Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, d'après une récente étude, le logement constitue la sixième préoccupation des Français, ce qui explique en partie que nous soyons appelés une troisième fois, en l'espace de trois ans, à examiner un projet de loi pour apporter de nouvelles solutions à ce qui constitue aujourd'hui un véritable fléau de notre société moderne, à savoir une crise majeure du logement.
Cette crise se manifeste autant par une carence d'offres locatives, de construction de logements sociaux, que par la flambée des prix, la pénurie et la cherté du foncier. Par exemple, selon les chiffres cités dans le rapport de notre collègue, Thierry Repentin, du groupe de travail Foncier et habitat, présidé M. le rapporteur, le prix du terrain à bâtir a augmenté de 40 %, pourcentage considérable, entre 1999 et 2004, en cinq ans, donc.
À cette occasion, je tiens à saluer, monsieur le ministre, votre volonté politique d'encourager un retournement de situation. Plus que jamais le besoin d'une offre plus importante de logements est pressant. Plus que jamais la question du droit au logement se pose en des termes cruciaux.
Les chiffres de la construction de logements sont, à ce titre, éloquents. Ainsi, en 1980, 400 000 logements étaient mis en chantier ; en 2001, le chiffre a chuté à 303 000. En 2004, la construction reprend, mais reste insuffisante pour répondre aux besoins. S'agissant des logements sociaux, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, alors que le nombre total de logements locatifs sociaux financés s'élevait à près de 80 000 en 1994, ce chiffre se situait à 38 000 en 2000. Le Gouvernement a entrepris de rattraper ce retard, mais ce ralentissement du rythme de production a indéniablement créé un déséquilibre entre l'offre et la demande.
Depuis quelques années, vous avez amorcé, monsieur le ministre, un mouvement inverse, salutaire, que nous devons poursuivre, soutenir sans relâche, tant les efforts à produire sont encore nombreux.
C'est pourquoi je suis convaincue qu'au-delà des mesures prises chaque année au coup par coup créant de nouvelles subventions, de nouveaux avantages fiscaux - aux effets plus qu'incertains sur le logement social - il faut réfléchir de manière plus générale, plus approfondie, pour permettre d'offrir à chacun un parcours résidentiel dans la dignité.
Le logement est indiscutablement un élément majeur de cohésion sociale, on l'a dit et on le répétera. Avoir un toit, c'est bien sûr avoir une adresse, c'est l'assurance d'avoir une existence sociale, c'est le cadre de vie et d'expression d'une famille. Avoir un logement, c'est assurer aux enfants un cadre de vie sain où ils peuvent s'émanciper, s'épanouir dans les meilleures conditions.
Et ce constat est d'autant plus important que les évolutions récentes des caractéristiques de notre société, à savoir le vieillissement de la population, l'augmentation des familles monoparentales, des divorces et des gardes partagées, renforcent la vulnérabilité de nos sociétés dont la pénurie de logement n'est que l'expression et l'offre, une solution.
C'est donc dans le cadre du pacte national pour le logement que vous nous proposez d'examiner diverses mesures d'«engagement national pour le logement ».
Vos objectifs sont de trois ordres : libérer le foncier, développer l'offre de logement ainsi que l'accès au logement, et améliorer les conditions de logement de nos concitoyens.
Bien entendu, nous soutenons ces objectifs et l'ensemble des mesures qui en découlent.
Je voudrais notamment saluer les dispositions qui favorisent l'accession à la propriété. Au surplus, nous avons pris acte de vos récentes annonces concernant votre volonté de développer des rencontres avec les représentants du secteur HLM afin de les encourager à vendre davantage leur parc immobilier.
L'accession à la propriété constitue l'aboutissement d'un parcours résidentiel réussi. La France est - faut-il le regretter ? - l'un des pays où le taux de propriétaires est le plus faible. On n'y dénombre en effet que 56 % de propriétaires, soit un niveau beaucoup plus faible que dans d'autres pays de l'Union européenne : la Grèce, par exemple, compte 74 % de propriétaires, l'Espagne, 83%, et l'Irlande, 78%. Le différentiel est donc important.
Toutefois, si nous souscrivons aux mesures proposées dans ces onze articles que je ne détaillerai pas, il me semble légitime de s'interroger sur leur impact réel. Ces mesures, très certainement nécessaires, témoignent d'une dynamique politique, qu'il faut saluer, de faire bouger les choses. Elles sont cependant la source d'un certain nombre d'inquiétudes exprimées par mes collègues du groupe UC-UDF, dont je souhaite me faire l'écho.
Ainsi, les premiers articles pour libérer le foncier ne concernent que le parc immobilier de l'État, champ d'action relativement restreint pour véritablement parler de solution à la pénurie du foncier. Je ne conteste pas cette proposition sur le fond, car elle répond à un besoin essentiel de libérer le parc immobilier de l'État, mais, face aux enjeux, son impact me paraît bien faible.
Par ailleurs, quelques collègues m'ont exprimé certaines inquiétudes en ce qui concerne l'article sur le surloyer et celui sur les nouvelles procédures d'attribution des logements aux plus défavorisées. Leurs interrogations portent surtout sur les conséquences de ces mesures sur la mixité sociale des quartiers. Après avoir créé des quartiers ghettos, ne sommes-nous pas en train de créer des HLM ghettos ? §
Bien entendu, il est nécessaire de stimuler la mobilité dans les logements sociaux, de rompre avec les abus inacceptables qui empêchent de répondre à toutes les demandes et sollicitations les plus légitimes, de faire sortir du parc social les personnes qui, ne l'oublions pas, disposent de revenus leur permettant de supporter largement les prix du marché privé.
Mais, comme je le disais, nous avons des craintes pour le maintien de la mixité sociale, car on écartera du parc social les personnes dites de classe moyenne, on empêchera un brassage nécessaire des populations. Or ce brassage est important dans la mesure où il contribue à faire évoluer les mentalités au sein de notre société.
Notre collègue Dominique Braye a évoqué tout à l'heure les maires qui ne respectent pas l'obligation de 20 % de logements locatifs sociaux sur le territoire de leur commune. Si ces maires sont, de ce fait, montrés du doigt, il faut aussi comprendre certaines difficultés qu'ils rencontrent pour faire évoluer les mentalités et faire accepter l'idée que la construction de logements sociaux n'est pas automatiquement synonyme d'insécurité, loin s'en faut ; il faut le répéter, je crois que c'est indispensable.
Parallèlement, les vifs commentaires en réaction à cette annonce témoignent d'un autre malaise, celui de la paupérisation des classes moyennes. Il s'agit d'un constat bien réel dont il faut prendre la mesure, car au-delà du danger pour la mixité sociale, les modifications proposées peuvent placer un grand nombre de familles dans des situations particulièrement délicates et avoir un impact très négatif sur leur pouvoir d'achat.
S'agissant de la réforme par ordonnance du statut des offices d'HLM, je me permets, monsieur le ministre, de rappeler que j'avais adressé à ce sujet à votre prédécesseur un courrier le 21 octobre 2002, resté à ce jour sans réponse. Cela fait un peu plus de trois ans, c'est dire que les craintes exprimées par de nombreux permanents des OPHLM et des OPAC, dont je m'étais fait l'écho, étaient justifiées puisque, à l'article 8 du projet de loi, il est prévu d'habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance le statut de ces offices et leurs agents en leur substituant un «office public de l'habitat ».
Or il me semble impératif que le statut de droit public des personnes soit maintenu dans la fonction publique territoriale, pour et par un véritable service public de qualité et non pour développer une « fonction marchande » par un service commercial et de rentabilité du logement social. Selon moi, il n'est par concevable, et encore moins réaliste, d'instaurer une structure à deux statuts incompatibles, celui du droit public et celui du droit privé !