Merci pour toutes ces interventions très riches et très complètes, qui comptent beaucoup de questions. Je vais essayer de n'en oublier aucune. Je compte sur vous, si tel était le cas, pour bien vouloir me le rappeler.
Je n'ai pas abordé la question des administrations centrales, ni celle de la répartition des effectifs entre les différentes échelons territoriaux, si ce n'est sous l'angle de la charte de la déconcentration. En 1992, le Gouvernement de l'époque a voulu tirer les leçons de la décentralisation dont la première étape avait été réalisée, en souhaitant donner aux échelons territoriaux de l'État la possibilité de détenir des pouvoirs de décisions et d'être les interlocuteurs privilégiés des élus locaux.
L'intention du Gouvernement est bien de faire appliquer cette charte qui ne l'a jamais été. C'est la volonté du Premier ministre. Cette décision a un impact sur le fonctionnement des administrations centrales. J'ai quelques difficultés à le mesurer, mais je pense qu'on est effectivement retourné en arrière.
Dans une échelle de temps assez significative, les administrations centrales se sont décentralisées, avec un double effet : les élus n'ont pas cessé de solliciter les ministres, dans un mouvement entretenu des deux côtés - je ne mets personne en cause. Le ministre - ou l'administration centrale - reste l'interlocuteur privilégié des élus locaux. Dont acte.
En second lieu, l'interministérialité s'est, me semble-t-il, affaiblie et on a également assisté à un retour en parallèle de la verticalité. Celle-ci a conduit les administrations centrales et les ministres successifs, plutôt que de faire le choix de l'interministérialité, à privilégier l'échelon régional au travers des différentes réformes territoriales, ministres et directeurs d'administrations centrales considérant qu'il était plus simple de piloter une vingtaine de régions qu'une centaine de départements.
Cette situation a eu les conséquences qu'on a pu observer sur l'évolution des effectifs : un renforcement au-delà du raisonnable des échelons régionaux, qui sont des échelons plus stratégiques de pilotage ou d'animation par rapport à l'échelon départemental de proximité.
C'est à cela que le Gouvernement entend répondre, à la fois avec la charte de la déconcentration et en renforçant l'échelon de proximité qu'est le niveau départemental.
S'agissant des sous-préfets et de l'administration centrale et sur le plan de la culture administrative, même si je n'ai pas d'instruments de mesure pour l'affirmer, j'ai le sentiment très fort que les administrations centrales, les ministères, les cabinets, disposent de moins en moins de fonctionnaires qui connaissent le terrain. Cela ne date pas d'aujourd'hui, mais il s'agit d'un véritable recul.
Je vais certainement en décevoir quelques-uns, mais j'ai demandé au Premier ministre de retrouver ce qu'on avait connu à une certaine époque, où les carrières des fonctionnaires permettaient de concilier des responsabilités à l'échelon central et des responsabilités territoriales.
En effet - et c'est extrêmement désagréable - les administrations centrales ont repris le pouvoir sur les territoires sans savoir ce qui s'y passe, sans parler des territoires ruraux. C'est pour moi une préoccupation très forte et je pense qu'il est temps de mettre fin à ce recul.
Quant aux circulaires, n'en parlons pas : je passe mon temps à les compter et à faire des observations sur leur quantité et leur nombre de pages.
Vous avez par ailleurs soulevé la question des échelons territoriaux et celle de l'ingénierie. Quelques mots d'explications...
Le ministre de l'intérieur a engagé un processus de transformation appelé « préfectures de nouvelle génération » consistant à utiliser les nouvelles technologies et à adapter tous les services qui délivrent des titres, ceux-ci représentant jusque-là des effectifs significatifs dans les territoires et recourant à beaucoup de personnels de catégorie C et à de l'encadrement. La sécurisation des titres, leur modernisation, la constitution de plates-formes concentrant ces tâches vont libérer les préfectures et les sous-préfectures de l'exercice de ces missions.
C'est sur ces bases que le ministre de l'intérieur entend dégager des effectifs afin de les affecter progressivement, après pyramidage et formation, au service des missions d'ingénierie territoriale, qui vont au-delà des missions techniques de l'État en matière d'appui, de développement territorial et d'animation.
Une opération de redéploiement va donc avoir lieu au sein des effectifs du ministère de l'intérieur. C'est un élément important.
Au cours des dernières années, la répartition qui s'est opérée entre échelon départemental et échelon régional a parfois conduit à des situations absurdes. Les ministères ont en effet piloté ces processus mais, dans certains corps, la majorité des personnels a plus de cinquante ans. Les ministères vont donc devoir engager des modifications profondes concernant certains corps techniques.
J'en profite pour répondre au président Bas au sujet des DREAL, mais peut-être aussi des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), voire des directions départementales des territoires (DDT). Je partage son avis concernant la difficulté des relations avec les élus. On peut en effet déplorer une certaine dégradation. L'accueil ne se fait plus comme par le passé et on est vite renvoyé à ses dossiers. C'est une véritable préoccupation. Nous en avons conscience.
Le rôle des services de l'État, qui sont avant tout là pour exercer le service public et être à la disposition des acteurs du territoire va devoir se renforcer dans les régions et les départements.
Vous demandiez, Monsieur le président, pourquoi l'éducation nationale bénéficiait d'une organisation spécifique. Malheureusement, aujourd'hui, chaque administration se considère comme spécifique.
Le Premier ministre et le Gouvernement considèrent, tant au niveau central que dans les territoires, que les équipes de l'État sont les équipes de l'État. Un mouvement avait été amorcé lors des réformes précédentes avec les directions départementales interministérielles qui employaient des qualifications différentes. Il est clair que chacun va devoir de plus en plus apporter sa propre compétence sur les dossiers.
S'agissant de l'infradépartemental et des sous-préfectures, leur rôle s'est considérablement atténué ces dernières années en termes de missions, notamment en matière de guichet. Cette fonction va encore se réduire.
Pour autant, les territoires ont besoin de cadres A et A +, de généralistes - le terme a été utilisé par plusieurs d'entre vous - pour répondre aux préoccupations de terrain.
Pour ce qui est de la carte des sous-préfectures, le ministre de l'intérieur entend aller au bout de l'exercice, selon le calendrier qui sera finalisé au 1er janvier 2017. Il ne souhaite pas une carte de suppression, mais une carte d'adaptation. Des modulations interviendront.
La carte des sous-préfectures sera complétée par une présence accrue des services publics dans nos territoires, notamment ruraux, grâce au développement des maisons de l'État, aux structures d'accueil publiques, dans le cadre du programme lancé avec La Poste pour la mise en place de maisons d'accès aux services publics dans les territoires. Plusieurs centaines sont déjà en projet. Le plan actuel en compte mille et les choses ont avancé très vite ces derniers mois. Je vous encourage à pousser la création de telles structures qui, localement, dans les territoires les plus ruraux, permettent de répondre aux besoins de proximité et de contact.
Comment tout cela va-t-il fonctionner ? Il faut distinguer la question de la gouvernance et celle des outils. Si vous êtes, mesdames et messieurs les sénateurs, partisans du papier, je ne peux qu'être de votre avis et je crois qu'il sera compliqué de faire signer des documents à plusieurs signataires à l'intérieur des grandes régions. Nous avons cependant dépassé ce stade et sommes à présent dans la culture du numérique.
Si on ne fonctionne pas avec la réactivité du monde économique et de la société, les services seront balayés et dépassés.