L'INA revient de loin. Son désaccord avec l'État sur un projet immobilier dispendieux avait conduit en 2014 à un prélèvement de 19,8 millions d'euros sur son fonds de roulement et à une baisse de sa dotation de 1,2 million d'euros. Le changement de président avec l'arrivée d'Agnès Saal en mai 2014 devait permettre un nouveau départ pour cet établissement unique en son genre, en charge de la mémoire audiovisuelle. Malgré la refonte du projet immobilier dans le sens d'un regroupement sur le site historique de Bry-sur-Marne, le navire INA a recommencé à tanguer sous le coup de la polémique autour des notes de taxi de sa présidente, jusqu'à sa démission, inévitable, le 28 avril 2015. Le COM du printemps dernier, qui prévoyait d'étendre l'activité à l'ensemble des archives audiovisuelles de la culture et celles de certaines entreprises privées, sans véritable plan d'affaires, était préoccupant. Le recentrage que propose le nouveau président était nécessaire.
Laurent Vallet a pris ses fonctions le 21 mai 2015. Il a dû, en quelques semaines, prendre la mesure de l'inquiétude sociale au sein de l'INA, réaliser un état des lieux financier - qui a révélé une gestion peu rigoureuse - et engager la modification du projet de COM sans pouvoir le reprendre à zéro, pour donner rapidement un cap à cette institution indispensable à notre paysage audiovisuel.
L'avis que nous avons à formuler concerne également la pertinence du choix du nouveau président de l'INA et le message que nous voulons adresser aux personnels, encore en proie au désarroi. Les échanges que j'ai eus avec Laurent Vallet me laissent penser qu'il possède toutes les compétences attendues et qu'il a une vision juste des problèmes. Il est de l'intérêt de l'établissement que nous lui apportions notre soutien tout en exigeant qu'après une phase de retour à la normale, le nouveau président engage progressivement l'INA dans des réformes de structure visant à réaliser des économies.
Le projet de COM repose sur quatre axes stratégiques : réaffirmer la mission patrimoniale de l'INA, en adaptant ses actions de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel aux évolutions technologiques ; assumer sa vocation industrielle et commerciale en valorisant les contenus et les savoir-faire - vente d'images et de sons, conseil, expertise, gestion de fonds d'archives tiers, publics et privé ; développer la logique d'innovation, notamment en matière de production audiovisuelle, de recherche sur le traitement de l'image et du son, d'adaptation de l'offre aux nouveaux modes de consommation ou encore de formation et d'éducation à l'image ; moderniser la gestion par un dispositif de contrôle interne comptable et de gestion renforcé, une politique d'achat mieux centralisée, et un plan de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.
Il faut imaginer l'après plan de sauvegarde numérique (PSN) qui a occupé les trois précédents COM et qui s'achève en 2019. L'INA doit repenser son avenir compte tenu de l'extinction progressive du stock d'archives à numériser. Cela passe, comme le propose son président, par une démarche davantage tournée vers les usages que vers les outils, tenant compte des contraintes budgétaires et de la nécessité de calibrer les moyens en fonction des missions, quitte à les réduire quand celles-ci s'achèvent.
Le projet de COM préserve les moyens de l'INA. Les ressources issues de la contribution à l'audiovisuel public sont reconduites, à 89 millions d'euros hors taxes par an, pour maintenir le compte de résultat à l'équilibre tout en accroissant les capacités d'investissement pour engager la rénovation du système informatique, financer le projet immobilier et poursuivre le plan de sauvegarde numérique des fonds audiovisuels. Il s'agit également d'investir dans des domaines - production, formations, outils numériques - qui dégageront ensuite des ressources propres supplémentaires, en France et à l'étranger.
La part de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) consacrée à l'investissement devrait passer de 4,5 millions d'euros en 2015 à 6,45 millions d'euros en 2019, l'essentiel de cette hausse bénéficiant à l'informatique et étant financée par une augmentation des ressources propres. C'est un pari pour l'INA, dans la mesure où ces dernières se tassent en 2015. Il y a donc une fragilité financière dans l'équation du COM - certains parleraient de volontarisme - même s'il ne faut pas exclure une bonne surprise. Le lancement réussi de la plateforme « INA Premium », par exemple, pourrait constituer à terme une source de revenus complémentaire.
Il faudra dégager des marges de manoeuvre financières. M. Vallet a reconnu que « le contrôle de la dépense n'était pas optimal » et qu'il fallait notamment revoir la politique des achats. Ces pratiques de gestion plus vertueuses doivent être poursuivies, tout comme le regroupement à Bry-sur-Marne, avec la construction d'un nouveau bâtiment de 4 000 m2.
Le maintien à un niveau élevé de la masse salariale - 67,5 millions d'euros - s'explique par le coût des mesures générales qui, compte tenu de l'accord collectif en vigueur s'élève à 1,1 million d'euros par an. La perspective de nombreux départs à la retraite - 25 % des effectifs dans les cinq prochaines années - devrait permettre de ne pas renouveler tous les postes. Notre commission devra veiller à obtenir des précisions sur ce point de la part de la direction de l'établissement tout au long de l'application du COM.
Le renforcement des mutualisations entre les sociétés de l'audiovisuel public est un impératif. Si l'ancienne présidente de l'INA avait développé la nouvelle plateforme SVOD pour ainsi dire dans le dos de France Télévisions, le nouveau président, lui, a proposé de mettre à disposition la plateforme en marque blanche pour permettre à France Télévisions de bénéficier de l'expérience acquise par l'INA. Cette inflexion mérite d'être encouragée. Ce projet de COM n'est pas parfait ; il est marqué, en particulier, par une relative absence d'implication de la tutelle entre 2012 et 2015, qui a donné lieu à une crise sans précédent. Un changement est en cours. Je vous propose de regarder vers l'avenir et, sans relâcher notre vigilance, de soutenir la nouvelle équipe en donnant un avis favorable à ce COM.