Intervention de Philippe Leroy

Réunion du 21 novembre 2005 à 15h00
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe LeroyPhilippe Leroy :

C'est pourquoi ce projet de loi me paraît raisonnable, messieurs les ministres. Il a pour objet non pas d'embrasser l'ensemble des problèmes du logement, mais de franchir une étape. Il vient après de nombreuses lois qui ont déjà traité de la question du logement et avant de nombreuses autres lois qui aborderont à nouveau cette question. La législation doit en effet s'adapter en permanence à la complexité de situations mouvantes.

Il faut beaucoup d'humilité lorsqu'on aborde ce type de problèmes, car en général on se trompe : on ne peut progresser que par itérations successives.

Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, je souhaiterais que votre projet de déclaration commune pour la mise en oeuvre d'un engagement national, que vous avez proposé à la signature des grandes collectivités locales de notre pays, puisse aboutir. En effet, la signature des collectivités locales, notamment des départements, celle des grands bailleurs sociaux, la vôtre et, je l'espère, celle du ministre de l'équipement - qui est partie prenante dans cette affaire- permettraient de tenir compte, à terme, de la nécessité d'adapter nos lois aux situations locales.

Je rejoins tout à fait les propos qui ont été tenus voilà quelques instants par un maire de la Seine-Saint-Denis : ils étaient frappés au coin du bon sens. Mais je n'ai pas besoin de ces remarques pour régler le problème dans les cités de la Moselle, car, en général, nous sommes bien au-delà des 20 % de logements sociaux.

Chaque département a ses spécificités et c'est pourquoi je souhaiterais que cette déclaration commune puisse être signée. Battez-vous, monsieur le ministre ! J'ai l'impression que vous avez oublié cette déclaration commune. §Or c'est très important.

S'agissant des surloyers, dans certains endroits, ils sont indispensables afin d'éviter les rentes de situation. En revanche, dans d'autres endroits, il est préférable de ne pas les mettre en place pour des ménages modestes qui, « à la force du poignet », ont réussi à obtenir des revenus légèrement supérieurs aux plafonds fixés et qui ne souhaitent pas déménager. En effet, si, tout à coup, un surloyer est appliqué, on va leur donner envie de déménager. C'est une façon de nuire à la mixité sociale ! §Il est très dangereux d'appliquer les mêmes règles partout, sans distinction aucune ! Il faut être très prudent !

De même, s'agissant des zonages 1, 2 ou 3, il est probable que, dans certains départements, on pourrait supprimer le zonage. Par exemple, dans mon département, il est aussi coûteux de construire dans les zones rurales périurbaines que dans les bassins miniers. Le zonage y est donc plus nuisible à la mixité qu'ailleurs. Comme vous le voyez, c'est très compliqué.

Cela étant dit, je ferme cette parenthèse sur la nécessité de respecter la diversité.

Messieurs les ministres, ce projet de loi, largement amendé par les commissions, constitue un bon levier pour accompagner l'énorme effort du Gouvernement pour relancer la construction sociale. C'est un bon outil et il faut donc le voter, non pas les yeux fermés, mais en le modifiant. Nous allons essayer de procéder à cette reconstruction sociale le mieux possible. Ce ne sera pas parfait, mais cela représentera déjà une étape importante.

En ce qui concerne la mixité, le débat d'aujourd'hui se situe dans un climat un peu délétère. S'il avait eu lieu avant que surviennent les incidents dans nos banlieues, il n'aurait pas pris la même tournure : il est très fortement orienté vers la mixité.

La mixité, c'est le souhait de tout le monde ! C'est ce que nous avons « loupé » - nous ne pouvions probablement pas faire autrement - voilà cinquante ans, lors de l'exode rural : nous avons oublié les quartiers populaires. Je suis né dans un quartier populaire où les races et les professions étaient mélangées et cela fonctionnait bien. Or ce quartier a été rasé et remplacé par de grands ensembles.

Nous avons tous la nostalgie de la mixité, et nous cherchons à la récréer là où elle a disparu. Mais nous n'y parviendrons pas d'un coup de baguette magique. Il faudra le faire progressivement, et sans angélisme.

Si la mixité suscite des craintes et des préventions, c'est parce qu'elle n'est pas seulement fondée sur ces bons sentiments que nous partageons tous : elle se heurte à des réalités économiques, mais aussi sociologiques et psychologiques. Favoriser la mixité au moment de la reconstruction d'un quartier difficile implique un accompagnement social, un respect des valeurs républicaines que nous oublions quelquefois.

La mixité n'est donc pas une bataille facile : pour la remporter, il est nécessaire de franchir les obstacles de différentes natures qui s'opposent quelquefois à la construction de logements sociaux.

Monsieur le ministre, pour conclure, je formulerai une proposition.

Vous souscrivez à juste titre à l'idée communément admise aujourd'hui selon laquelle la réflexion sur le logement doit avoir lieu désormais au niveau des bassins de vie. Les PLH, les programmes locaux de l'habitat, sont indispensables - chacun en est convaincu -, car ils permettront à tous les acteurs d'un territoire d'imaginer leur idéal en termes d'aménagement urbain. J'estime cependant qu'il manque un outil de cohérence sur ce territoire, et un outil à l'échelon départemental.

Je prendrai l'exemple de mon département, qui compte quatre bassins de 250 000 habitants environ. Je vais devoir imaginer de mettre en cohérence les politiques de l'habitat sur ces quatre bassins avec le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, puisque c'est par là que passera la mixité.

Nous pourrions donc recourir à une conférence départementale de l'habitat. Au gré des lois sur la décentralisation, des organes départementaux ont été supprimés. Il en a été ainsi du fameux programme départemental de l'habitat, le PDH, et du comité départemental de l'habitat, le CDH. On y a substitué le comité régional de l'habitat, le CRH. L'échelon régional est, certes, intéressant, mais il est inadéquat pour aborder les problèmes de proximité.

Monsieur le ministre, il me semble important, dans le cadre de ce projet de loi, de recréer une conférence départementale parce qu'il s'agit d'un outil pertinent, d'un lieu de rencontre pratique. C'est d'ailleurs le sens d'un amendement que j'ai déposé avec un certain nombre de mes collègues.

Il ne s'agit pas de surveiller ce que font nos collègues dans les grandes intercommunalités ni d'imposer la lourde tutelle du département sur les maires qui se lancent dans leur PLH. Il s'agit simplement de disposer d'un lieu de rencontre à l'échelon du département où l'on pourra mettre en oeuvre ensemble la totalité des politiques de l'habitat et des politiques sociales, dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

Je vous propose donc de mettre en place cet outil de cohérence départementale de façon que les efforts décidés par le Gouvernement, et confirmés par nos rapporteurs, trouvent un relais dans une plus grande implication du département, gage d'une meilleure adaptation des politiques nationales à la réalité des territoires.

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