Messieurs les ministres, nous examinons aujourd'hui un projet de loi dont la philosophie est, hélas, claire : face à l'urgence sociale, il vous paraît urgent d'attendre !
Alors que nos banlieues viennent de s'enflammer - et l'une des causes de cet embrasement est précisément le logement -, vous invoquez les contraintes du calendrier parlementaire pour amputer des trois quarts ce grand projet de loi sur le logement.
Alors que notre pays connaît un déficit record de logements sociaux, ce texte se réduit à onze articles et zéro euro d'engagements financiers de l'État.
Vous le savez autant que nous, messieurs les ministres, ce projet de loi ne répondra pas aux problèmes du logement, car l'insuffisance des propositions qu'il contient est criante au regard de l'urgence de la situation.
Cette situation, nous la connaissons tous. L'absence totale de mixité sociale dans les zones urbaines sensibles conduit à une concentration de toutes les difficultés : chômage, insécurité, discriminations, déscolarisation, pauvreté. La mixité sociale est tout aussi absente de certaines communes proches de Paris où le logement social ne représente que 10 % dans le meilleur des cas, voire même 2 % du total.
Dans les grandes agglomérations, le marché du logement est saturé. Mon collègue Jean Desessard le rappelait : à Paris, pour prendre cet exemple, ce sont plus de 100 000 familles qui sont à la recherche désespérée d'un logement social.
Pour ceux qui restent hors du parc social, la part du budget qu'ils consacrent au loyer ne cesse d'augmenter, réduisant d'autant leur pouvoir d'achat. Après le chômage, le logement est la principale préoccupation des Français.
Face à cela, messieurs les ministres, les réponses du Gouvernement sont bien légères. Certes, vous vous êtes donné dans le plan de cohésion sociale un objectif de 500 000 logements sociaux. Mais on sait déjà, et vous les premiers, messieurs les ministres, que les crédits programmés sont loin d'être tous destinés à être engagés un jour.
Surtout, vos déclarations cachent mal vos intentions. La construction de logements sociaux est élevée au rang d'« engagement national » et partout affichée comme une priorité ; en réalité, c'est le désengagement de l'État que vous organisez. Peut-on affirmer faire du logement social une priorité nationale lorsqu'on laisse 140 villes enfreindre en toute impunité leur obligation de construire 20 % de logements sociaux ?
Vous souhaitez donner la priorité au logement social et, dans le même temps, vous maintenez des mécanismes d'incitation qui laissent tout loisir aux élus locaux les moins généreux de réaliser uniquement des logements intermédiaires, certes classés dans le secteur social, mais qui bénéficient aux demandeurs les plus favorisés.
Comment défendre l'idée que le logement social est une priorité lorsque l'on maintient l'amortissement Robien, dont tout le monde reconnaît que les contreparties sociales sont bien minces et qu'il ne répond pas aux attentes de nos concitoyens les plus démunis ?
Messieurs les ministres, ce projet de loi n'impose aucune dépense supplémentaire à l'État. Le Gouvernement a annoncé qu'il céderait les terrains de l'État avec une décote de 25 %, ce qui correspond à la hausse du prix des terrains en un an... C'est donc l'objectif de valorisation du patrimoine de l'État qui est mis en oeuvre, non une véritable réponse qui permettrait à bon nombre de communes de supporter le coût de la réalisation des logements sociaux.
Ce désengagement est d'ailleurs confirmé par le retrait de l'État du financement des fonds de solidarité pour le logement. C'est probablement cette austérité qui bloque également toute revalorisation des aides personnelles au logement et qui a motivé que le seuil de non-versement soit porté de 13 euros à 24 euros.
On le voit bien, votre politique du logement n'est pas aussi sociale que vous le prétendez et n'est en aucun cas à la hauteur de la réponse attendue par l'immense majorité des Françaises et des Français.
Pour autant, des solutions existent, messieurs les ministres : nous en avons formulé 38 à travers l'excellente proposition de loi déposée au nom du groupe socialiste par notre collègue Thierry Repentin.
Ces propositions, qui forment un plan d'ensemble cohérent, apportent des réponses concrètes.
Face aux municipalités récalcitrantes, qui refusent de s'engager à atteindre leur objectif de 20 % de logements sociaux, nous proposons de multiplier par cinq le montant des sanctions applicables.