Intervention de Harlem Désir

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h45
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Harlem Désir, secrétaire d'État :

À leurs yeux, l’Union européenne, c’est la liberté, la démocratie, le respect des droits, le respect des petits pays comme des grands !

Ces coopérations, nous les décidons souverainement, volontairement, parce que nous considérons que nous sommes plus forts ensemble pour faire face aux risques pour la sécurité de nos citoyens, notamment à la menace terroriste, pour approfondir notre démocratie, pour soutenir ensemble dans la mondialisation notre modèle économique et social !

Certes, c’est difficile. Mais l’Histoire compte des hommes courageux et visionnaires qui ont eu l’audace de mettre en œuvre la Communauté européenne du charbon et de l’acier, puis le traité de Rome, le marché commun, la politique agricole commune – nos agriculteurs savent à quel point c’est important, même s’il faut sans cesse l’améliorer –, la monnaie unique, les politiques communes dans de nombreux domaines ; je pense par exemple à Erasmus, qui permet aux étudiants européens de circuler dans l’Union européenne. L’Union européenne est une grande réalisation de l’histoire du XXe siècle. Je ne vois pas comment vous pouvez la comparer avec une quelconque dictature totalitaire, monsieur Rachline ! Vous faites à l’évidence preuve d’aveuglement idéologique, pour reprendre votre formule.

Jean-Claude Requier a eu raison d’insister sur le fait qu’il ne fallait pas démonter Schengen. Il faut au contraire le renforcer. Lors de la création de Schengen, il était évident que, en parallèle à la liberté de circulation à l’intérieur de cet espace, il faudrait renforcer les mesures de contrôle des frontières extérieures communes ; cela n’a pas été suffisamment fait. C’est donc une priorité absolue pour la France, aujourd’hui. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné le contrôle systématique et coordonné aux frontières extérieures, y compris pour les citoyens de l’Union européenne qui rentrent de nouveau dans l’Union européenne. C’est ce que la France demande ; c’est ce que la Commission européenne a présenté aujourd’hui.

Comme l’a rappelé Pascal Allizard, c’est dans l’épreuve que l’on se révèle ; cela vaut aussi pour les institutions ! L’Europe doit se révéler dans cette épreuve, et certainement pas en se rétrécissant. Monsieur le sénateur, vous avez raison de ne pas accepter l’idée d’un mini-Schengen. Cette idée, avancée par un responsable européen dont cette question ne relève pas des compétences, nous semble totalement dépourvue de pertinence. Au contraire, comme vous l’avez souligné, il faut plus anticiper les crises auxquelles nous pouvons avoir à faire face. En particulier, il est absolument nécessaire de renforcer les capacités, le budget, les moyens de FRONTEX, du Fonds asile migration et intégration, le FAMI, et le Fonds sécurité intérieure, le FSI.

La poursuite de la lutte contre les trafics de personnes en Méditerranée, en particulier au large ou à proximité des côtes libyennes, est aussi l’une des raisons pour lesquelles il faut renforcer le mandat de l’opération Sophia. Il nous faut un gouvernement d’union nationale en Libye, autorité ayant une reconnaissance internationale et une légitimité pour demander, sur le fondement d’un mandat entériné par les Nations unies, que l’on puisse l’appuyer pour lutter contre les trafics de personnes et contre les criminels qui mettent des réfugiés sur des bateaux au péril de leur vie.

Yves Pozzo di Borgo s’est interrogé sur les marges de négociation concernant le référendum britannique. Encore une fois, nous sommes totalement défavorables à l’idée du Brexit. À nos yeux, c’est l’intérêt de l’Union européenne que le Royaume-Uni reste en son sein, tout comme c’est l’intérêt du Royaume-Uni de rester au sein de l’Union européenne ! André Gattolin a mentionné les conséquences économiques très négatives d’une telle sortie.

Nous souhaitons que le Royaume-Uni précise ses demandes et que celles-ci soient compatibles avec les principes et les traités de l’Union européenne. Nous pensons en particulier qu’il est tout à fait possible de lutter contre les abus sociaux sans remettre en cause le principe de la liberté de circulation. Dans de nombreux domaines, des réponses peuvent être apportées aux interrogations qu’a soulevées le Royaume-Uni et qui sont d’intérêt commun pour l’ensemble des Européens : plus de simplification dans le fonctionnement de l’Union européenne, une amélioration du marché intérieur, de sa compétitivité. Dans ces domaines, nous sommes d’accord.

Le président de la commission des affaires européennes a raison : il ne faut pas réinstaurer de droit de veto dans des domaines où la codécision, c’est-à-dire la capacité d’avancer à la majorité qualifiée, a été décidée. En revanche, la différenciation est possible. C’est déjà la réalité. Il existe une Europe différenciée : certains pays participent à la monnaie commune et à Schengen, mais d’autres coopérations sont envisageables. Des coopérations renforcées peuvent être créées. C’est ce que nous allons faire dans le domaine de la taxe sur les transactions financières. D’autres pays ne participent pas à cette avant-garde européenne. Pour autant, cela n’induit pas un droit de veto sur le fonctionnement de la zone euro et sur la volonté de la majorité des États membres d’approfondir leur coopération.

Éric Bocquet est intervenu sur de nombreux sujets. Il va de soi que le PNR prendra en compte les garanties en matière de protection des données. D’ailleurs, une directive sur la protection des données est en cours d’adoption au sein de l’Union européenne. Nous ne sommes pas favorables aux politiques d’austérité. La France les a toujours combattues. Il faut stimuler la demande en même temps que l’offre, mener des réformes tout en soutenant des investissements. C’est le sens du plan Juncker. Il faut aussi que le pacte de stabilité soit interprété intelligemment ; c’est ce que nous avons toujours défendu.

Michel Delebarre a souligné à quel point il était important de maintenir les acquis de Schengen, l’acquis de la liberté de circulation et de bien utiliser tous les outils de coopération en matière de lutte contre le terrorisme, en particulier le système d’information de Schengen.

André Gattolin a insisté sur les risques d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et nous a exhortés à en examiner de près les conséquences. Nous ne nous plaçons pas dans cette hypothèse. En revanche, nous nous déterminons par nous-mêmes et nous travaillons avec nos partenaires, en particulier le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui mène des consultations avec l’ensemble des États membres et avec le Premier ministre britannique, David Cameron.

M. le rapporteur général de la commission des finances a longuement évoqué les relations de l’Union européenne avec la Russie. D’une part, avec le vice-président de la Commission européenne chargé de l’Union énergétique, Maroš Šefčovič, nous suivons de manière très attentive le traitement du conflit gazier entre la Russie et l’Ukraine, pour faire en sorte que le conflit ne dégénère pas. D’autre part, nous suivons le dossier de la dette ukrainienne vis-à-vis de la Russie, qui porte sur des montants très importants, de l’ordre de 3 milliards d’euros.

À la suite du président de la commission des affaires européennes, je tiens à rappeler que les sanctions seront reconduites pour six mois. Depuis une décision du Conseil européen du mois de mars dernier, elles sont liées à une mise en œuvre complète des accords de Minsk. Tout le monde reconnaît que nous n’y sommes pas encore. Des retards ont été pris, notamment dans la réforme de la constitution, l’élaboration de la loi électorale qui doit être adoptée en Ukraine et l’organisation des élections dans le Donbass. Quelques mois supplémentaires sont donc nécessaires pour vérifier la pleine mise en œuvre de ces accords.

Il faudra aussi que l’Ukraine puisse récupérer le contrôle de sa frontière, que les armes lourdes aient été écartées et que les combats aient complètement cessé. On note une amélioration. Les accords de Minsk, grâce au format Normandie, ont permis des progrès. Par conséquent, à l’issue de leur mise en œuvre, nous souhaitons que les sanctions avec la Russie puissent être levées. Il faudra aussi que la Russie lève ses contre-sanctions à l’égard de l’Union européenne ; elles ont affecté nos agriculteurs. Des relations apaisées et normales doivent pouvoir s’établir entre l’Ukraine et la Russie, d’une part, et entre l’Union européenne et la Russie, d’autre part. La Russie est aussi un grand partenaire, notamment, mais pas seulement, dans la lutte contre le terrorisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie des éléments que vous avez fournis au Gouvernement à la veille du Conseil européen.

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