Intervention de Jean-Pierre Caffet

Réunion du 21 novembre 2005 à 15h00
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre CaffetJean-Pierre Caffet :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui affiche un objectif ambitieux puisqu'il « porte engagement national pour le logement », et ce pour répondre, selon les termes de l'exposé des motifs, à la « gravité de la crise actuelle du logement ».

Cette crise, et beaucoup d'orateurs sont intervenus en ce sens, nous en mesurons chaque jour un peu plus l'ampleur et les conséquences dramatiques.

Cependant, messieurs les ministres, nous nous interrogeons sérieusement sur la pertinence et l'efficacité des remèdes que vous nous proposez pour y faire face, à travers les quelques articles - 11 au total - de ce projet de loi. Nous doutons en effet de la réalité de cet engagement. Je voudrais illustrer ce scepticisme en évoquant deux des mesures que vous nous proposez : la mixité sociale et la libération du foncier de l'État.

J'évoquerai tout d'abord la mixité sociale. Pour nous, et je veux l'affirmer fortement, la crise du logement résulte d'abord de l'insuffisance des logements locatifs sociaux - j'insiste sur ces termes - et d'une mauvaise répartition de l'offre existante sur le territoire. Pour que la mixité sociale ne reste pas une incantation, il faut mettre en chantier du logement social dans toutes les communes, dans tous les quartiers et - pourquoi pas ? - dans tous les immeubles, en tout cas dans beaucoup d'immeubles que nous, élus locaux, construisons, ou à la construction desquels nous participons.

C'est le choix qu'ont fait certaines communes en décidant d'imposer un pourcentage de logements sociaux dans les programmes de constructions nouvelles d'une certaine importance.

Ainsi, la Ville de Paris a inscrit dans son plan local d'urbanisme, qui a été arrêté au début de l'année, l'obligation pour toute construction d'une surface d'habitation de plus de mille mètres carrés de comporter au moins 25 % de « logements locatifs sociaux », et j'insiste une fois de plus à cet égard. Cette règle s'applique dans tous les quartiers où le pourcentage actuel de ces logements est inférieur à 20 %.

L'article 2 du projet de loi prévoit de conforter ce dispositif en précisant les conditions dans lesquelles il peut être inscrit dans les plans locaux d'urbanisme. Nous aurions pu nous en féliciter, messieurs les ministres, si deux mesures de cet article ne venaient pas singulièrement restreindre la portée du dispositif.

Tout d'abord, la rédaction présentée ne vise pas explicitement la réalisation de logements locatifs sociaux. A contrario, et j'y insiste, elle permettrait même d'imposer de ne réaliser que du logement locatif non social. Or il nous semble important d'affirmer, au nom de la mixité sociale, que l'obligation doit effectivement porter sur du logement social. Car c'est bien de cela que nous avons besoin dans les constructions des promoteurs pour donner un sens à la mixité.

Ensuite, vous proposez que l'instauration de cette règle dans les plans locaux d'urbanisme soit assortie d'un droit de délaissement, qui permet au propriétaire de mettre en demeure la commune d'acquérir son terrain, sauf à ce que celle-ci renonce à l'objectif de mixité édicté par le PLU. Je reconnais que, sur ce terrain-là, grâce aux efforts, en partie du groupe socialiste, nous avons pu avancer, au moins partiellement.

En tout état de cause, l'instauration d'un droit de délaissement ne se justifie pas dans ce cas. La mesure proposée ne présente pas, en effet, pour les propriétaires une contrainte plus forte que celle qui résulte des servitudes qu'un PLU peut imposer en application de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, qu'il s'agisse notamment du zonage, des coefficients d'occupation des sols et de la protection du paysage ou des immeubles.

En revanche, le droit de délaissement serait à n'en pas douter un obstacle très sérieux à la mise en oeuvre de la mixité sociale que nous voulons promouvoir. Car les collectivités qui n'auraient pas les moyens d'acheter les terrains verraient la règle édictée par leur PLU devenir sans effet.

Nous proposerons donc un amendement de suppression de ce droit de délaissement, que rien ne justifie et qui viendrait inopportunément casser la démarche dans laquelle se sont engagées plusieurs communes.

J'en viens à la libération des terrains publics pour la réalisation de logements sociaux, sujet abordé par le projet de loi et sur lequel L'État doit donner l'exemple.

Pour construire des logements, il faut du foncier et, dans beaucoup de collectivités où sévit la crise du logement, les dernières grandes emprises foncières disponibles appartiennent au premier propriétaire de France : l'État.

À cet égard, le projet de loi se veut ambitieux, puisque l'article 1er proclame que la réalisation de logements sur des terrains appartenant à l'État ou à ses établissements publics présente un caractère d'intérêt national lorsqu'elle contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le titre II de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Pour ceux qui l'auraient oublié, je rappelle que ce titre II traite de la programmation des crédits relatifs au logement social.

Nous espérions donc que la suite de la loi allait donner du corps à cette proclamation. Mais, là aussi, notre déception est vive quand nous examinons l'article 4 : il ne prévoit rien de moins que la suppression du droit de préemption urbain sur les terrains publics.

On nous dit qu'il faut aller vite et que le fait que les collectivités disposent d'un droit de priorité puis d'un droit de préemption rend les ventes plus longues et plus complexes. On sous- entend ainsi que, si les résultats en matière de libération de ces terrains sont médiocres, c'est parce que les élus locaux font traîner les choses en abusant des procédures. Or il n'en est rien !

Messieurs les ministres, vous aurez du mal à convaincre mes nombreux collègues qui ont essayé d'acquérir du foncier de l'État que ce sont eux qui sont responsables des blocages ! L'incapacité de l'administration à faire avancer ce dossier est légendaire : il suffit de se reporter aux différents rapports qui ont, au fil des ans, recensé les terrains disponibles en Île-de-France pour voir que la liste est la même depuis vingt ans.

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