Intervention de Jean-Michel Naulot

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 26 novembre 2015 : 1ère réunion
Audition de jean-michel naulot ancien banquier ancien membre du collège de l'autorité des marchés financiers

Jean-Michel Naulot, ancien banquier, ancien membre du Collège de l'Autorité des marchés financiers :

Absolument.

Le VIX, qui est l'indice de volatilité du marché financier américain, reflète le niveau de stress des investisseurs. Au mois de juin 2007, c'est-à-dire deux mois avant ce fameux 9 août 2007 qui marqua le début de la crise systémique - j'étais alors de permanence à l'AMF et chacun sentait le sol trembler sous ses pieds -, cet indice se situait à son plus bas historique, c'est-à-dire un peu au-dessous de son niveau actuel. Un an plus tard, il sera à son plus haut. À l'évidence, les marchés ne jouaient plus leur rôle d'anticipation des risques.

Deuxième élément étonnant : au printemps 2007, les marchés connaissaient une situation de surliquidité. Comme aujourd'hui. N'écoutez pas ceux qui vous disent qu'il y a un problème de liquidités dans les marchés, de distribution de crédit. Les multinationales n'ont actuellement aucun problème de financement, les marges, pour les mieux notées d'entre elles, sont du même ordre que celles du printemps 2007. Abondance de liquidités, donc. Or le lendemain, même pas le surlendemain, de la faillite de Lehman Brothers, le monde a fait face à une pénurie de liquidités : tout s'est arrêté. Au cours des trois mois suivants, tout nouveau crédit se décidait au niveau du président, et encore, à l'arraché.

Cet élément est important. Comment expliquer ce paradoxe d'une pénurie brutale de liquidités alors que le système financier connaissait un excès de liquidités ? En réalité, c'est cette surabondance de liquidités qui l'a fragilisé, car, dès lors que les possibilités de rendements se raréfient, on cherche à placer les liquidités là où elles subsistent, c'est-à-dire, généralement, dans des activités à risque. Comme le disait un de mes amis de conviction libérale, « quand l'argent ne coûte rien, on ne peut faire que des bêtises ».

Troisième élément : la transmission de la crise financière à l'économie dite « réelle », comme en 2001-2003 du reste, mais de manière beaucoup plus intense. Tout est allé extrêmement vite. Il ne se passait pas quinze jours sans que les prévisions de profits des groupes faites par les analystes financiers soient réajustées à la baisse.

Compte tenu de la situation actuelle, mon discours n'est pas franchement optimiste. Les analogies que j'ai pu établir entre la crise de 1929, celle de 2007 et la situation actuelle me conduisent à penser que les signes caractéristiques d'une crise systémique restent prégnants aujourd'hui : une dette élevée, des liquidités abondantes, un retard dans la régulation. Le problème est de savoir quand la bulle va éclater ; comme aurait dit Keynes, il ne manque qu'une petite aiguille pour venir la crever.

Aujourd'hui, comme en 1929 et 2007, la dette privée atteint des niveaux très élevés. Or peu de monde en parle, il n'est question que de la dette publique. Les pays vertueux en matière de dette publique sont souvent ceux, Allemagne à part, qui affichent une dette privée très élevée : Canada, Australie, Pays-Bas, Danemark. Un regard sur le passé montre que c'est souvent la dette privée qui provoque les crises, comme en 1929, comme en 2007. Le niveau de dette publique en zone euro, avant la crise de 2007, avant celle de 2010, était extrêmement raisonnable. En 2007, la dette publique française ne représentait que 64 % du PIB.

De nos jours, le niveau de la dette, publique comme privée, atteint des sommets. Contrairement à ce que prétendent certains journaux, la dette publique des États-Unis est très importante : si l'on ajoute à la dette fédérale, 105 % du PIB, la dette des collectivités locales et celle des États, le total monte à près de 125 %. La dette globale, publique et privée, est considérable. La situation est analogue au Royaume-Uni et au Japon, qui bat tous les records. Le niveau de la dette dans la zone euro est historique, inédit. Voilà qui est tout de même extrêmement préoccupant.

Deuxième phénomène inquiétant : l'abondance de liquidités. Ne l'oublions pas, les banques privées créent de la monnaie à l'instar des banques centrales. De 2000 à 2007, le régulateur prudentiel a poussé les banques à créer énormément de monnaie. À l'époque, 90 % de la création monétaire venaient des banques. D'où un effet de levier massif. Récemment, les modalités de calcul des ratios prudentiels des banques ont été durcies. Celles-ci créent beaucoup moins de monnaie.

En ce qui concerne la « monnaie banque centrale », la base monétaire, elle peut prendre trois directions. Soit l'économie réelle, via les banques. Soit la Banque centrale européenne (BCE). Je lisais ce matin un article sur le site de L'Agefi selon lequel la BCE devrait probablement annoncer un durcissement de son taux, négatif, auquel elle rémunère les réserves déposées par les banques. Ce taux, actuellement fixé à -0,2 %, passerait à -0,4 %, voire -0,5 %. On commence vraiment à marcher sur la tête ! L'objectif est d'empêcher les banques d'aller placer leurs liquidités à la BCE. Lorsque la monnaie ne va qu'un tout petit peu vers l'économie réelle et moins à la BCE, elle va dans la troisième direction que sont les actifs financiers - financement des hedge funds, etc. C'est ce qui se produit depuis quelques années.

Troisième et dernière caractéristique de la période récente : le retard dans la régulation. C'est le point essentiel de mon livre, ce qui m'a mis dans une franche colère ces dernières années. Par rapport à la feuille de route fixée lors du G20 qui s'est tenu le 2 avril 2009, l'Europe a fait à peu près le tiers du chemin - hommage en soit rendu à mon ami Michel Barnier, qui s'est battu courageusement -, les États-Unis, le quart. J'étais admiratif de ce que faisait Obama au cours de sa première année de mandat, mais j'ai rapidement déchanté : tout s'est arrêté avec le vote de la loi Dodd-Frank en juillet 2010 et les transpositions qui ont suivi.

Finalement, l'un des points les plus inquiétants, c'est l'influence des lobbies financiers, que j'ai vu constamment à l'oeuvre, notamment à Bruxelles, et qui freine les velléités d'action des gouvernements et des parlementaires européens. Ils sont cependant dans leur rôle et exercent, pour certains, leur mission avec beaucoup d'habileté.

Fort de mon expérience de régulateur, j'ai résumé les neuf manières d'exercer ce « travail de conviction » auprès de l'autorité politique.

Premièrement : pratiquer la connivence. Ce que j'appelle le « lobbying mondain » : invitation à déjeuner, en week-end ; au début, on ne parle jamais de finance, le sujet n'est abordé que très progressivement. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'il a été nommé, j'avais conseillé à Michel Barnier de refuser toute invitation dès le départ, et c'est ce qu'il a fait.

Deuxièmement : profiter du déséquilibre des rapports de force. Il se trouve que les régulateurs britanniques sont deux à trois fois plus nombreux que leurs homologues allemands ou français au sein des différents groupes de travail et autres task forces. En plus, on y parle l'anglais, donc vous comprendrez qu'ils excellent dans l'art de la sémantique, toujours prompts à proposer, ici, un changement de mot, là, un ajout de virgule. C'est un véritable travail d'orfèvre et, reconnaissons-le, ils sont d'une compétence redoutable.

Troisièmement : gagner du temps. Systématiquement, les lobbyistes s'attachent à retarder la sortie des textes en posant toutes sortes de questions. Michel Barnier avait pour habitude d'appeler cela « le temps de la démocratie ». Je lui préférais la formule « le temps des lobbies ».

Quatrièmement : détourner de leur objet les études d'impact. Avant la mise en oeuvre de tout texte réglementaire, aux États-Unis comme en Europe, est lancée une étude d'impact, une consultation de place. Normalement, cette consultation doit permettre au régulateur de vérifier qu'il n'a pas fait d'erreurs dans son texte. Mais naturellement les lobbies utilisent cette procédure pour tenter de remettre en cause l'essentiel.

Pour ne pas avoir à appliquer un texte, il n'y a rien de mieux que de le dénaturer en le complexifiant au maximum. Au début de son premier mandat, le président Obama avait chargé l'un de ses conseillers, Paul Volcker, de préparer un texte sur l'interdiction du prop trading, la spéculation pour compte propre des banques. Après son examen par le Congrès, il était passé de trente-neuf pages à trois cents pages. Paul Volcker avait donné cette explication : « Il fallait répondre aux questions posées par les lobbyistes. Et après, avait-il ajouté, ils disent que c'est trop compliqué, qu'ils ne peuvent pas l'appliquer ».

Cinquièmement : faire preuve d'une innovation financière sans limites. Le phénomène s'est accéléré depuis 2007, par exemple dans le domaine du trading à haute fréquence. J'ai en mémoire un exemple particulièrement parlant : l'AMF avait refusé d'accorder son agrément à un fonds collectif lancé par une très grande banque de la place, qu'elle jugeait illisible, trop complexe et risqué pour les investisseurs ; trois semaines après, elle l'a vu revenir sous l'appellation EMTN - Euro Medium Term Note -, c'est-à-dire une obligation structurée échappant à toute réglementation. Voilà le jeu auquel se livrent parfois les professionnels et qui rend notre métier difficile.

Sixièmement : se prévaloir de la transparence. Il faut se méfier de ceux qui ne cessent de plaider en faveur de l'éthique, de la transparence, car c'est souvent un moyen détourné pour ne pas agir sur l'essentiel. Les Anglo-Saxons sont très férus de transparence.

Septièmement : avancer le risque d'une atteinte à la liquidité du marché. C'est le refrain entonné, dans neuf cas sur dix, pour freiner toute velléité de réforme. Cela a commencé en 2009-2010 avec le problème des ventes à découvert.

Huitièmement : défendre le market making quel que soit le sujet de la réforme. Il faut le savoir, la qualification de market maker - être contrepartie des activités clientèle - ouvre la voie à toutes sortes de dérogations réglementaires.

Neuvièmement : préserver la compétitivité de place. Ce qui m'a le plus marqué au cours de mes dix années à l'AMF, c'est le fait que, sur chaque projet de réforme des structures bancaires et des marchés financiers, les professionnels, mais aussi les gouvernements, brandissent le risque de porter atteinte à la compétitivité des banques.

Je le dis très modestement, je m'étais fixé une ligne rouge à ne pas franchir : la compétitivité de place doit passer après la prise en compte du risque systémique. C'était pour moi essentiel. Je me dois, par exemple, de rappeler que quatre banques françaises détiennent aujourd'hui l'équivalent de quarante fois le PIB français en encours notionnels de produits dérivés dans leur hors-bilan. D'aucuns rétorquent que, si les banques françaises ne le font pas, les banques américaines vont le faire. C'est ce type de raisonnement qui tue toute évolution de la réglementation.

La douzaine de chantiers sur lesquels travaillent les régulateurs depuis la crise représentent un travail considérable. Je vais donc me contenter de les citer. Il y a bien sûr la réforme des banques, qui comprend elle-même plusieurs chantiers. De nouvelles règles prudentielles visent notamment à augmenter les ratios de fonds propres. C'est une simple remise à niveau après les excès des années 2000. La mise en place progressive de l'union bancaire s'articule autour de trois volets que sont la supervision, la résolution et la garantie des dépôts. On peut relever que cette dernière s'élève, en France, à 100 000 euros au lieu de 250 000 dollars aux États-Unis. La Commission européenne propose de mutualiser cette garantie. Il a été décidé de mettre à contribution, en cas de difficultés d'une banque, les dépôts supérieurs à cette garantie de 100 000 euros, soit un seuil relativement bas.

Pour ce qui concerne la réforme des structures bancaires, actuellement en discussion au Parlement et au Conseil européens, ma conviction est faite : il faut interdire le prop trading - opérations pour compte propre des banques systémiques - et acter la séparation des activités les plus risquées. Je crains que cela n'aboutisse pas.

Les hedge funds, tout comme le trading à haute fréquence et les produits dérivés, nous exposent à un risque qui peut être systémique. Le problème de la liquidité des chambres de compensation en cas de crise n'est toujours pas réglé. Pour la régulation des marchés de matières premières, des réformes simples auraient pu être décidées. On a préféré multiplier les dérogations. En 2007-2008, tous les prix suivaient la même courbe de variation, on se demande pourquoi : multiplication par deux, division par trois en très peu de temps. Lorsqu'il était ministre de l'agriculture avant de devenir commissaire européen, Michel Barnier m'avait dit vouloir s'atteler en priorité aux conditions de fonctionnement des marchés de matières premières. Aujourd'hui, le bilan est malheureusement très décevant tant les lobbies ont été actifs.

La Mifid II est l'abréviation de la directive sur les marchés d'instruments financiers, sur laquelle la Commission travaille depuis 2010. La Mifid I, qui dérégulait complètement les marchés des actions, a été publiée en novembre 2007, alors que nous étions déjà en pleine crise. Au moment de sa prise de fonctions, en 2004, le commissaire Charlie McCreevy avait affirmé qu'au cours de son mandat il faudrait « faire un effort permanent pour s'assurer que les marchés ne sont pas trop régulés ». Ce fut un succès total... La Mifid II est censée entrer en application en janvier 2017, certains parlent même de janvier 2018. Huit années, cela illustre bien ce que j'appelais le « temps des lobbies ».

Je voudrais souligner l'ampleur prise par le phénomène du shadow banking. Il représenterait, selon le chiffre officiel que je rappelle dans mon livre, 25 % de la finance mondiale. Je pense que la vérité est plus proche du tiers, voire pas loin de la moitié. La semaine dernière, Benoît Coeuré a cité le chiffre de 38 %, ce qui m'a surpris de la part d'une autorité officielle, membre du directoire de la BCE.

Enfin, je ne peux manquer de souligner, même très brièvement, les dysfonctionnements du marché du carbone, sujet important en cette période de COP 21.

J'en viens aux questions de gouvernance.

En 2008-2009, les communiqués du G20 étaient à ce point remarquables que je les avais presque appris par coeur : d'une très grande précision, je sentais que chaque mot avait été soigneusement pesé. Un bémol, cependant, sur celui du 2 avril 2009. Le G20 avait prévu le contrôle, en matière de hedge funds, des gérants « et » des fonds. Au dernier moment, les Anglais ont fait remplacer « et » par « ou » ; résultat : seuls les gérants, tous basés à Londres, font l'objet de contrôles, et personne ne se penche sur les fonds, majoritairement situés dans les paradis fiscaux.

Cela étant, les textes étaient tout à la fois contraignants et d'une grande clarté, et traduisaient une réelle volonté politique. Je repense à cette période comme à un rayon de soleil dans une atmosphère fort pénible. Force est de constater, depuis, que les communiqués du G20 ne font plus référence aux questions financières. Le G20 se concentre sur les enjeux géopolitiques et a délégué son travail au Conseil de stabilité financière. La grande différence, c'est que ce dernier est composé essentiellement de représentants des banques centrales, même si les gouvernements sont présents. Il est aujourd'hui présidé par Mark Carney, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, le même qui, l'année dernière, s'était dit prêt à développer, si nécessaire, le shadow banking pour développer la place de Londres.

Je me suis posé la question : puisque le G20 ne joue plus son rôle, ne faudrait-il pas envisager la mise en place d'un organisme indépendant, qui puisse faire un rappel à l'ordre sur les chantiers en cours ?

Le Comité de Bâle réunit les experts des banques centrales autour de la régulation prudentielle. Les normes arrêtées sont ensuite validées au travers de directives. Ainsi, le 26 juin 2004, le Comité de Bâle a adopté un dispositif, dit de « pondération des risques », qui a révolutionné la régulation des banques et qui subsiste aujourd'hui. Aucun débat n'a eu lieu. La directive est entrée en application en 2006 et personne, en dehors des cercles d'experts, n'en discute aujourd'hui. Ne serait-il pas normal que le commissaire assiste aux réunions les plus importantes ? Michel Barnier avait exigé d'être présent à celles de l'autorité comptable internationale, l'IASB, même si elles étaient très techniques.

Le Comité européen des risques systémiques (CERS) constitue un outil de surveillance très important. Sa création avait été recommandée dans un rapport de 2008 rédigé par Jacques de Larosière. Il est chargé de faire de la prospective sur les risques. Une structure analogue existe aux États-Unis, disposant d'un effectif extrêmement restreint : quinze personnes, dont dix ont le droit de vote. Elle est présidée par le secrétaire américain au Trésor, autrement dit l'exécutif, entouré de Janet Yelen et des présidents des autorités de régulation.

En Europe, le CERS réunit une centaine de personnes. La BCE, par l'intermédiaire de Mario Draghi, en assure la présidence. Estimant qu'elle prévient déjà parfaitement tous les risques, elle cherche à réduire ce comité à sa plus simple expression. Là aussi, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, l'autorité politique est complètement absente. Ce Comité européen des risques systémiques devrait être présidé soit par le président du Conseil européen, soit par le commissaire aux marchés financiers, en tout cas par une autorité politique. Il faut une représentation plus importante de l'autorité politique, ne serait-ce que pour lui permettre d'en savoir davantage sur ce qu'il se passe réellement dans le monde de la finance.

Par ailleurs, vous avez certainement entendu parler du projet d'Union des marchés de capitaux (UMC). C'est l'objectif de la mandature en matière de régulation financière à Bruxelles. Là encore, la question de la gouvernance se pose : les gouvernements européens ont-ils véritablement eu leur mot à dire ? Y a-t-il eu débat ? La première fois que Jean-Claude Juncker l'a évoqué, c'était en juillet 2014, quatre mois avant que la nouvelle mandature soit en place. Juncker s'était auparavant occupé de la place luxembourgeoise. Pour l'épauler, il peut compter sur le Commissaire européen à la stabilité financière, aux services financiers et à l'Union des marchés de capitaux, qui n'est autre que Jonathan Hill, très lié tout de même à la City.

Tous deux ont décidé de réviser, si nécessaire, certains des textes établis par la mandature précédente, que je trouve déjà fort insuffisants. Pour leur projet d'UMC, ils souhaitent en fait s'inspirer du modèle anglo-saxon. Actuellement, en Europe, les trois quarts du financement viennent des banques et le reste du marché. L'idée est non pas d'inverser ce rapport, Juncker et Hill prônent un ratio de 60-40, mais de donner beaucoup plus d'importance aux marchés, par le développement de la titrisation, des placements privés, etc. De par mon expérience, je peux dire que l'évolution ne pourra être que marginale. En outre, il revient aux banques, qui connaissent les risques sur les contreparties, de faire leur métier, faute de quoi on affaiblit le système.

Dernière remarque à propos de la gouvernance : les trois institutions européennes qui arrêtent les textes législatifs dans le cadre du trilogue ne laissent que peu de place aux parlements nationaux. La persistance des risques financiers ne devrait-elle pas inciter les parlementaires à s'exprimer ?

Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, si j'ai comparé la finance mondiale à une « énorme centrale nucléaire bâtie en dehors de toutes normes de sécurité », c'est parce que j'ai ressenti les choses de cette façon en tant que banquier. Je suis convaincu que, avec quelques mesures simples, sur chacun des dossiers que j'évoquais, il est possible de corriger la situation actuelle. Ayons bien à l'esprit que les financements interbancaires ont cessé dès le lendemain de la faillite de Lehman Brothers. Je me répète, dès lors que la confiance disparaît et que les liquidités sont surabondantes, le système est fragilisé.

L'ensemble des produits dérivés, gérés par dix-huit grandes banques internationales, représente un montant de 720 000 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 80 000 milliards de dollars qui passent par les marchés organisés. Au total, cela fait 800 000 milliards de dollars, soit dix fois le PIB mondial. En 2007, les montants étaient exactement les mêmes. Ces produits dérivés sont échangés à 90 % entre établissements financiers : l'interconnexion, elle est là. Comment peut-on les considérer comme des instruments de couverture au service de l'économie réelle quand la part avec les entreprises ne s'élève qu'à 7 % ou 8 % ?

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