Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé, après l’échec de la commission mixte paritaire. Je regrette sincèrement cet échec, et en particulier sa brutalité.
Il me semble essentiel de rappeler qu’une commission mixte paritaire ne peut réussir que si trois éléments sont réunis. Il faut tout d’abord, bien entendu, y amener un texte équilibré, qui améliore le texte initial sans le dénaturer ; c’est la responsabilité du Sénat. Il faut aussi, en revanche, que l’Assemblée nationale fasse montre d’une écoute respectueuse et constructive. Enfin, et peut-être surtout, il faut que le Gouvernement ait la volonté de parvenir à un consensus.
Je ne veux pas lancer une chasse aux sorcières, chercher qui a tort et qui a raison. Certains disent le Sénat rétrograde ; il trouve plutôt sa vertu dans la prudence et la sagesse. Ainsi, quelle avancée de sa part que d’accepter les salles de shoot, quand bien même nous avons décidé de les faire encadrer par du personnel compétent, dans un cadre hospitalier !
Une commission mixte paritaire peut avoir un résultat positif : nous l’avons bien vu tout à l’heure lors de l’adoption, à l’unanimité, du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Cette issue positive nous a ravis, mon collègue corapporteur Georges Labazée et moi-même, comme l’ensemble de notre assemblée et vous-même, madame la ministre, je crois pouvoir le dire.
Pour en revenir au sujet de notre discussion, la commission des affaires sociales du Sénat, réunie le 9 décembre dernier, a majoritairement pris la décision de poser une question préalable. Nous avions adopté la même décision pour ce qui concerne le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous avons conçu en effet les mêmes regrets et la même amertume de ne pas pouvoir discuter de nouveau des sujets forts dont nous avions débattu lors de la première lecture du projet de loi santé, parmi lesquels, en particulier, la généralisation du tiers payant.
Nous connaissons les raisons qui nous poussaient à ne pas être favorables à cette généralisation, laquelle banalise la consultation médicale. Le tiers payant est indispensable aux patients les plus fragiles, mais sa généralisation risque d’avoir un effet pervers dans le contexte actuel, en décourageant plus encore les jeunes médecins de s’installer dans des zones où ils sont très attendus, aggravant ainsi le problème de la désertification médicale.
Sur le terrain, les discussions menées, en particulier avec des représentants du syndicat MG France, montrent que les médecins ont conscience qu’ils doivent s’organiser, comme cela a été le cas pour les infirmiers libéraux, afin d’être présents sur l’ensemble du territoire. Ils savent qu’ils doivent changer leurs habitudes et prendre leurs responsabilités, afin d’assurer la part du service public de santé qui leur est confiée. La publication de cette loi risque de compromettre ces pistes de discussion nouvelles et très intéressantes.
Nous aurions aimé discuter de nouveau de la présence des élus dans l’organisation des groupements hospitaliers territoriaux, les GHT, comme du recentrage de l’organisation des soins primaires autour des médecins généralistes, en nous appuyant sur les pôles de santé institués par la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ».
Je voudrais également mentionner la reconnaissance due aux établissements hospitaliers privés, qui exercent actuellement les missions du service public, tout en maintenant les garanties qui s’y attachent pour les patients, au premier rang desquels les tarifs opposables.
Le principal sujet qui aurait mérité que nous poursuivions nos échanges est peut-être le paquet neutre. Le tabac est un fléau sanitaire contre lequel nous ne pouvons absolument pas relâcher nos efforts. Pourquoi, cependant, madame la ministre, vouloir à tout prix aller au-delà de la directive européenne qui harmonise à l’ensemble des États membres la présentation des paquets, tout en assurant la mission de prévention à laquelle, à juste titre, vous tenez tant ? L’application de cette directive européenne, prônée par le Sénat, n’a été écartée qu'avec une majorité de deux voix à l’Assemblée nationale : n’aurait-on pu parvenir à un consensus sur le sujet ?
Il est inutile d’aller plus loin dans cette énumération, tant ces quelques exemples suffisent à exprimer notre déception.
Madame la ministre, en tant que médecin, je sais que, quand une personne est victime d’un grave problème de santé, tout le reste n’est que détail à ses yeux. C’est dire à quel point une grande loi sur la santé était si attendue et si importante. Nous reconnaissons, à ce titre, le travail mené par vous-même et par vos services. Ce sujet n’est ni de droite ni de gauche : il nous concerne tous et aurait mérité un dialogue constructif pour parvenir à un compromis que, tous, nous souhaitions.
C’est pourquoi l’échec de la commission mixte paritaire est une déception, dans un tel contexte. Certains d’entre nous y ont même perçu une forme de mépris, au vu de l’importance du blocage qui nous a été opposé.
Pour exprimer cette amertume, je ne peux que reprendre l’expression que j’ai prononcée en commission des affaires sociales la semaine dernière : si certains ont pensé avoir raison de faire la sourde oreille, notre profonde déception nous obligera à rester muets !
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC – à regret, j’y insiste – votera en faveur de la question préalable.