Intervention de Alain Milon

Réunion du 14 décembre 2015 à 14h30
Modernisation de notre système de santé — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Alain MilonAlain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’en viens aux articles relatifs à l’organisation sanitaire.

S’agissant des soins ambulatoires, l’Assemblée nationale a privilégié la mise en place de structures nouvelles, tandis que nous avions affirmé la nécessité d’un minimum de stabilité en ce domaine. Les professionnels devront donc faire évoluer des modes d’organisation qu’ils viennent parfois tout juste de mettre en place, cette fois sous la tutelle des ARS. Je pense en particulier aux communautés professionnelles territoriales de santé, qui viendront inutilement se substituer aux pôles de santé.

Nous sommes favorables à la mise en place du service public hospitalier, mais nous l’avions complétée par le maintien de la possibilité donnée aux cliniques d’exercer des missions de service public à tarifs opposables. L’Assemblée nationale a rétabli leur exclusion totale, à nos yeux injustifiée.

Même en ce qui concerne les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, à propos desquels nous étions allés très loin dans la volonté d’aboutir à un texte commun, l’Assemblée nationale a supprimé la participation des élus à leur comité stratégique. Cette modification, que beaucoup de nos collègues ont du mal à comprendre, risque de rendre les restructurations qui seront proposées encore moins acceptables.

En matière d’organisation de la permanence des soins ambulatoires, la PDSA, nous souhaitions simplifier le dispositif proposé pour la régulation médicale en instituant un numéro de téléphone unique, gratuit et national, susceptible de constituer une véritable option de remplacement du 15 ; au lieu de cela, le système prévu sera complexe et variable d’un territoire à l’autre.

Les députés ont par ailleurs supprimé la précision introduite par le Sénat concernant l’articulation entre la médecine libérale et les établissements de santé dans la permanence des soins : les ARS pourront donc toujours suspendre la PDSA entre minuit et huit heures, comme c’est déjà le cas dans certaines régions.

Sur un point touchant à la liberté des patients, l’Assemblée nationale est également revenue à sa version initiale : je fais référence à l’article 25, qui porte sur le fameux dossier médical partagé, le DMP. Nous avions supprimé la possibilité pour le médecin traitant d’accéder, sans l’accord du patient, aux données occultées par ce dernier. Les députés ont rétabli cette possibilité, qui nous paraît profondément contraire aux droits des malades.

L’Assemblée nationale ne nous a pas davantage suivis dans notre volonté d’organiser une concertation entre les syndicats de médecins et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, concernant l’installation des professionnels dans les zones sous-denses. Il s’agissait là d’une solution d’équilibre adoptée par le Sénat à l’issue d’un long débat et qui aurait permis d’apporter une réponse négociée au problème des déserts médicaux.

Enfin, sans surprise, l’Assemblée nationale a rétabli le tiers payant généralisé, avec toutefois une modification révélatrice : le rapport sur la faisabilité du dispositif a été différé à un mois après la parution de la loi. Il y a donc visiblement quelque difficulté à faire paraître ce qui devait constituer un préalable…

Cette disposition, qui n’est pas nécessaire pour l’accès aux soins étant donné les dispositifs existants pour les personnes les plus défavorisées et la pratique des médecins en matière de tiers payant, a inutilement bloqué toute négociation avec les syndicats. Elle remet en cause les conditions d’exercice de la médecine libérale et pose d’importantes questions, qu’elle ne résout pas, sur la place des complémentaires. Nous ne pouvons l’accepter.

Au total, même si l’Assemblée nationale a conservé quelques-uns de nos apports, comme la place faite aux médecins spécialistes de deuxième recours – grands oubliés de ce texte –, les sujets de désaccords sont majeurs. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a rejeté le texte du projet de loi et a adopté une motion tendant à opposer la question préalable.

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