Intervention de Françoise Laborde

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 2 décembre 2015 à 9h00
Garantir le droit d'accès à la restauration scolaire — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde, rapporteure :

J'ai souhaité co-rapporter ce texte car il provient d'un collègue du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) à l'Assemblée nationale, et notre groupe étudiait l'opportunité de l'inscrire à l'ordre du jour : j'avais donc un a priori favorable. Reste que sa rédaction est perfectible et son dispositif bancal. Ne se contentant pas d'interdire les discriminations contre lesquelles il prétend lutter, et qui au demeurant sont déjà interdites et sanctionnées, il crée un droit d'accès à la restauration scolaire pour tous les enfants dont les familles le souhaitent, lorsque ce service existe. Je trouve gênant de créer un droit qui ne s'appliquerait pas de manière égale sur le territoire : les élèves scolarisés dans une commune qui ne propose pas ce service n'auront droit à rien. L'obligation d'accueillir l'ensemble des élèves à la cantine pèse-t-elle sur l'établissement ou la commune ? Imagine-t-on les communes être contraintes d'accueillir les élèves des écoles privées ?

Les communes qui offrent un service de restauration scolaire se verront imposer une nouvelle obligation, parfois lourde. Pour prévenir tout risque contentieux, nombre d'entre elles seront contraintes à un surdimensionnement de leurs infrastructures et de leurs équipements afin d'être en mesure d'accueillir tous les élèves. Dans des grandes agglomérations ou des communes à fort accroissement démographique, qui souvent ont créé des selfs et organisé des doubles ou triples services, ce sera difficile, pour ne pas dire impossible !

Dans sa réponse à une question orale de notre collègue Michel Billout, en février 2014, Mme Carlotti, alors ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, expliquait que l'instauration d'un tel droit reviendrait de facto à consacrer une compétence quasi-obligatoire pour les communes et nécessiterait la mise à disposition de moyens financiers importants. « Dans un contexte budgétaire contraint, ajoutait-elle, cette solution semble difficile à retenir ».

Il est vrai que le contexte n'est pas favorable. De nombreuses communes sont mises en difficulté par la conjonction de la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires et de la baisse des dotations de l'État. Est-il raisonnable de leur imposer une telle charge ?

Nos auditions ont montré qu'il ne faut pas compter sur une quelconque compensation financière de la part de l'État. Elle serait techniquement impossible et l'on imagine mal une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans le contexte actuel. Surtout, comment calculer le surcoût qui résulterait de l'exercice de ce nouveau droit ? Si une commune choisit de construire un nouveau restaurant scolaire, quelle part de cet investissement sera imputable à cette loi ? Ce texte pose des difficultés qui paraissent insolubles.

Bien sûr, je souhaite que la restauration scolaire à l'école primaire soit ouverte à tous. J'ai la conviction que l'avenir est à une compétence obligatoire en la matière, semblable à ce qui a cours dans le second degré. Mais cette proposition de loi apporte une mauvaise réponse à une bonne question. Représentants des collectivités territoriales, n'allons pas leur imposer de nouvelles dépenses alors qu'elles multiplient déjà les efforts pour que les temps d'activités périscolaires (TAP) se déroulent au mieux.

Nous avons rencontré les fédérations de parents d'élèves. La Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) a mis en exergue les problèmes d'accessibilité pour les enfants malades, qui requièrent davantage de personnel. Les communes tâchent de répondre à la demande par les projets d'accueil individualisés (PAI). Quant à la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), elle a insisté sur les difficultés d'ordre social. Ces fédérations sont dans leur rôle. L'Association des maires de France (AMF) nous a indiqué que les problèmes se réglaient presque toujours après un échange avec les parents. Aucune commune ne souhaite aller jusqu'au tribunal administratif, où elle est assurée de perdre, ni faire la une des journaux. Pour toutes ces raisons, je vous invite à suivre l'avis émis par mon co-rapporteur.

1 commentaire :

Le 09/12/2015 à 18:13, DIDELOT Paul a dit :

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Le 2 décembre, la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat examinait la proposition de loi garantissant l’égal accès à la restauration scolaire votée en mars à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi n’aurait dû être qu’une formalité puisqu’elle prévoit l’inscription dans la loi d’une jurisprudence solide et l’affirmation d’une notion constitutionnelle : l’égalité devant le service public.

Pourtant, ce mercredi, les sénateurs de la commission éducation ont émis un avis défavorable sur ce texte, avant le vote définitif en séance le mercredi 9 décembre.​ Dans son communiqué de presse, la commission affirme être attachée à l’égalité entre les élèves, juge que le nombre de commune qui ne respectent pas le principe d’égalité est minime et ajoute qu’il ne s’agirait pas d’ajouter une charge supplémentaire aux communes.

Face à de tels arguments e »n qualité de président départemental de la FCPE 65 je m'interroge. Comment un nombre minime de communes pourrait engendrer une montée des dépenses nécessitant pour les sénateurs de s’opposer à ce texte ?

Je m’indigne que des élus de la République puissent s’opposer à un texte visant à garantir l’égalité entre les élèves, sur des principes uniquement comptables et gestionnaires, puisqu’il s’agit bien de cela.

Pour de nombreuses familles fragilisées socialement, la restauration scolaire est le seul repas équilibré quantitativement et qualitativement de la journée notamment au Nord de notre beau département. A l'heure de la refondation de l'école, la qualité de l'apprentissage ne peut être compromise par une absence de repas.

Dois-je vous rappeler que d’après l'UNICEF, en France un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. J'appelle les sénateurs à reconsidérer les implications de ce texte dans le quotidien des familles avant le vote en séance prévu mercredi 9 décembre. La FCPE demande à tous ses militants d'interpeller leurs sénateurs au plus vite sur cette question cruciale.

Il s’agit d’un combat mené par la FCPE depuis de nombreuses années. Cette proposition de loi répond à une grande attente​ parmi les parents d’élèves, car enfin, ils n’auraient plus à se battre pour inscrire leur enfant à la cantine scolaire.

Paul DIDELOT président départemental de la FCPE des Hautes Pyrénées

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