Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h45
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 2015 restera comme une année noire au cours de laquelle l’Union européenne a évité le naufrage.

La crise ukrainienne, la Grèce, la zone euro, les migrants, les attentats, ont conduit le projet européen au bord du désastre.

Les eurosceptiques clameront malicieusement que la seule Europe qui fonctionne est celle des terroristes, qui circulent entre les États membres et les zones de combat, échangent leurs informations, mutualisent leurs moyens…

Quant aux optimistes – dont je suis, je vous rassure –, ils noteront que, dans l’épreuve, se révèlent souvent les hommes et la solidité des institutions.

L’Europe est donc à la croisée des chemins. Nous pouvons encore éviter sa dislocation, à condition d’être lucides et d’avoir du courage.

Le prochain Conseil européen sera notamment consacré à la crise des migrants. Un sujet complexe, tragique, mais qui n’est que la conséquence de politiques plus générales en matière de sécurité et de défense, de frontières et d’affaires étrangères pour lesquelles l’Union européenne paie comptant ses renoncements ou ses incohérences.

Sur ces faiblesses, l’Union européenne est même violemment attaquée de l’intérieur, pour ses valeurs qu’elle voulait pourtant universelles et sur la base desquelles elle s’est bâtie.

Sur tous ces dossiers, le temps presse désormais. Dans de nombreux États membres, les populations craignent une situation incontrôlable et ont le sentiment que l’Europe les abandonne tout en exigeant des efforts supplémentaires.

À côté des déboires de l’Italie submergée, il faut aussi se représenter la situation en Grèce. Ce pays, exsangue, doit faire face à l’afflux de migrants. Outre le retard grec pris dans la mise en place des hot spots, j’entends que l’enregistrement de milliers d’arrivants se ferait en quelques heures seulement : le relevé électronique des empreintes serait très insuffisant, les ordinateurs manqueraient et la détection de faux documents administratifs resterait très difficile...

Monsieur le secrétaire d’État, quel citoyen européen peut entendre que la sécurité aux frontières extérieures de l’Union soit au mieux l’impuissance, au pire l’anarchie ? Comment progresse, au niveau de l’Union européenne, le projet de création d’un corps de gardes-frontières, à même d’améliorer la situation ?

La France a dit sa disponibilité pour déléguer en Grèce, en Italie, des moyens de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour que les hot spots se mettent en place le plus rapidement possible. Pouvez-vous nous préciser les choses ?

Le passage « aisé » par la Grèce des kamikazes du Stade de France montre combien les problématiques sécuritaires et migratoires sont liées.

En outre, il est impératif que les contrôles permettent de distinguer les réfugiés des migrants économiques. Et si ces derniers ne sont pas éloignés, les hot spots seront rapidement congestionnés, faisant place à des situations qui risquent de dégénérer.

Les autorités européennes menaceraient la Grèce de suspension, voire d’exclusion de l’espace Schengen ? Qu’en est-il vraiment et quelle sera la position de la France ?

Comment en est-on arrivé là ? Gardons à l’esprit que ne pas voir à temps la réalité, c’est s’obliger à toujours devoir courir après, se condamner à l’urgence au détriment de l’anticipation.

Face à cette situation dégradée, je relève quelques avancées, s’agissant notamment du budget de FRONTEX ou du renforcement du fonds Asile, migration et intégration et du fonds pour la sécurité intérieure.

L’opération navale EUNAVFOR Med, désormais baptisée « Sophia », se déploie en Méditerranée avec le concours de la France. Les poursuites pénales devront suivre contre les réseaux criminels. Il faudra aussi agir au plus près des réseaux, dans les eaux territoriales libyennes. Pour ce faire, monsieur le secrétaire d’État, le projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies avance-t-il ?

Les rencontres entre les dirigeants européens se multiplient. Un accord a également été trouvé avec la Turquie, ce dont je me félicite. Je souhaite néanmoins que la France s’implique pour suivre l’application effective des mesures annoncées afin qu’elles ne restent pas lettre morte.

Il faut à l’Europe éviter un conflit gelé sur ses frontières et sans doute repenser le Partenariat oriental – j’ai à l’esprit ce qui se passe actuellement en Ukraine – pour qu’il soit davantage un outil au service de la stabilité régionale, sans négliger la Russie.

Pour être autre chose qu’un vaste supermarché, l’Union européenne devra enfin s’affirmer en tant que puissance politique dans un monde en reconfiguration.

En ces moments difficiles, nous avons peut-être une chance historique d’y parvenir !

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