Faut-il le rappeler, alors que près de 80 000 logements sociaux étaient financés en 1994, ils n'étaient plus que 38 000 en 2000 !
Aujourd'hui, bon nombre de nos concitoyens ont du mal à trouver un logement qui corresponde à leurs besoins, et la situation est difficile pour les ménages à revenus modestes ou moyens.
La crise du logement est d'autant plus forte que l'augmentation des prix à la location est en moyenne de 4, 7 % depuis le début de l'année et que, à l'achat, la hausse des prix de l'ancien a été de 15, 5 % en 2004, Paris étant désormais la troisième ville la plus chère d'Europe, après Londres et Rome.
Dès lors, le projet de loi qui nous est soumis s'inscrit dans le cadre d'une politique globale du logement particulièrement ambitieuse.
Les dispositions de ce texte ayant été fort bien analysées par les rapporteurs, je centrerai mon propos sur l'impérieuse nécessité d'élaborer une politique du logement équilibrée entre parc social et parc privé. L'un ne peut pas aller sans l'autre, et encore moins contre l'autre.
En effet, l'excellent rapport du groupe de travail constitué par la commission des affaires économiques sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement insiste à très juste titre sur l'importance de la mixité sociale. J'observe d'ailleurs que, à l'exception des modalités permettant d'atteindre l'objectif des 20 % posé à l'article 55 de la loi SRU, les conclusions de ces travaux font l'objet d'un large consensus.
La mixité sociale, oui : à l'intérieur des villes, dans les quartiers, et dans les immeubles. Cela implique de construire des logements sociaux là où il y en a le moins, et d'en construire beaucoup plus qu'actuellement tant les besoins sont considérables.
Nous avons voté en 2005, avec un certain enthousiasme sur nos travées, la loi de programmation pour la cohésion sociale qui nous a fixé pour objectifs de produire 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans, de conventionner 200 000 habitations à loyer maîtrisé et de remettre sur le marché 100 000 logements vacants.
Mais nous savons aussi que, pour atteindre ces objectifs, il faut non seulement maintenir la pression, mais même l'accroître. C'est la raison pour laquelle il me paraît vraiment nécessaire d'amplifier les efforts engagés en permettant de libérer le plus de foncier possible, car c'est là aujourd'hui l'obstacle majeur à la réalisation de programmes de construction, notamment de logements sociaux.
Il est en effet primordial de fluidifier le marché foncier en se dotant des moyens de lutter contre la rétention foncière, c'est-à-dire contre la spéculation, et d'augmenter l'offre de terrains à bâtir à prix modérés. Dans cette logique, il est essentiel de définir pour les terrains publics une politique patrimoniale active en faveur du logement.
Le recensement des terrains du ministère de l'équipement et de ses établissements publics, entrepris par la Délégation à l'action foncière, mérite d'être salué. Ainsi 9 millions de mètres carrés se sont-ils révélés mobilisables en Île-de-France dans les dix ans à venir, ce qui pourrait permettre de réaliser environ 40 000 logements.
Toutefois, la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale nécessite que l'effort soit amplifié. Pour cela, il faut effectuer le même travail dans les autres régions et l'étendre à tous les ministères concernés. Les récents travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, qui ont montré combien l'État connaît mal son patrimoine - et chacun le sait -, y incitent largement.
Il est également nécessaire d'accélérer le travail d'identification du patrimoine de Réseau ferré de France et de la SNCF, qui sont, avec La Poste, d'importants propriétaires fonciers et dont les terrains sont souvent bien localisés.
N'en doutons pas, il nous faut aller plus vite, et je souhaiterais en l'espèce obtenir des précisions sur le calendrier prévu et sur la superficie des terrains publics qui seront prochainement libérés pour qu'y soient construits des logements sociaux.
Cependant, l'exigence de mettre en chantier un grand nombre de logements sociaux ne saurait occulter la nécessité de préserver un équilibre entre le parc locatif social et le parc locatif privé. Ce dernier constitue indéniablement un segment important du secteur immobilier français puisqu'il loge plus de 5 millions de ménages.
Pourtant, force est de constater que le statut de bailleur ne fait plus recette aujourd'hui. Cette désaffection s'explique notamment par le déséquilibre existant dans la fiscalité française en défaveur de la pierre et par les problèmes que rencontrent certains bailleurs dans leurs rapports avec les locataires.
De fait, bon nombre de logements locatifs privés sortent du secteur locatif à l'occasion des successions. Aussi serait-il souhaitable de prévoir un dispositif fiscal tendant à exonérer les héritiers d'une partie des droits de succession contre l'engagement, pour une durée qu'il faudra définir, à maintenir le logement dans le secteur locatif. Un mécanisme comparable existe déjà pour l'ANAH, qui accorde des crédits plus favorables quand les logements sont destinés à être loués dans le secteur social ; il est certainement possible de le transposer au logement locatif privé.
Dans le même esprit, il serait opportun de créer les conditions juridiques permettant de redonner confiance aux propriétaires bailleurs, par exemple en assurant la sécurisation du paiement du loyer par la création d'un mécanisme de garantie contre les risques locatifs.
Cela étant, nous ne saurions perdre de vue que l'immense majorité des Français ont pour aspiration profonde de devenir propriétaires de leur résidence principale.
En la matière, notre pays accuse un retard significatif par rapport à ses principaux voisins européens, puisqu'il ne compte que 56 % de propriétaires, contre 83 % en Espagne ou 70 % en Italie.
C'est pourquoi tous les instruments nécessaires doivent être mobilisés pour favoriser l'accession à la propriété des ménages, en particulier des plus modestes, qu'il s'agisse d'adapter les outils bancaires - je pense au report du paiement de mensualités en cas d'accident de la vie -, de réformer l'hypothèque, de développer la politique de vente de logements locatifs sociaux à leurs occupants ou d'actualiser les plafonds d'éligibilité au prêt à l'accession sociale.
La maison dite « à 100 000 euros » est la plus belle illustration de ce que je viens de dire et elle démontre qu'une politique du logement ambitieuse doit avancer sur deux axes, le social et le privé - c'est ce que je me suis efforcé de vous démontrer - pour aller plus loin et plus fort !