Le présent projet de loi de finances rectificative pour 2015 procède à une vaste réforme de la fiscalité énergétique qui justifie la saisine pour avis de notre commission.
Au premier rang des dispositions relatives à l'énergie qu'il nous appartient d'examiner figure la réforme, attendue à l'origine dans le projet de loi de finances pour 2016 mais reportée faute d'arbitrages rendus à temps, de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Pour bien comprendre la réforme proposée, j'ai demandé que soit réalisé un schéma qui en résume les principaux points et qui vous sera communiqué à l'issue de la présentation de mon rapport. Vous comprendrez le sens de ma démarche destiné à capter, au mieux, votre attention car le schéma permettra d'illustrer, avec une clarté redoublée, la cohérence de mon propos !
En outre, même si les enjeux budgétaires sont moindres, une réforme analogue est conduite, dans le même temps, pour les deux contributions spécifiques au gaz, la contribution au tarif spécial de solidarité du gaz (CTSSG) et la contribution biométhane.
Avant d'en venir à la réforme proprement dite de la CSPE, rappelons-en très brièvement l'objet et les nombreux défauts.
Acquittée par tous les consommateurs sur leur facture d'électricité, la CSPE a été créée formellement par la loi du 3 janvier 2003 mais son principe figurait déjà dans la loi du 10 février 2000 qui a ouvert les marchés de l'électricité, puisque cette loi créait le fonds du service public de la production d'électricité, le FSPE. La mise en place de ce dernier ayant pris du temps, la loi de 2003 a repris, à son compte, les principes de cette contribution et en a précisé les aspects réglementaires et financiers.
La CSPE finance aujourd'hui principalement les énergies renouvelables qui représentent 67,1 % des charges prévisionnelles au titre de 2016, la péréquation tarifaire à hauteur de 9,5 %, la cogénération pour 8,8 %, et les dispositions sociales à hauteur de 4,6 %. À ces 7 milliards d'euros de charges au titre de 2016, s'ajoutent encore la régularisation des charges non compensées de l'année 2014, environ 2,7 milliards d'euros, les frais financiers supportés par les opérateurs, à hauteur de 93 millions, les frais de gestion de la Caisse des dépôts et consignations, par qui transitent les sommes, et de l'Agence de services et de paiement, qui doit gérer le chèque énergie, et, enfin, la moitié du budget du Médiateur national de l'énergie - l'autre moitié étant financée par la CTSSG -, soit au total 9,8 milliards d'euros de charges totales à couvrir en 2016, et à rapporter à un rendement attendu d'un peu plus de 8 milliard d'euros en année pleine. Un écart demeure, depuis la création de ce dispositif, entre ce qui est prélevé et la dépense supportée par les opérateurs de manière générale et, de manière particulière, par EDF. La dette s'est ainsi accumulée.
Quant aux défauts de la CSPE, ils sont désormais bien connus : l'absence de contrôle par le Parlement alors que ce prélèvement représente un coût total de 10 milliards d'euros ; le poids croissant sur la facture d'électricité des consommateurs, à hauteur de 17 %, et malgré cela le défaut de couverture des charges ayant conduit à la constitution d'une dette à l'égard d'EDF qui a atteint, au plus haut, 5,5 milliards d'euros ; le manque de lisibilité lié au financement de charges disparates dont la liste n'a cessé de s'allonger au fil des textes - c'est encore le cas avec la loi « Transition énergétique » avec un affichage déporté pour les consommateurs en situation de précarité énergétique, ou avec l'actuel projet de loi de finances initiale avec la « compensation carbone » pour les électro-intensifs ; le dynamisme de certains postes de dépenses, à commencer par les énergies renouvelables, ainsi que le risque important de contentieux au regard du droit européen. Tels sont les inconvénients cumulés de l'actuelle CSPE.
La réforme proposée dans la loi de finances rectificative s'avère complexe dans sa mise en oeuvre. J'aurais une remarque cependant sur le calendrier choisi pour une telle démarche qui fait montre d'une certaine forme de précipitation. Nous aurions bien évidemment préféré que ce projet de réforme soit présenté dans le projet de loi de finance pour 2016.
Cette réforme tient pour l'essentiel en trois points - « budgétisation », sécurisation juridique et élargissement de l'assiette - et en deux temps - 2016, puis à partir de 2017.
Premièrement, s'agissant de la « budgétisation » de la CSPE, les charges et les recettes de la CSPE sont rapatriées, à périmètre inchangé, dans le budget de l'État, dès 2016 ; les charges de service public et les dépenses de soutien aux énergies renouvelables restent financées exclusivement par le consommateur final d'électricité mais son taux et ses emplois font désormais l'objet d'un vote explicite du Parlement.
À cet égard, le terme de « budgétisation » de la CSPE peut apparaître trompeur car il ne s'agit pas de faire financer les charges par le budget de l'État mais simplement de retracer les dépenses et les produits dans le budget et, par conséquent, de les soumettre à l'approbation du Parlement. J'y reviendrai ultérieurement, mais l'exercice consiste à ce que le Parlement soit simplement comptable et enregistre dépenses et recettes, sans pouvoir intervenir dans la maîtrise des sommes en jeu.
La « budgétisation » ainsi mise en oeuvre ne garantit ainsi pas, par elle-même, un meilleur contrôle des charges par le Parlement qui n'aura à connaître, chaque année, que de la « tranche annuelle » d'engagements pluriannuels s'étalant, s'agissant des énergies renouvelables et selon les filières, sur des durées de dix à vingt ans. En outre, le Parlement aura in fine peu de leviers pour agir sur des dépenses soit contraintes, soit à guichet ouvert, soit sur lesquelles il n'a plus la main une fois les objectifs de la politique énergétique fixés. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement, identique à celui porté par la commission des finances, prévoyant que le Parlement fixe chaque année le plafond global des dépenses de soutien aux énergies renouvelables, ainsi qu'un plafond, par filière, du volume des nouvelles capacités de production.
En pratique, la maquette budgétaire proposée apporte de la clarté en distinguant, parmi les dépenses, celles liées au financement de la transition énergétique, retracées dans un compte d'affectation spéciale (CAS), et les charges du service public de l'énergie, inscrites dans un nouveau programme budgétaire ayant notamment pour finalité le soutien aux consommateurs précaires.
En dépenses, le CAS « Transition énergétique » comportera, en 2016, 4,4 milliards d'euros de charges réparties en 3,6 milliards d'euros liées au soutien aux énergies renouvelables électriques, à l'injection de biométhane et à l'effacement de consommation électrique, et 744 millions d'euros au titre du remboursement d'une partie de la dette contractée à l'égard d'EDF en raison du défaut de compensation des charges passées.
En recettes, le CAS sera alimenté, en 2016, par la « nouvelle » CSPE à hauteur des charges, soit 4,4 milliards d'euros, ainsi que par une petite fraction de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) correspondant à l'ancienne contribution biométhane, pour 17 millions d'euros. En 2017, mais j'y reviendrai lorsque nous aborderons la question de l'élargissement de l'assiette, ces recettes seront complétées par l'affectation d'une part de la « composante carbone » des taxes intérieures de consommation.
Quant au programme budgétaire « Service public de l'énergie », il regroupera, en 2016, environ 2 milliards d'euros de charges correspondant au financement de la péréquation tarifaire à hauteur d'un milliard d'euros, des dispositions sociales pour 316 millions d'euros, du soutien à la cogénération gaz pour 601 millions d'euros, de la nouvelle « compensation carbone » créée au profit des industriels électro-intensifs, pour 93 millions d'euros, des frais de support - comme les frais de gestion et surtout les charges d'intérêts de la dette due à EDF, pour 94 millions d'euros - et du budget du Médiateur national de l'énergie, à hauteur de 5,7 millions d'euros.
Pour les financer, le solde de « nouvelle » CSPE non affectée au CAS, soit 2 milliards d'euros, sera reversé au budget général. De la CSPE, on a ainsi réalisé deux ensembles et cette répartition vous apparaîtra encore plus clairement dans le schéma qui vous sera remis.
Deuxième point de la réforme, là aussi dès 2016, la CSPE est sécurisée sur le plan juridique par un basculement sur la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, la TICFE, dont la conformité au droit européen est mieux assurée. Alors que la nature juridique de la CSPE est longtemps restée incertaine, avant que le Conseil constitutionnel ne la range parmi les « impositions de toutes natures », la TICFE correspond à un objet fiscal au périmètre mieux identifié, celui des accises, et a du reste été instaurée par la loi « Nome » dans le cadre de la mise en conformité des taxes sur l'électricité avec le droit communautaire.
A contrario, on rappellera qu'au plan national, la CSPE fait aujourd'hui l'objet d'un contentieux de masse - e avec 54 000 demandes de remboursement déposées à la Commission de régulation de l'énergie, dont près de 14 000 recours portés devant les tribunaux administratifs - et qu'au plan européen, la CSPE pourrait être contestée pour son absence de finalité spécifique tandis que ses mécanismes de plafonnement au bénéfice des entreprises font déjà l'objet d'une enquête formelle de la Commission européenne.
Pour obtenir un rendement équivalent à celui de l'actuelle CSPE, soit 8 milliards d'euros en année pleine, il a cependant fallu modifier largement la TICFE dont le taux de 0,5 euro par MWh et l'assiette limitée aux puissances souscrites supérieures à 250 kVA - c'est-à-dire les « les tarifs verts » - ne généraient, en 2014, qu'un produit de 61 millions d'euros.
La nouvelle taxe issue de la fusion de la TICFE et de la CSPE, et renommée nouvelle « CSPE » - j'y reviendrai - portera désormais sur toutes les puissances souscrites, comme l'actuelle CSPE, et son taux sera de 22,5 euros par MWh, soit le tarif prévu pour la CSPE en 2016. D'autres modifications techniques sont aussi rendues nécessaires, qu'il s'agisse d'adapter les modalités de paiement pour ne pas peser sur les fonds de roulement des opérateurs ou du traitement des impayés de CSPE, dont les fournisseurs seront désormais redevables comme c'est le cas pour toutes les accises. Actuellement, un consommateur qui ne règle pas sa facture d'électricité ne contribue pas au financement de la CSPE. Demain, l'opérateur, quand bien même celui-ci ne serait pas payé par le consommateur, devra verser la CSPE correspondant à cette consommation. Je vous proposerai également trois amendements de simplification des modalités techniques de la réforme.
Surtout, le basculement sur la TICFE oblige à revenir sur les deux mécanismes de plafonnement de CSPE au profit des entreprises grandes consommatrices d'électricité, qui ne peuvent être dupliqués dans le nouveau régime en application du droit européen. Jusqu'à présent, la CSPE était plafonnée par site à un peu plus de 600 000 euros - 627 783 euros au 1er janvier 2015 - ou à 0,5 % de la valeur ajoutée pour les entreprises consommant plus de 7 GWh.
Pour neutraliser les effets de la suppression de ces deux plafonds, trois types de taux réduits sont désormais prévus : des tarifs réduits et dégressifs, selon la part de la consommation électrique dans la valeur ajoutée, pour les industries électro-intensives, qui vont de 7,5 euros à 2 euros par MWh ; un tarif super-réduit à 0,5 euros par MWh pour les installations hyper-électro-intensives ; enfin, une seconde catégorie de tarifs réduits « bonifiés » par rapport aux tarifs réduits de base pour les électro-intensifs particulièrement exposés à la concurrence internationale, qui vont d'1 euro à 5,5 euros par MWh.
S'il faut donner acte au Gouvernement de ses efforts pour limiter au maximum les effets de transferts dans un cadre contraint par le droit communautaire, et ainsi ne pas perdre le bénéfice des nombreuses dispositions adoptées au cours des derniers mois en faveur des électro-intensifs, le dispositif proposé laisse cependant subsister un surcoût résiduel - de l'ordre de 43 millions d'euros au total - pour certaines entreprises grandes consommatrices faiblement exposées à la concurrence internationale. À l'opposé, certaines entreprises seront gagnantes, en particulier parmi les industries lourdes qui bénéficieront du maintien de certaines exemptions de l'actuelle TICFE.
Au total, si ces deux premiers points - budgétisation et sécurisation juridique - valident rétrospectivement l'analyse faite par le Sénat lors de l'examen de la loi « Transition énergétique » et que l'on ne peut donc que s'en féliciter, on regrettera sur la forme, qu'une réforme aussi structurante soit examinée dans les délais toujours contraints d'un « collectif » de fin d'année ; que, ce faisant, le Gouvernement détourne le « collectif » de son objet initial, c'est-à-dire l'ajustement des dépenses et des recettes de l'année 2015, pour introduire une réforme qui ne produira d'effets qu'en 2016, d'où la nécessité d'adopter des mesures de coordination dans la loi de finances initiale, ce qui nuit à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire ; qu'enfin, il ne soit prévu d'introduire lesdites mesures de coordination qu'en nouvelle lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, ce qui fait assez peu de cas du Parlement en général et du Sénat en particulier. Du reste, on notera que dans ce schéma, le Gouvernement présumait par avance d'un échec de la commission mixte paritaire.
Enfin, l'élargissement de l'assiette, à partir de 2017, du financement des énergies renouvelables aux énergies fossiles constitue le troisième point de cette réforme. En contrepartie de la stabilisation de la fiscalité sur l'électricité à son niveau de 2016, soit 22,5 euros par MWh, les énergies carbonées contribueront au financement de la transition énergétique par l'affectation au CAS nouvellement créé d'une part du produit de la « composante carbone » des taxes intérieures de consommation.
En 2017, cette « part carbone » ou « contribution climat-énergie » (CCE) sera relevée sur la base d'une valeur théorique de la tonne de carbone de 30,5 euros, contre 22 euros en 2016, soit une évolution conforme à la trajectoire introduite par le Sénat dans la loi « Transition énergétique ». L'affectation d'une partie de son rendement au financement des énergies renouvelables électriques paraît en outre légitime, d'abord parce qu'il est logique que les énergies carbonées contribuent à la décarbonation de l'économie, ensuite parce qu'il serait paradoxal de faire porter cette charge uniquement sur l'électricité, qui est déjà le vecteur énergétique le moins carboné, grâce au nucléaire et à l'hydraulique.
Cependant, en dépit de l'intention exprimée par le Gouvernement de « flécher » une partie de ce produit vers le financement de la transition énergétique, aucune précision sur le montant de cette part ni sur ses modalités d'affectation ne figurait dans le texte initial du projet de loi. Si un premier amendement a été adopté à l'Assemblée nationale pour affecter au CAS, à compter de 2017, une part de la fiscalité sur les énergies fossiles, le montant proposé - environ 160 millions d'euros - paraît très insuffisant. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de relever ce montant à la hauteur des charges prévisionnelles telles que nous pouvons les anticiper aujourd'hui, de façon à sécuriser la réforme dès à présent, même s'il sera bien entendu toujours temps d'ajuster les sommes en cause dans la loi de finances de l'an prochain.
Reste une difficulté majeure : en l'état, le relèvement de la CCE prévu pour 2017 ne fait l'objet d'aucune mesure de compensation, ce qui est contraire tant au principe de compensation intégrale retenu à sa création qu'aux exigences posées par le législateur. Pour mémoire, à la création de la CCE, il a été prévu que les 4 milliards d'euros de recettes attendues en 2016 seraient « restitués » aux entreprises au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), pour 3 milliards d'euros, et aux ménages, via les taux réduits de TVA sur les travaux de rénovation énergétique et en faveur du logement social et du logement intermédiaire, pour un milliard d'euros.
Cette exigence de compensation est du reste posée par deux lois : la loi « Grenelle I », votée à l'unanimité par le Parlement, et la loi « Transition énergétique » qui prévoit spécifiquement que « l'élargissement progressif de la part carbone [est] compensé, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus ».
Selon le Gouvernement, la hausse de la CCE serait compensée par la stabilisation de la fiscalité électrique à partir de 2017, et donc par l'annulation d'une hausse annuelle de 3 euros par MWh présentée comme « automatique », ce qu'elle n'est pas en réalité. Or, même en admettant cette conception extensive de la compensation d'une hausse par l'annulation d'une autre hausse prévisible, le produit généré par l'augmentation de la CCE - 1,9 milliard d'euros par an - resterait supérieur à celui d'une hausse de CSPE - 1,085 milliard d'euros.
Au total, selon les calculs de votre commission qui ont fait l'objet d'une vérification par la Commission des finances, la réforme entendue au sens large - refonte de la CSPE et relèvement de la composante carbone - générerait un surcroît de recettes non compensé de 755 millions d'euros en 2017 et de près d'1,6 milliard en 2018. Cet outil juridique permet ainsi d'obtenir des recettes plus importantes que les dépenses ; l'horizon s'éclaircit !
Afin d'assurer une compensation intégrale en 2017, je vous proposerai donc une baisse du tarif de la nouvelle CSPE en 2017. Ainsi, les recettes générées par l'ajustement que je viens de vous évoquer permettrait de diminuer le coût de l'électricité pour le consommateur.
En outre, l'élargissement de l'assiette induira certains effets de transferts qu'il est cependant difficile d'évaluer avec précision, au détriment des ménages chauffés au fioul ou au gaz et de ceux qui roulent au diesel de façon importante. Enfin, on regrettera que les produits issus de la biomasse ne soient pas globalement exemptés de ce relèvement conformément à la précision que nous avions introduite dans la loi, et même si une telle différenciation des produits s'avère difficile à mettre en oeuvre techniquement.
Voilà ce qui caractérise le volet CSPE. J'en viens à présent à la fiscalité des carburants. Après une première mesure inscrite dans le projet de loi de finances pour 2016, plusieurs dispositions modifient à nouveau la fiscalité sur les carburants, parfois de façon concurrente sur une même année, ce qui les rend particulièrement peu lisibles.
Dans la perspective du rapprochement décidé par le Gouvernement des fiscalités de l'essence et du diesel en cinq ans, la modulation tarifaire « plus un centime sur le diesel, moins un centime sur l'essence », déjà prévue pour 2016 en loi de finances initiale, est reconduite en 2017 par le présent texte. Compte tenu de la forte diésélisation du parc automobile actuel, cette modulation rapporte chaque année environ 245 millions de recettes supplémentaires. Or, si ses effets sur 2016 doivent être compensés par un allègement de la fiscalité locale des contribuables modestes, et notamment des retraités, et par un renforcement de la prime à la conversion des vieux diesels, rien n'a encore été annoncé pour couvrir la hausse de 2017.
Afin d'encourager l'incorporation de biocarburants et d'offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs, une autre modulation tarifaire, d'ailleurs annoncée dans le cadre du plan d'urgence pour l'agriculture, s'appliquera également en 2016 : elle consiste à baisser d'un centime les taxes sur l'essence dite « E10 » contenant jusqu'à 10 % d'éthanol, et à augmenter d'un centime celles pesant sur les essences « classiques », ce qui revient en partie sur la première modulation.
Ainsi, en combinant les deux modulations prévues en 2016, les taxes sur l'essence et le diesel évolueront donc de la façon suivante : un centime supplémentaire pour le diesel, une fiscalité inchangée sur les essences « classiques », la seconde modulation annulant l'effet de la première, et une baisse de deux centimes sur l'E10.
En ajoutant l'évolution de la CCE déjà votée et applicable en 2016, la fiscalité sur le gazole augmentera au total de 3 centimes d'euros par litre en 2016 - 3,6 centimes TVA comprise -, celle sur l'essence hors E10 d'1,7 centime, tandis que l'E10 ne baissera que de 0,3 centime.
Comme notre rapporteur pour avis M. Bruno Sido l'avait déjà souligné lors de l'examen de la loi de finances, ces mouvements successifs décidés à quelques jours ou semaines d'intervalle dénotent une absence de stratégie globale du Gouvernement sur la fiscalité des carburants, qui semble naviguer à vue au gré de l'actualité, et notamment en fonction du « scandale Volkswagen ».
Au surplus, la complexité du dispositif résultant de la juxtaposition de ces différentes mesures nuit à la lisibilité de l'action publique, au point que le Gouvernement lui-même a dû déposer, à l'Assemblée nationale, un amendement pour fusionner ces dispositions, afin de permettre une lecture directe des tarifs applicables au 1er janvier 2016.
Enfin, un amendement adopté à l'Assemblée nationale, sur proposition du groupe écologiste et contre l'avis du Gouvernement, a prévu d'aligner en deux ans la déductibilité pour les entreprises de la TVA sur l'essence sur celle du diesel, ce qui déstabiliserait un marché fragilisé par la désaffection croissante des particuliers pour le diesel - dont la part est tombée de 72 % des immatriculations en 2012 à 54 % en octobre dernier - et pénaliserait fortement les constructeurs français, qui ont déjà perdu sur la même période 1,5 point de parts de marché, et alors même que le rapprochement des fiscalités engagé par le Gouvernement constitue déjà un signal fort en faveur d'un rééquilibrage du marché. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de supprimer cet article.
Afin d'acter la part prépondérante prise par les dépenses de soutien aux énergies renouvelables dans la CSPE, je vous soumettrai enfin un amendement pour en modifier le nom et l'appeler par ce qu'elle est très majoritairement, c'est-à-dire une « contribution au financement de la transition énergétique » (CFTE).
J'en ai ainsi terminé pour ce qui est de mon rapport mais tout devrait vous paraître, mes chers collègues, plus limpide encore, à la lumière du schéma qui vous est maintenant distribué.
Je vais rapidement vous commenter ce schéma. Si vous le permettez, je vais employer des métaphores fromagères : ce schéma contient des camemberts - camembert étant d'ailleurs le nom d'une commune de mon département où est né ce délicieux fromage mondialement célèbre - et se subdivise en trois segments temporels : l'année 2015 dans laquelle nous sommes, l'année 2016 marquée par la budgétisation et par la sécurisation juridique de la CSPE et, enfin, l'année 2017 durant laquelle devrait se produire l'élargissement de l'assiette.
S'agissant de la CSPE actuelle qui représente, en 2016, 7 milliards d'euros de charges au titre de 2016et 9,8 milliards d'euros si l'on inclut la régularisation de la dette au titre de 2014, les frais financiers et de gestion, le budget du Médiateur national de l'énergie, celle-ci donne lieu, dans le collectif budgétaire, à une autre configuration qu'on appellera « nouvelle CSPE ». En 2016, étape de la budgétisation, le camembert se décompose en deux entités plus restreintes assimilables, en filant à nouveau la métaphore fromagère, à un livarot et à un petit chèvre. La somme demeure la même mais elle se décompose en compte d'affectation spéciale « transition énergétique » qui s'élève à 4,4 milliards d'euros et est destiné au financement, à hauteur de 83,1 %, des énergies renouvelables et, à 16,9 %, au remboursement de la dette due à EDF. Ce premier ensemble est complété par un second, plus petit, inscrit au programme « service public de l'énergie » et abondé à hauteur de 2,05 milliards d'euros ; cette somme permettra d'assumer les différentes missions que sont la péréquation tarifaire, le soutien à la cogénération, les dispositions sociales, la compensation carbone, les frais de support ainsi que le budget du Médiateur. En 2017, l'assiette est encore élargie comme le reflète l'addition d'un troisième graphique plus petit encore, qui serait, toujours en filant la métaphore fromagère, ce que serait un chabichou comparé au livarot de l'année 2016 et aux camemberts de l'année 2015 et qui correspond à l'abondement du compte d'affectation spéciale par une partie de la CCE