Quant à l'article 55 de la loi SRU, dont vous aurez beaucoup entendu parler aujourd'hui, messieurs les ministres, il faudra bien accepter un jour d'en réviser les mécanismes, afin de rendre le dispositif plus incitatif et d'éviter qu'il ne pénalise celles des communes qui s'engagent, dans la mesure de leur possibilité, dans la construction de logements.
Tout à l'heure, MM. Dallier et Demuynck ont évoqué la situation de leur commune respective dans des termes tout à fait éclairants. Ils ont montré les incohérences auxquelles aboutit une application trop stricte de cette loi.
Comment expliquer en effet à des communes entièrement urbanisées, comme c'est le cas de nombreuses villes du Val-de-Marne - Saint-Mandé par exemple, avec ses 217 habitants par kilomètre carré et où aucun terrain n'est disponible - qu'elles vont être pénalisées pour la totalité de leur habitat alors qu'elles devraient plutôt être incitées à inclure au moins 20 % de logements sociaux dans chaque nouvelle opération de construction ? Comme on l'a proposé, c'est en réalité sur les flux des nouveaux logements, plutôt que sur le parc existant, qu'il serait juste d'appliquer le pourcentage des 20 %.
Il convient également d'être plus réaliste dans la comptabilisation des 20 % de logements sociaux. En effet, il faudrait tenir compte des logements subventionnés par l'ANAH, des résidences étudiantes, des résidences pour personnes âgées et des foyers de migrants, qui sont autant de composantes de l'habitat social dans chacune de nos villes.
De la même manière, ne faudrait-il pas comptabiliser dans le quota requis la petite propriété sociale - la maison à 100 000 euros, par exemple -, qui relève de la mise en oeuvre de plafonds de ressources, les loyers de 1948 pour les surfaces inférieures à 50 mètres carrés ou encore les logements situés dans les zones bruyantes, à proximité des autoroutes ou des aéroports, notamment ?
Enfin, quel sera le sort des communes qui voient leur pourcentage de logements sociaux passer sous la barre des 20 % parce qu'un bailleur a décidé unilatéralement de déconventionner un certain nombre de ces appartements, alors que la qualité de l'habitat n'a pas évolué pour autant ? Dans notre département, c'est le cas de Sucy-en-Brie, dont la presse s'est dernièrement fait l'écho.
Les collectivités seront d'autant plus incitées à aller plus loin qu'elles n'auront pas le sentiment d'être injustement pénalisées par les critères retenus.
Les règles de la décentralisation, qu'il nous faut respecter, sont pour moi une autre source d'inquiétude.
Les préfets ont déjà la possibilité, lors de l'élaboration des PLU, d'intervenir dans la fixation des prescriptions d'urbanisme. Il ne peut être question, comme le prévoit l'article 2 du projet de loi, de les autoriser à intervenir de nouveau sur les permis de construire afin de renforcer la densité des constructions. C'est là, nous semble-t-il, aller trop loin et porter atteinte aux principes de libre administration des collectivités territoriales.
Par ailleurs, s'agissant de l'obligation pour les conseils municipaux de débattre une nouvelle fois, seulement trois ans après l'adoption du PLU, je constate que c'est le genre de débats parfaitement artificiels, assez peu positifs dont les maires souhaiteraient vraiment pouvoir faire l'économie.
Enfin, la fluidité du marché des logements sociaux est le dernier point d'interrogation qui mérite d'être souligné.
La cession du parc social, qui a été défendue par un certain nombre de collègues, y compris de mon groupe, est-elle réellement la bonne solution ? Elle est un élément de la solution. En effet, elle permet très souvent d'obtenir la mixité dans des immeubles qui posent un certain nombre de problèmes. Mais, nous le savons, le fait de vendre les appartements ne répond pas à tous les besoins.
En effet, dans nos communes, certains locataires ne veulent pas acheter leur appartement, ou ne le peuvent pas. Et, à terme, que ferons-nous quand tout aura été vendu ? Que proposera-t-on aux jeunes ? Que proposera-t-on aux familles séparées, aux nouveaux habitants qui nous arrivent dans un flux toujours plus important ?
De même, contrairement à ce qui se pratique dans le secteur privé, le bail social est accordé en fonction de certains critères attachés aux revenus ou à la composition de la famille, notamment. Or ces critères évoluent dans le temps. Après dix, vingt, parfois trente ans, des locataires occupent encore des logements qui ne leur seraient plus attribués en fonction des critères actuels et ils empêchent ainsi, parfois, des familles nombreuses d'obtenir l'appartement qui leur est nécessaire.
Certes, cela a été souligné, le mécanisme des surloyers existe. Mais encore faudrait-il mettre en place avec beaucoup de clairvoyance un dispositif incitatif, car, comme l'a dit Philippe Leroy tout à l'heure, il n'est pas nécessaire d'instaurer des règles s'appliquant uniformément à l'ensemble du territoire. Ne serait-il pas souhaitable, dans certaines communes comme la mienne, de fluidifier le stock de grands appartements familiaux ? En revanche, dans d'autres secteurs, le mécanisme des surloyers peut être un élément de mixité tout à fait important.
Pour conclure, si, encore une fois, ce texte comporte d'excellentes dispositions qui viennent compléter celles du plan de cohésion sociale et le volet législatif du pacte national pour le logement, il ne constitue, à nos yeux, qu'une étape. Nous tenterons de l'améliorer par nos amendements pour aller plus loin et permettre à notre pays de sortir enfin de la crise qui atteint ses catégories sociales les plus fragiles, notamment les familles.