Intervention de Michel Delebarre

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h45
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé les heures tragiques qu’a connues notre pays tout au long de l’année 2015. Malheureusement, tous les États membres de l’Union sont aujourd’hui concernés par la menace terroriste. Tous ont conscience de la nécessité, dans ce domaine comme dans d’autres, de renforcer la coopération et les échanges au sein de l’Union, afin de lutter contre ce fléau qui menace directement les fondements démocratiques de notre système politique.

À cet égard, vous me permettrez de regretter en préambule que le temps réservé dans ce débat aux différents groupes politiques ait été fixé à cinq minutes, soit de manière inversement proportionnelle à la gravité des enjeux qui nous occupent aujourd’hui. Je serai donc contraint de concentrer mon propos sur deux sujets essentiels aux yeux des sénateurs socialistes, à savoir la crise migratoire et la lutte contre le terrorisme.

En premier lieu, je voudrais rappeler avec force qu’établir un parallèle entre l’arrivée des migrants sur notre continent et les récents attentats serait non seulement infondé, mais aussi abject.

Le 3 décembre dernier, Bernard Cazeneuve et Thomas de Maizière ont affirmé qu’ils rejetaient très fermement toute confusion entre terroristes et migrants. Les ministres souhaitent trouver une réponse commune à la crise des réfugiés et plaident pour un renforcement substantiel du rôle et des opérations de FRONTEX. Une aide financière aux pays de transit, notamment la Turquie, a ainsi été décidée le 29 novembre dernier, ainsi qu’un renforcement des politiques de codéveloppement lors du sommet de La Valette.

Des solutions européennes sont donc possibles et indispensables. Nous invitons les gouvernements à prendre, au cours de ce Conseil européen, les décisions nécessaires et suffisantes pour surmonter cette crise. Nous souhaitons notamment que le mécanisme de relocalisation puisse être rapidement mis en œuvre, afin de ralentir les flux de migrants, c’est-à-dire agir à la source. Comment, monsieur le secrétaire d’État, imaginez-vous débloquer la situation et désamorcer les tentations centrifuges de nos partenaires européens en la matière ?

La libre circulation est l’un des acquis majeurs de l’Union. La remise en cause de l’espace Schengen serait une faute. Elle aboutirait au repli sur soi et empêcherait une mise en œuvre rapide des mesures destinées à protéger les Européens. Schengen est non pas un problème, mais une solution. Maîtriser les flux, c’est renforcer le contrôle des frontières extérieures communes, grâce à un corps de gardes-frontières européen. Nous nous félicitons d’ailleurs de la proposition ambitieuse que la Commission européenne vient de faire aujourd'hui à cette fin. Entreprendre une révision ciblée de Schengen ou rétablir de manière temporaire le contrôle aux frontières ne veut pas dire la fin de Schengen, n’en déplaise à certains.

En outre, Schengen apparaît comme un outil essentiel dans la lutte contre le terrorisme. À cet égard, les sénateurs socialistes souhaitent attirer l’attention du Gouvernement sur deux sujets de préoccupation : l’échange d’informations entre les services compétents des États membres et le traitement des données personnelles dans la lutte contre le terrorisme.

Onze mois après les attentats de janvier, la coopération et la coordination européennes, qui supposent le partage d’informations entre États membres, ne se sont que partiellement concrétisées, malgré la multiplication des réunions et les efforts constants de la France. Or c’est une condition sine qua non à une lutte commune efficace contre le terrorisme. Ainsi, il est urgent que le fichier SIS, Système d’information Schengen, soit alimenté régulièrement, de manière systématique et complète, par les États membres.

En outre, je me félicite que l’accord sur le PNR, issu des négociations entre les institutions européennes, ait été adopté en commission libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen le 10 décembre dernier. Alors que d’aucuns pointaient la faiblesse de l’Europe en la matière, le Parlement européen fait son travail, et nous faisons le nôtre. Je note d’ailleurs que l’extrême droite, si prompte à accuser le Gouvernement et la majorité de faiblesse et d’inaction, vote systématiquement contre le PNR au Parlement européen, au nom de moins d’Europe. Il est vrai que les actes ne rejoignent pas toujours les discours dans ce domaine.

Le PNR européen devrait contribuer notamment à identifier et à suivre plus facilement le déplacement des personnes jusqu’alors inconnues des autorités et suspectées d’entretenir des relations avec des réseaux terroristes. Il évitera également les tentations de repli sur des alternatives strictement nationales moins efficaces, car moins coordonnées. Pour finaliser le processus législatif, le texte devra passer la dernière étape du vote en session plénière, qui devrait avoir lieu en janvier 2016. Le Parlement européen a également obtenu des garanties fortes en matière de protection des données personnelles et de respect des droits fondamentaux. Néanmoins, nous regrettons que l’accord ne contienne pas de garanties solides concernant le transfert des données PNR aux pays tiers.

Voilà les éléments que je souhaitais souligner dans le temps qui m’a été imparti. M. le secrétaire d’État l’a dit à la fin de son intervention, s’il importe que nous soyons vigilants s’agissant du terrorisme et des difficultés auxquelles nous sommes confrontées, notamment la crise des migrants, l’Europe doit aussi montrer – c’est indispensable –, lors de chaque Conseil, qu’elle veut avancer et poursuivre sa construction.

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