Intervention de André Gattolin

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h45
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Le taux de chômage y est de 5, 5 %, mon cher collègue, mais si l’on ajoute les 4 millions de personnes qui bénéficient d’une pension d’invalidité, le taux est le même qu’en France !

Heureusement, cette réforme n’est pas acquise.

La chambre des Lords vient de s’y opposer et plusieurs pays dont David Cameron recherche par ailleurs le soutien, comme la Pologne ou la Bulgarie, y voient avec agacement une mesure ciblée contre leurs ressortissants.

Par cette exigence précise, les autorités du Royaume-Uni remettent en cause l’égalité de traitement entre les citoyens communautaires et cherchent, implicitement, à limiter leur circulation sur le territoire britannique.

Il s’agit là, monsieur le secrétaire d’État, d’une atteinte fondamentale au socle de principes sur lequel repose l’Union.

Plus encore, M. David Cameron refuse l’idée, pourtant inscrite dans le marbre de nos traités, d’une « Union sans cesse plus étroite des peuples d’Europe ».

Ce faisant, il s’attaque à l’objectif même vers lequel tend le processus d’intégration européenne depuis qu’il a été engagé, bien avant l’adhésion du Royaume-Uni en 1973.

Parce qu’elle hypothèquerait toute future intégration politique, la satisfaction d’une telle demande reviendrait à abdiquer définitivement le projet européen que nous portons.

La stratégie du Premier ministre britannique est plus que périlleuse, y compris pour lui-même.

À Londres, il ne lutte pas contre les aspirations antieuropéennes de son opinion publique. Il préfère avancer de nouvelles exigences, plutôt que d’expliquer et de défendre l’intérêt économique de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union.

À Bruxelles, il tente un travail de sape, s’attaquant de toutes parts aux fondements de l’Union, en cherchant des alliés du côté des pays les plus souverainistes, comme le Danemark ou les Pays-Bas.

Dans ce contexte, sa menace péremptoire de soutenir le Brexit si l’Union n’accédait pas à ses exigences exagérées relève d’un chantage vraiment inacceptable.

Compte tenu du rapport de force instauré par M. Cameron, sans doute faudrait-il remettre en question le montant exorbitant du « rabais britannique », qui chaque année grève le budget déjà serré de l’Union et crée une charge supplémentaire pour les autres États membres, au premier rang desquels figure notre pays.

Face à cette crise politique, l’Allemagne est aujourd’hui extrêmement mobilisée : la chancelière Angela Merkel a même établi à Berlin une task force dédiée.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire si la France dispose d’une telle task force, ou, à défaut, compte tenu de votre étroite collaboration avec votre homologue allemand, M. Michael Roth, si elle est associée aux réflexions et aux travaux allemands ?

Si un Brexit porterait en lui-même un coup profond au développement de l’ambition européenne, il ouvrirait aussi une boîte de Pandore, en indiquant aux eurosceptiques de tous les pays la voie du démantèlement de l’Union.

Fléchir, s’agissant de nos principes fondamentaux d’intégration, d’équité de traitement et de libre circulation, contribuerait tout autant à saborder notre projet commun.

Soyons fermes face à Londres, mes chers collègues, et veillons à ne surtout pas tomber dans le piège dangereux qui nous est aujourd’hui tendu.

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