J'en viens, pour ma part, aux articles relatifs à l'organisation sanitaire. Tout d'abord, sur les soins ambulatoires, l'Assemblée nationale a privilégié la mise en place de structures nouvelles, ou tout du moins d'appellations nouvelles, tandis que nous avions affirmé la nécessité d'un minimum de stabilité en ce domaine. La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) vient seulement de produire tous ses effets et les professionnels de santé ont déjà dépensé une énergie considérable pour mettre en place les structures qu'elle prévoit. Aujourd'hui, il leur est donc demandé de modifier à nouveau leur organisation, cette fois sous la tutelle des ARS. Je pense, en particulier, aux communautés professionnelles territoriales de santé prévues à l'article 12 bis, qui viendront se substituer aux pôles de santé, dont nous proposions le maintien. La question de la mainmise de l'ARS se pose également pour l'organisation territoriale en matière de santé mentale et de psychiatrie, prévue à l'article 13.
Concernant ce sujet, sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler à plusieurs reprises au cours des dernières années, je relève que, contre l'avis de la commission, le Sénat avait réintroduit, à l'initiative de nos collègues Yves Daudigny et Aline Archimbaud, l'obligation de mettre en place un projet d'organisation de la prise en charge psychologique à l'hôpital (article 26 B). L'Assemblée nationale a jugé nécessaire de rétablir sa rédaction au mot près, et c'est donc l'élaboration d'un « projet psychologique » qui sera demandée aux hôpitaux, à côté de l'élaboration du projet médical, ce qui revient à dire que la psychologie ne fait pas partie de la médecine.
Quant aux orientations prévues à l'article 26, pour la refonte du service public hospitalier, auxquelles nous n'étions pas opposés, mais que nous avions complétées par la possibilité donnée aux cliniques de continuer à exercer les missions de service public à tarifs opposables - comme c'est le cas depuis la loi HPST-, l'Assemblée nationale a rétabli leur exclusion totale, à nos yeux injustifiée.
Même sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) prévus à l'article 27, sur lesquels nous étions allés très loin dans la volonté d'aboutir à un texte commun, l'Assemblée nationale a supprimé la participation des élus à leur comité stratégique. Cette modification risque de rendre encore moins acceptables les restructurations qui seront proposées.
En matière d'organisation de la permanence des soins ambulatoires, à l'article 15, nous avions souhaité simplifier le dispositif proposé pour la régulation médicale afin de mettre en place un numéro de téléphone unique, gratuit et de niveau national, susceptible de constituer une véritable alternative au 15. Là encore, nous n'avons pas été suivis, et le système prévu sera donc complexe et variable d'un territoire à l'autre. La précision que nous avions introduite sur l'impossibilité de substituer l'activité des établissements de santé à celle des professionnels libéraux dans le cadre de la prise en charge des soins ambulatoires (PDSA) a également été supprimée. Cela signifie que demain, les ARS pourront supprimer cette prise en charge entre minuit et huit heures, comme c'est déjà le cas dans certaines régions.
Sur un point, non pas politique, mais touchant à la liberté des patients, l'Assemblée nationale est également revenue à son texte : je fais référence à l'article 25, qui porte sur le fameux dossier médical partagé (DMP). Nous avions supprimé la possibilité, pour le médecin traitant, d'accéder aux données occultées par le patient sans l'accord de ce dernier. L'Assemblée nationale a rétabli cette possibilité en se fondant sur le risque de perte de chance. Cette solution me paraît profondément contraire aux droits des malades et je serai curieux de savoir ce qu'en dira le juge constitutionnel.
L'Assemblée nationale ne nous a pas davantage suivis dans notre volonté d'organiser une concertation entre les syndicats de médecins et la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) sur l'installation des professionnels dans les zones sous-denses. Il me semble pourtant qu'il s'agissait là d'une solution d'équilibre, qui aurait permis d'apporter une réponse négociée au problème des déserts médicaux.
Enfin, sans surprise, l'Assemblée nationale a rétabli, à l'article 18, le tiers payant généralisé, avec toutefois une modification révélatrice : le rapport sur la faisabilité du dispositif, qui devait initialement être remis au 31 octobre, a été repoussé à un mois après la parution de la loi. Il y a donc visiblement quelque difficulté à faire paraître ce qui devait constituer un préalable.
Au total, et même si l'Assemblée nationale a conservé quelques-uns de nos apports - comme la place faite aux médecins spécialistes de deuxième recours, grands oubliés de ce texte (article 12 ter A) -, l'intérêt de procéder à une nouvelle lecture nous paraît limité à ce stade de la procédure, d'autant que le Gouvernement a annoncé vouloir faire adopter définitivement le projet de loi par l'Assemblée nationale dès la fin de la semaine prochaine.
Dès lors, nous vous proposons que notre commission se prononce, par un seul vote, sur le rejet du projet de loi et qu'elle dépose, pour la séance publique, la motion tendant à opposer la question préalable.