Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la dernière fois que nous allons débattre au Sénat du projet de loi de modernisation de notre système de santé, même si celui n’a pas encore achevé son chemin parlementaire, qui doit se poursuivre à l’Assemblée nationale dans quelques jours.
Voilà deux mois, votre assemblée adoptait ce projet de loi, à l’issue d’un travail fourni. Je tiens à saluer de nouveau la qualité de ce travail, celui des rapporteurs, mais aussi, plus largement, celui de toutes celles et de tous ceux qui y ont participé. Je pense aux sénatrices et aux sénateurs de l’ensemble des groupes, ainsi qu’aux services de la commission des affaires sociales.
Le texte a profondément évolué au cours de son premier passage au Sénat. Il a été enrichi de nouvelles dispositions très importantes. J’y reviendrai.
Cependant, sa cohérence avait été affaiblie, plusieurs de ses mesures clés ayant été supprimées.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture a permis de confirmer le travail élaboré au Sénat, tout en redonnant au texte la force de son ambition d’origine.
Cette ambition s’inscrit dans la cohérence de l’action que je mène pour lutter contre les inégalités de santé depuis maintenant plus de trois ans.
Ces inégalités, je les ai combattues en facilitant l’accès aux soins pour celles et ceux qui connaissent des difficultés financières et renoncent trop souvent à consulter pour cette raison.
Fin des mesures de désengagement de l’assurance maladie, encadrement des dépassements d’honoraires, relèvement des plafonds de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide à la complémentaire santé, l’ACS… toutes ces réformes sont cohérentes et efficaces. Les résultats sont là : après plus de dix ans de hausse, ce qui reste à la charge des Français diminue régulièrement depuis 2012 !
Ces inégalités, je les ai également combattues dans nos territoires. J’ai lancé dès 2012 le « pacte territoire-santé ». C’est une véritable dynamique qui a été enclenchée. Ainsi, 800 maisons de santé et 500 médecins installés dans des zones sous-dotées permettent aujourd’hui de lutter contre ce que l’on appelle, à tort à mon avis, les « déserts médicaux » et de réduire les inégalités d’accès aux soins.
Le 26 novembre dernier, j’ai présenté une deuxième étape de ce pacte, en amplifiant la logique qui a fait ses preuves, celle de l’incitation, et en poursuivant la même méthode : réformer le système de santé en partant du terrain et de l’expérience des professionnels.
Le « pacte territoire-santé 2 », ce sont dix engagements forts, et des mesures concrètes et ambitieuses. Je pense au relèvement ciblé du numerus clausus dans dix régions manquant particulièrement de médecins, à l’investissement de 40 millions d’euros pour développer la télémédecine en ville ou encore au renforcement des aides à l’installation des jeunes médecins et du soutien financier au travail en équipe.
Accès aux droits, accès aux soins, lutte contre les inégalités : le projet de loi de modernisation de notre système de santé s’inscrit pleinement dans la continuité et la cohérence des actions menées.
L’enjeu, avec ce texte, est d’accélérer en innovant : innover pour mieux prévenir ; innover pour mieux soigner en proximité ; innover pour renforcer les droits des patients.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les différentes mesures, que vous connaissez presque par cœur pour les avoir déjà examinées en première lecture. Je tiens cependant à en rappeler les grands axes, car ce sont eux qui structurent le projet de loi.
Il s’agit d’abord de faire de la prévention le cœur de notre système de santé, avec des mesures concrètes pour la prévention dès le plus jeune âge. Instauration du médecin traitant de l’enfant, parcours éducatif en santé de la maternelle au lycée, interdiction de fumer en voiture en présence d’un mineur, généralisation du paquet de cigarettes neutre, création d’un délit d’incitation à la consommation excessive d’alcool, meilleur dépistage des infections sexuellement transmissibles, mise en place d’un étiquetage nutritionnel clair et lisible des aliments… voilà autant de mesures qui doivent permettre à notre jeunesse de mieux protéger sa santé.
Cette politique de prévention est innovante et cohérente. Elle concerne tous les Français.
Toujours à propos de prévention, je mentionne l’ouverture des salles de consommation à moindre risque destinées spécifiquement à accompagner les toxicomanes les plus marginalisés vers le sevrage et à protéger les riverains.
Je pense aussi à l’amélioration des dépistages et au renforcement de la prévention des risques, y compris en prison.
Le deuxième volet du projet de loi concerne le développement d’une médecine de proximité autour du médecin traitant. Il s’agit de s’attaquer à toutes les barrières, qu’elles soient financières ou géographiques, qui freinent ou empêchent l’accès aux soins. Concrètement, je veux faciliter l’accès aux soins avec la généralisation du tiers payant, l’instauration de la lettre de liaison transmise par l’hôpital au médecin traitant le jour même de la sortie du patient, la mise en place d’un numéro d’appel national unique pour joindre un médecin de garde.
Avec ces mesures, nous passons d’une organisation hospitalo-centrée de notre système de santé à une organisation qui fait du médecin généraliste le centre de gravité de la prise en charge du patient. Il s’agit d’engager concrètement le virage ambulatoire.
Enfin, le troisième volet de ce projet de loi renforce les droits des patients et innove en créant de nouveaux droits : renforcement du rôle des associations d’usagers grâce à leur présence dans toutes les agences sanitaires nationales ; création de l’action de groupe en santé ; droit à l’oubli pour les anciens malades du cancer.
Nous innovons également avec la mise à disposition des données anonymisées de l’assurance maladie aux chercheurs, aux start-up, aux lanceurs d’alerte, aux entreprises.
Enfin, nous renforçons la transparence entre les professionnels de santé et les acteurs industriels en rendant publics l’ensemble des conventions d’expertise, les avantages en nature et leurs montants. Ces mesures étaient attendues et demandées par les associations de patients, ainsi que par les professionnels de santé. Nous répondons donc concrètement à cette attente.
Le travail parlementaire a permis d’enrichir ce texte et de le faire évoluer dans le sens de l’intérêt général. L’apport du Sénat, je le souligne, a été réel.
Vous avez d’abord confirmé des mesures fortes qui ont ainsi pu être adoptées conformes en première lecture. Je pense à la contraception d’urgence pour les élèves du second degré ; à l’interdiction de fumer en voiture en présence d’un mineur ; aux dispositions relatives à la santé au travail, à la santé environnementale et aux droits des patients.
Je pense aussi, tout particulièrement, aux mesures en faveur de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse.
Vous le savez, je me suis engagée résolument à faire progresser ce droit. C’est ainsi que ce texte prévoit, notamment, la suppression du délai de réflexion et le renforcement de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse par l’intermédiaire des sages-femmes et des centres de santé.
Les débats à l’Assemblée nationale avaient été vifs sur ce sujet, l’opposition ayant voté contre ces mesures. Vous avez, pour votre part, fait le choix de les adopter conformes et, par là même, de les graver dans le marbre de cette loi. Je tiens à saluer votre engagement et votre fermeté face aux sirènes conservatrices qui remettent en cause le droit des femmes, surtout lorsqu’il s’agit de leur droit à disposer de leur corps.
Votre travail a également permis d’enrichir le texte de dispositions nouvelles, qui ont ensuite été confirmées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Je pense notamment à la question du droit à l’oubli. Cette avancée était attendue par les anciens malades, vous l’aviez fait évoluer et l’Assemblée nationale a conservé vos principales contributions, tout en renforçant la lisibilité du dispositif.
Je pense aussi à votre volonté d’inscrire dans le texte l’association des maires aux expérimentations de salles de consommation à moindre risque. Pour moi, cette association allait de soi, et l’Assemblée nationale l’a confirmée avec l’accord du Gouvernement.