Intervention de José Balarello

Réunion du 21 novembre 2005 à 15h00
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi

Photo de José BalarelloJosé Balarello :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous savez aussi bien que moi que, depuis trente ans, nous avons eu successivement onze lois et d'innombrables décrets, tous relatifs au logement des Français, et je ne parle pas de ceux qui ont trait à l'urbanisme.

Or, en 2005, malgré cette abondance de textes, le logement constitue toujours avec l'emploi un problème national. En outre, nous venons d'assister à quantité d'incendies volontaires dans le cadre de violences urbaines, dont le coût dépasserait 500 millions d'euros pour la nation.

Nous devons peut-être nous poser quelques questions à ce propos, et c'est manifestement ce que vous avez fait, messieurs les ministres, en essayant d'apporter des solutions concrètes, et même si je n'approuve pas toutes les mesures que vous proposez, je reste cependant d'accord avec vous sur l'essentiel.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ferai d'abord quelques constatations qui relativisent la gravité du problème. Ensuite, j'évoquerai le foncier et l'accession aidée à la propriété, qui sont deux de vos priorités, puisque vous y consacrez plusieurs articles des chapitres Ier et II, vision que je partage. Je vous ferai enfin part de quelques réflexions que m'inspirent les événements que nous venons de connaître dans certains ensembles HLM.

Tout d'abord, le constat : comme vous l'indiquiez dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, messieurs les ministres, la situation du logement en France est loin d'être sinistrée. En effet, nous pouvons espérer atteindre 400 000 mises en chantier en 2005, ce qui ne s'était jamais vu depuis 1980.

Ensuite, le plan de cohésion sociale que vous avez mis en place prévoit la réalisation et le financement de 500 000 logements locatifs sociaux sur la période 2005-2009, soit deux fois plus que durant la période 1997-2002, même si, faute de foncier disponible - nous en avons abondamment parlé ici -, les organismes d'HLM vont éprouver quelques difficultés à consommer la totalité des crédits.

C'est notre cas dans les Alpes-Maritimes, où le conseil général, pour y parvenir, s'investit beaucoup, notamment dans le domaine des surcoûts fonciers et des subventions aux organismes d'HLM et aux bénéficiaires du prêt à taux zéro.

Avec l'aide des collectivités locales, monsieur le ministre, vous arriverez à réaliser ce plan ambitieux.

Toujours dans le constat, j'en viens à l'accession à la propriété.

Grâce au prêt à taux zéro, initié par Pierre-André Périssol - niçois comme moi- l'accession à la propriété est en pleine ascension puisque 1 027 527 prêts à taux zéro ont été distribués de 1995 à janvier 2005. Avec la réforme de Marc-Philippe Daubresse, qui a supprimé fort judicieusement la condition de travaux à réaliser dans l'ancien, 138 082 prêts à taux zéro ont déjà été distribués depuis février 2005, soit une nette augmentation. C'est la raison pour laquelle je suis partisan de l'augmentation des plafonds de ressources que vous avez proposée dans les zones d'Île-de-France, de la Côte d'azur et du Genevois.

Après ce constat qui nous incite tout de même à un peu d'optimisme, venons-en à vos propositions.

Une grande partie du projet de loi traite du problème foncier, puisque le chapitre Ier est intitulé : « Mobilisation de la ressource foncière pour la réalisation de logements ». Je souscris totalement à cette orientation gouvernementale.

Il est, en effet, peu admissible que le développement des grandes villes, le logement des étudiants et l'objectif de 20 % de logements sociaux, que je serais d'ailleurs partisan de ramener à 15 %, soient bloqués par l'absence de foncier disponible dû parfois au relief, comme c'est le cas à Menton, ville que je connais bien, où se rejoignent la loi Montagne, la loi Littoral et les plans de prévention des risques. Or l'État, premier propriétaire foncier avec 58 000 immeubles, via quelques grands ministères comme la défense, l'éducation nationale ou les finances, laisse inoccupés de grands bâtiments et inutilisés de vastes terrains potentiellement constructibles, comme l'a montré notre collègue député Georges Tron dans son rapport publié le 6 juillet 2005. J'ajoute que, lorsque l'État décide de les céder, les procédures sont trop longues et trop compliquées.

Lors de la séance de questions orales du 9 novembre dernier, j'ai interpellé M. le ministre des finances sur ce sujet. J'espère, messieurs les ministres, que la décision qui vient d'être prise de transférer au Trésor public le service des domaines accélérera les formalités de cession, surtout lorsque l'acquéreur est une collectivité ou un organisme d'HLM et que le but de l'acquisition est de créer des logements sociaux.

Je parle d'expérience. Voilà maintenant deux ans en effet que je m'efforce d'obtenir le transfert à un organisme d'HLM des locaux d'une ancienne gendarmerie, inoccupés depuis plusieurs années. Je suis sur le point d'y parvenir, mais les actes ne sont toujours pas signés. Par ailleurs, nous nous battons depuis dix ans pour obtenir le transfert de propriété d'un ancien fort qui est situé sur la commune dont j'étais le maire.

Le second chapitre du projet de loi portant engagement national pour le logement est consacré au développement de l'offre de logements et à l'accès au logement, notamment à l'accession à la propriété.

Il est proposé d'instituer une TVA à taux réduit pour faciliter l'accession à la propriété de logements neufs dans les zones urbaines sensibles, ce qui me paraît une bonne mesure.

En effet, mes chers collègues, il est temps de développer l'accession à la propriété. Les chiffres ont déjà été évoqués du haut de cette tribune et il suffit de se pencher sur les statistiques européennes pour constater que notre pays est à la traîne dans ce domaine : en France, 57 % des personnes sont propriétaires de leur logement - et non pas 56 %, monsieur le rapporteur -, contre 83 % en Espagne, 74 % en Belgique ou encore 69 % en Italie et au Royaume-Uni, et ce alors que les familles françaises ont toujours été attachées à la pierre. Cette disparité explique en partie les événements auxquels nous venons d'assister.

Je préside un grand office d'HLM comportant 25 000 logements. En vertu des lois du 10 juillet 1965 et du 23 décembre 1986, dite loi Méhaignerie, dont je fus le rapporteur au Sénat, j'ai vendu aux locataires de mon office plus de 1 000 logements. L'expérience m'a appris que, dans un immeuble, lorsque les locataires deviennent propriétaires, les dégradations cessent et les tensions disparaissent.

Aussi est-ce dans le droit fil de cette démarche que j'ai déposé un amendement sur lequel je me permets d'attirer votre attention, messieurs les ministres. Il vise à prendre en compte, dans le calcul du quota de l'article 55 de la loi SRU, les logements vendus par les organismes d'HLM à leurs locataires, ventes que nous nous devons par ailleurs d'encourager. J'espère que le Gouvernement et le Sénat adopteront cet amendement. Il n'est en effet pas cohérent d'inciter les organismes d'HLM et les élus qui en président les conseils d'administration à vendre une partie du patrimoine pour les pénaliser ensuite en application de l'article 55 de la loi SRU.

En outre, messieurs les ministres, j'attire votre attention sur le fait que, à l'exception du prêt à taux zéro, qui a remplacé le prêt d'accession à la propriété, le PAP, l'accession à la propriété plus sociale fonctionne mal, car le prêt social de location-accession, le PSLA, ne se développe pas faute d'opérateurs intéressés, le système étant difficile à gérer dans le temps.

Aussi m'apparaît-il important que vous incitiez les futurs offices de l'habitat, qui seront créés par l'article 8 du présent projet de loi, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations, à réaliser des programmes en PSLA et à instaurer un système analogue à celui des PAP.

En tout état de cause, il est bien évident que le ministère des finances devra mettre la main à la poche, ce qu'il fait très peu pour le prêt à taux zéro, afin d'encourager les constructions qui, étant réalisées par des promoteurs publics, constitueront un produit a priori moins cher, accessible à presque tous les salariés, ce qui n'est pas le cas du prêt à taux zéro.

Je considère peu responsable, sur la forme, la position prise par Mme Obolensky, directrice de la Fédération bancaire française à propos du prêt à taux zéro même si, sur le fond, la position des banques ne me paraît pas dénuée de fondement. Je compte sur vous, messieurs les ministres, ainsi que sur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, pour remédier très rapidement à cette situation, afin d'éviter que le secteur bancaire ne rejette les demandes de prêt, comme la menace en a été faite, à compter du 23 novembre : ce serait proprement scandaleux, compte tenu des enjeux et du contexte actuel et ce serait incompréhensible par nos concitoyens.

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