvre des politiques en faveur du logement. C'est pourquoi je me réjouis que ce projet de loi ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat. Il vise à ce que soit relevé un véritable défi : permettre l'accès de tous à un logement décent, grâce à une augmentation importante et soutenue de l'offre de logements dans les années à venir.
Le mouvement a déjà été impulsé par le programme national de rénovation urbaine, dont l'échéance doit être reportée à 2013, et par le volet « logement » du plan de cohésion sociale, qui s'achèvera en 2009, mais il s'agit aujourd'hui d'en accélérer considérablement le rythme, en levant tous les obstacles à la mise en oeuvre de ces projets sur lesquels le Gouvernement s'est engagé fortement.
C'est précisément ce à quoi tend ce projet de loi, qui comporte deux volets : le premier est consacré à la mobilisation des ressources foncières, afin d'accélérer la production de logements ; le second vise à accroître l'offre de logements sociaux ou conventionnés en faveur des ménages disposant de revenus modestes ou intermédiaires. C'est de ce second volet que la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis.
Je ne reviendrai pas sur la présentation des mesures proposées dans le texte. Elles constituent de nouvelles avancées, en permettant d'améliorer encore l'accès au logement des ménages les plus modestes et de développer le parc locatif privé à loyer maîtrisé.
La commission des affaires sociales a cependant considéré que ce projet de loi pourrait être utilement enrichi par des dispositions complémentaires, qui s'ordonnent autour de quatre axes essentiels.
Premier axe : il faut favoriser l'accession sociale à la propriété. Celle-ci demeure trop rare dans notre pays, alors même qu'elle apporte une solution de logement durable aux familles. C'est pourquoi il s'agit de lever les freins qui subsistent, en proposant des mesures plus incitatives.
Le pacte national d'engagement pour le logement comporte trois mesures allant dans ce sens : le nouveau prêt à taux zéro, la relance des prêts sociaux location-accession et l'application, prévue dans le présent texte, d'un taux réduit de TVA de 5, 5 % pour l'achat d'un logement neuf implanté en zone urbaine sensible, ZUS, pour les ménages modestes.
Enfin, le nouveau statut de l'ANAH élargit le champ d'action de cette agence, notamment en direction des ménages à faible revenu. Il devrait permettre de développer de manière non négligeable l'offre de logements privés reconquis sur l'habitat inoccupé ou insalubre. Parmi les nouvelles compétences de l'ANAH, le « conventionnement sans travaux » est un nouveau dispositif qui contribuera à élargir l'offre de logements à loyer maîtrisé. Ces mesures vont à l'évidence dans le bon sens.
Nous nous félicitons également que la concertation instaurée depuis 2001 entre, d'une part, la Fédération nationale des OPHLM, les offices publics d'habitations à loyer modéré, et des OPAC, les offices publics d'aménagement et de construction, et, d'autre part, tous les partenaires concernés, débouche aujourd'hui sur une proposition de réforme, par l'habilitation accordée à l'article 8.
Il faudra aussi s'interroger sur la manière de répondre à l'aspiration légitime de nombreux locataires d'HLM qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement. Le traitement difficile de la situation des copropriétés privées dégradées doit cependant nous appeler à la prudence pour traiter de cette question, s'agissant d'ensembles immobiliers comportant un grand nombre de logements.
Deuxième axe : il faut préserver la mixité sociale dans les villes et les quartiers sensibles.
Il est proposé, dans le projet de loi, une réforme du système d'attribution des logements sociaux, ce qui va permettre de mieux coller à la réalité nouvelle issue des lois de décentralisation. Ainsi l'idée d'améliorer le traitement des demandes prioritaires, notamment pour les personnes qui reprennent un emploi, rejoint-elle les préoccupations du groupe de travail sur les minima sociaux mis en place au sein de la commission des affaires sociales.
La création d'un barème national obligatoire de surloyer lorsque le locataire dispose de revenus supérieurs de 20 % aux plafonds de ressources vise à libérer plus de logements sociaux occupés par des locataires qui disposent de revenus suffisants pour acquitter les loyers du marché ou accéder à la propriété.
Toutefois, la commission des affaires sociales s'est interrogée sur d'éventuels effets pervers que pourrait entraîner cette réforme. Elle craint en effet qu'en évinçant les populations les mieux insérées on ne débouche sur un renforcement des mécanismes de ghettoïsation et que cela ait pour conséquence de faire disparaître la mixité sociale dont nos quartiers ont tant besoin.