Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 21 novembre 2005 à 15h00
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

À propos de ce rattrapage du retard par ces communes qui étaient riches avant le changement de majorité de la municipalité, je souhaiterais m'adresser à Mme le rapporteur pour avis, qui nous a exhortés à rattraper sur nos territoires respectifs ce retard en faisant du logement locatif pour tous. S'agissant des deux communes susmentionnées, la part de PLS, c'est-à-dire les logements sociaux qui ne sont accessibles qu'à partir du moment où vous avez un revenu au moins équivalant à deux SMIC par mois, ne dépasse pas 30 % de la production, ce qui veut dire qu'il est possible de faire, et de faire du logement socialement accessible.

Pour sa part, le groupe socialiste du Sénat a dressé son propre constat de carence à l'égard d'une politique nationale en matière de logements socialement accessibles qui n'est pas toujours au rendez-vous : abandon de la revalorisation des aides aux logements qui concerne plus de 6 millions de ménages ; choix d'une politique fiscale s'orientant vers le soutien à la production de logements locatifs situés au-delà des prix de marché ; manque de volontarisme pour affirmer l'absolue nécessité de construire plus de logements sociaux, qui sont avant tout les logements dont les loyers sont les plus bas, c'est-à-dire ceux qui à la production coûtent le plus cher à l'État lors de leur financement, je pense tout particulièrement aux PLAI et aux PLUS.

Ce constat de carence ne va, bien sûr, pas sans ses corollaires que personne ne peut contester et auxquels plusieurs orateurs ont fait référence : paupérisation des ménages à l'égard du paiement de leur loyer faute d'une revalorisation au rendez-vous ; poids sans cesse croissant des aides fiscales pour les investissements locatifs libres au sein du budget de l'État, en augmentation de 9, 3 % pour 2006 dans ce domaine très précis ; envolées record des coûts de la construction et des prix du foncier qui pénalisent en premier lieu les acteurs du logement social et entraînent in fine une liste d'attente de 1 300 000 familles qui viennent frapper à la porte des organismes de logement.

Le paradoxe de l'année 2004 est à lui seul éclairant. En effet, la construction de 400 000 logements, un record depuis plusieurs années - sans doute depuis plus de vingt ans, personne ne le conteste - s'est accompagnée, dans le même temps, d'un effondrement de la part des logements locatifs sociaux, soit seulement 160 000 logements accessibles sous conditions de ressources, issus de la construction ou de la rénovation - car, à côté des logements neufs, il y a des logements remis sur le marché -, contre un peu plus de 210 000 trois ans auparavant, ce qui était déjà insuffisant.

Or, face à ce tarissement de l'offre socialement accessible, il n'existe plus de parcours résidentiel, plus de rotation dans le parc social, qu'il relève d'ailleurs du secteur public ou du secteur privé. En effet, ce dernier, comme le secteur public, peut aussi jouer un rôle pour l'accueil des ménages les plus modestes.

C'est dans ce contexte de pénurie, de précarisation et de contestation - pourquoi le cacher ? - des choix budgétaires que le groupe socialiste a pris la décision de déposer ses propres propositions - cent amendements -, que nous soumettrons d'ailleurs à la représentation nationale à travers une proposition de loi dont nous avons décliné les éléments à l'occasion de l'étude de l'engagement national pour le logement.

Nous avons attendu avec intérêt l'inscription en conseil des ministres du projet de loi annoncé par votre prédécesseur puis par vous-même, monsieur le ministre, intitulé « Habitat pour tous ».

Les milieux professionnels consultés alors nous laissaient espérer une palette de propositions variées dans des domaines d'interventions touchant à toute la chaîne de production du logement. Ce projet de loi serait constitué de soixante à soixante-dix articles, nous disait-on, parallèlement aux trente-huit articles que comportait notre proposition de loi.

C'est donc peu dire notre frustration et celle des acteurs du monde du logement à l'annonce du « contenu » de l'engagement national pour le logement : pas un mot à destination des habitants eux-mêmes, pas un sourcil froncé à l'égard des élus qui pratiquent de fait la discrimination territoriale, pas une incitation pour créer de nouveaux outils favorisant l'émergence d'un parc social plus important.

Par quels mystères - ou, devrais-je dire, par quels arbitrages - s'expliquerait un rétrécissement aussi sévère de près de soixante-dix articles à onze ?

En nous présentant un texte quelque peu squelettique, le Gouvernement adopte-t-il une stratégie pour que nous modelions ensemble un corps moins chétif qu'il ne l'aurait été s'il l'avait laissé bâtir par le travail interministériel, toujours plus tourné vers l'exigence budgétaire que vers la réponse à la demande sociétale, celle de nos concitoyens ?

Cherchez-vous des soutiens au Parlement qui vous feraient défaut ailleurs, monsieur le ministre ?

C'est cette perspective qui nous semble la seule réponse décente à opposer à l'analyse des onze articles proposés à la discussion parlementaire et qui constituent, pour le moment, une peinture en trompe-l'oeil entre les bribes d'un exposé des motifs suggérant que des dispositions conforteront une politique volontariste pour le logement social et des articles qui, s'ils étaient adoptés en l'état, seraient non seulement inopérants à l'égard de cet objectif mais, au contraire, le contrecarreraient.

C'est dans cette optique consistant à rechercher les moyens de construire plus pour répondre à l'aspiration légitime de nos concitoyens de pouvoir se loger selon leurs besoins et leurs moyens, et de disposer d'un logement choisi plutôt que subi, que notre groupe défendra une centaine d'amendements, dont aucun, je dis bien « aucun », ne relève d'une logique d'obstruction. Ils sont tous mus, en effet, par une volonté d'équité et d'ambition sociale dans un domaine où les responsabilités du succès et de l'échec sont à rechercher en direction non pas exclusivement de l'État mais également de certains élus des collectivités territoriales.

L'un de ces derniers, la semaine passée, répondant à un journaliste qui l'interrogeait sur le bien-fondé de son idée de créer une association des maires opposés à l'idée d'admettre sur leur commune des logements sociaux, se justifiait en ces termes : « On ne construit pas en claquant des doigts ».

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