Enfin, dans la même logique, je vous proposerai un amendement pour que les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, accordées aux bailleurs sociaux pour la construction de logements très sociaux soient compensées intégralement par l'État, afin que les pertes fiscales qui en résultent ne constituent pas pour les communes une « désincitation » trop forte à accueillir ce type de logements.
La commission des affaires sociales a choisi de limiter cette compensation aux seules exonérations accordées pour la production des logements très sociaux. Une compensation générale serait bien sûr préférable. Tel est, d'ailleurs, le choix de nos collègues de la commission des affaires économiques et de ceux de la commission des lois, que je salue au passage pour l'énorme travail qu'ils ont fait, mais je n'ignore pas le coût qu'elle représenterait pour le budget de l'État. Le rôle de la commission des affaires sociales est bien évidemment d'encourager au maximum les élus locaux à produire du logement très social.
Quatrième axe : il faut renforcer la solvabilité des ménages face aux dépenses croissantes de logement.
L'augmentation exceptionnelle des prix de l'immobilier pèse lourdement sur le budget des ménages, sans que cette charge ait été compensée par une revalorisation suffisante des aides au logement.
Ainsi, l'indice du coût de la construction, qui sert de base au calcul des loyers, a encore progressé de 3, 63 % au deuxième trimestre de 2005, après une hausse de 4, 85 % au premier trimestre. Dans le même temps, les aides au logement n'ont été revalorisées que de 1, 8 % au 1er janvier 2005. Encore faut-il noter que le forfait « charges » de l'APL n'a, quant à lui, pas été revalorisé du tout. Or, depuis le début des années quatre-vingt, la part des charges dans le coût global du loyer a augmenté d'environ 30 %. Il faudra s'en souvenir quand nous aborderons l'examen des amendements tendant à modifier la répartition et le contenu des charges locatives.
La solvabilité des ménages se trouve donc de fait diminuée. On le constate avec la progression significative des aides versées en cas d'impayés par les fonds de solidarité pour le logement, FSL.
La commission des affaires sociales s'est montrée très sensible à cette situation. C'est pourquoi, en complément de la disposition relative aux interdictions de coupures d'eau, de gaz et d'électricité pendant la période hivernale, je vous proposerai, en son nom, cinq amendements pour prévenir les difficultés rencontrées par certaines familles aux revenus précaires et pour renforcer les moyens des FSL.
Le premier amendement a pour objet de réserver le bénéfice de l'interdiction des coupures d'électricité, de gaz et d'eau durant la période hivernale aux personnes ayant de réelles difficultés financières, afin de limiter les effets d'aubaine. Il prévoit également les obligations d'information qui incombent au fournisseur à l'égard de son client et des services sociaux dans le cas d'un retard de paiement, en précisant notamment l'obligation d'une information du président du conseil général et du maire cinq jours ouvrables avant toute coupure définitive, afin d'éviter que certaines familles ne passent au travers des mailles du filet sans avoir pu être accompagnées par la collectivité, qui représente pour elles le dernier niveau de recours.
Le deuxième amendement tend à compléter le dispositif de la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui consiste à donner la priorité aux dettes locatives sur toute autre créance, en particulier sur les crédits à la consommation. Je vous proposerai d'étendre cette priorité de remboursement aux dettes d'eau, d'électricité, de gaz et de chauffage lors des procédures de règlement du surendettement. Cette mesure réduira le besoin de faire appel aux FSL, qui ne seront plus ainsi le recours systématique pour les impayés de loyers ou de factures d'énergie et d'eau.
Les deux amendements suivants visent à améliorer les conditions de versement des aides au logement.
Le premier prévoit la possibilité de verser les allocations sur une base trimestrielle lorsque leur montant mensuel est inférieur au seuil minimal fixé par décret. Cette mesure, qui répond à une recommandation ancienne de notre commission, avait également fait l'objet d'une demande pressante de la part du Médiateur de la République, relayée par notre rapporteur au fond, M. Dominique Braye. Il s'agit d'une mesure d'équité sociale, défendue par tous, depuis longtemps.
Le deuxième amendement est particulièrement important. Il supprime le mois de carence préalable au premier versement de l'allocation logement ou de l'APL, qui a pour effet de déstabiliser le budget des familles les plus fragiles dès l'entrée dans le logement, les obligeant alors à se retourner vers les FSL pour faire face à leurs engagements, ce qui pose un problème aux conseils généraux. En effet, l'allocation étant une prestation de l'État, si ce dernier se désengage, ce sont une fois de plus les collectivités territoriales qui se retrouvent en première ligne. Il est donc juste de rétablir la responsabilité de chacun dans ce domaine.
Le dernier amendement a pour objet de transférer à l'État ou aux EPCI la charge financière des impayés de loyers des logements qu'ils auront attribués sur leurs droits à réservation, malgré le refus d'obtempérer de l'organisme bailleur. Il s'agit de veiller à ce que les FSL ne supportent pas le coût de ces impayés éventuels.
Avant de conclure, je voudrais ajouter que ce texte est aussi l'occasion de dresser un premier bilan des transferts de compétences en matière de logement.
Au cours des différents échanges que j'ai pu avoir avec les acteurs impliqués sur le terrain, il m'est apparu que les programmes locaux d'habitat, les PLH, constituent, aujourd'hui et pour l'avenir, le territoire pertinent pour mettre en oeuvre la politique du logement. Ils permettent, en tenant compte de la réalité des territoires, d'organiser la politique du peuplement et de structurer les projets de construction et de réhabilitation de logements.
C'est le visage de nos villes et de nos agglomérations que nous sommes en train de remodeler. Vous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre : « Dessine-moi une maison, dessine-moi une ville ». La connaissance approfondie du terrain, que nous trouvons dans les PLH, est le gage de la réussite des projets que nous entreprenons aujourd'hui. Celle-ci suppose de privilégier des politiques de proximité, afin de ne pas plaquer une vision uniforme sur la diversité des réalités locales.
Dans cet esprit, il nous revient, en tant qu'élus, d'être attentifs à l'évolution de ces réalités, afin de donner des réponses adaptées aux problèmes que nous rencontrons. Il faudra, par exemple, reconsidérer le zonage des territoires, qui ne correspond plus aux situations locales. C'est notamment le cas de nombreuses zones périurbaines, qui demeurent classées en zone 3, au même titre que des territoires ruraux en voie de dépeuplement, alors qu'elles se caractérisent au contraire par une densité de population en constante augmentation et par des prix du foncier de plus en plus élevés, ce qui rend impossible dans ces zones l'accès au logement pour les personnes âgées ou les jeunes ménages modestes.
Voilà donc, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les réflexions et les propositions de notre commission sur ce texte, dont nous saluons le caractère ambitieux. Son succès nécessite toutefois la vigilance et la mobilisation pleine et entière de tous, qu'il s'agisse des acteurs du logement, l'ANAH et l'ANRU notamment, à qui s'imposent de véritables contrats d'objectifs annuels, des associations d'insertion, mobilisées pour assurer l'hébergement d'urgence et trouver des solutions durables aux problèmes de logement des ménages les plus en difficulté, mais aussi, et peut-être surtout, des élus, qui doivent tous s'associer, sans exclusive ni arrière-pensée, pour répondre à ce défi majeur.
Ce matin, à l'Assemblée nationale, se déroulait la discussion générale sur le budget « ville et logement ». Elle emprunte un chemin qui va totalement dans le sens de ce que je viens d'évoquer et cela me conforte dans l'idée que, dans le cadre de l'article 55 de la loi SRU et sans en changer le périmètre, il faudra renforcer toutes les mesures qui vont dans le sens de son application accrue.
Dans le cadre de ce débat, nous ne devrons pas oublier qu'afin de réaliser des projets de rénovation urbaine ambitieux il est nécessaire d'accorder des moyens humains à la hauteur, pour que nous ne soyons pas obligés de recommencer ce travail titanesque dans dix ans, faute d'avoir suffisamment aidé les populations concernées. Je vous fais confiance pour parvenir à ce résultat, monsieur le ministre, car je sais que vous connaissez bien ces réalités.
La synthèse des orientations qui seront données dans le projet de budget pour accompagner ces populations au niveau tant de l'éducation et de la prévention que de l'emploi, conjuguée à ces politiques de logement et de foncier renforcées nous permettra d'atteindre les objectifs que nous nous sommes tous fixés.