Alors que cette situation plonge notre société dans un large désarroi, je crois plus que jamais à la nécessité de l’écologie comme horizon nouveau, comme pensée globale, comme projet durable, apaisant et inclusif.
Je crois profondément que l’écologie peut être ce dépassement, ce renouvellement, cette transformation que beaucoup, issus de tous les rangs, appellent aujourd’hui de leurs vœux comme un sursaut.
Outre une vision de l’avenir, ce projet représente une démarche politique très concrète, définie à tous les niveaux des politiques publiques, à commencer par le budget, qui en est la pièce maîtresse.
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que c’est d’abord à cette aune qu’il m’apparaît utile d’évaluer ce projet de loi de finances.
Les axiomes de ce texte sont malheureusement de mauvais augure. Le Gouvernement nous a annoncé d’emblée que la fiscalité écologique, pour laquelle la France accuse un sérieux retard, serait traitée non pas dans le budget, mais dans le projet de loi de finances rectificative. Il s’agit, à mon sens, d’un détournement de nos procédures budgétaires, d’autant plus scandaleux qu’il est récurrent. Nous aurons précisément l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen de ce texte.
Pour être tout à fait honnête, monsieur le secrétaire d’État, il est tout de même question de fiscalité écologique dans ce projet de loi de finances. En effet, sur les six taxes qu’il supprime au motif qu’elles seraient inefficientes, quatre d’entre elles ont trait à l’environnement.
De plus, contrairement à sa décision initiale, le Gouvernement a finalement introduit, à l’Assemblée nationale, une partie du rattrapage de la fiscalité sur les carburants. Bien peu de motivation écologiste, en réalité, dans cette démarche, mais simplement un besoin d’argent frais pour financer des mesures générales non budgétisées !
Cela s’inscrit dans une vision de la fiscalité écologique de rendement, qui vient financer à hauteur de 40 milliards d’euros les facilités offertes aux entreprises, plutôt que procéder à l’adaptation de notre modèle économique et social. Au fond, c’est précisément l’écologie punitive que dénonce régulièrement la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal.
Certes, vous considérez, je le sais, monsieur le secrétaire d'État – nous avons souvent eu cet échange –, qu’il y a déjà beaucoup d’argent pour l’écologie par ailleurs. Vous évoquez généralement le milliard d’euros dédié au Fonds de financement de la transition énergétique, l’autre milliard d’euros – pour être large ! – du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, ou encore les 6 à 7 milliards d’euros au titre de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. En revanche, vous omettez inexorablement que les exonérations qui s’élèvent à plus de 20 milliards d’euros sont de nature à encourager la consommation d’énergies fossiles, sans compter les nombreux milliards accordés au titre de subventions et de garanties implicites de l’État au profit de l’énergie nucléaire.
En attendant, quel est le budget et le bilan de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ?
On y constate une perte de 920 emplois cette année. Sur trois ans, ce sont près de 7 500 emplois pour l’écologie qui ont disparu, soit une baisse de 19, 5 % des effectifs ! Or ces emplois, ce sont des ressources humaines, des compétences, des expertises. Cela ne se compense pas par l’élargissement d’un crédit d’impôt !
À l’instigation de ses rapporteurs spéciaux, le Sénat a rejeté les crédits de cette mission, au terme d’une analyse assez proche de celle que je viens d’exposer ici rapidement.
Par ailleurs, s’il a malheureusement confirmé la suppression de deux taxes écologiques par le Gouvernement, le Sénat a, en revanche, rétabli l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000 et sécurisé – c’est une bonne chose ! – le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Il a également adopté une demande de rapport sur les modalités de mise en œuvre à l’échelon régional d’une taxe sur les poids lourds.
Je salue d’ailleurs l’engagement et les convictions sincères, en matière d’écologie, d’un grand nombre de mes collègues, y compris, bien sûr, sur les travées de la majorité sénatoriale. Pour autant – il faut bien le dire ! –, tout cela, vous le savez bien, n’engage pas à grand-chose.
Vous n’avez pas de mots assez durs, mes chers collègues, pour fustiger la dépense publique, mais, vous-mêmes, vous la laissez filer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, sous couvert d’excédent somptuaire !
Les quelque 40 milliards d’euros de crédits que vous avez supprimés l’ont été, le plus souvent, au motif qu’ils étaient trop modestes. On a d’ailleurs bien vu votre embarras lorsque le Gouvernement a présenté des amendements visant à augmenter les moyens matériels et humains en matière de lutte contre le terrorisme. Des rapporteurs spéciaux, qui avaient dénoncé, par écrit, une fonction publique pléthorique, en ont approuvé l’accroissement quelques jours plus tard.
De plus – même si cela n’a pas occupé l’essentiel de nos débats –, vous avez pris soin, ce qui est votre droit le plus strict, d’introduire dans ce texte quelques marqueurs très idéologiques.
Vous avez ainsi transféré 2 milliards d’euros d’impôt sur le revenu des contribuables les plus riches vers les contribuables les moins aisés. Vous avez, par ailleurs, allégé l’impôt sur la fortune.
Enfin, pour masquer ces incohérences, pour compenser vos nouvelles dépenses et vos pertes de recettes, votre seule réelle initiative aura consisté à vous attaquer à la fonction publique : une fonction publique qui serait trop nombreuse, trop oisive, trop malade et trop payée, cette même fonction publique que vous aviez couverte d’éloges, quelques heures plus tôt, pour son rôle exemplaire dans la crise que nous traversons.
Ce libéralisme, selon moi quelque peu poussiéreux, ne suffit pas à bâtir un projet politique d’avenir : on le voit au résultat de nos travaux.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’impression que, au cours de l’examen de ce budget, nous sommes passés du vide au bide